Chapitre 2 : Cérémonie et départ

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Arya considérait le nouvel arrivant d'un regard circonspect. Les funérailles de Nasuada allaient commencer à l'aube, mais pour l'instant, un invité inattendu se tenait entre elle et sa garde rapprochée.
Il y a quelques minutes, il avait tenté de pénétrer de force dans les appartements de Nasuada, provoquant une panique générale. Il avait fallu qu'elle rassure les différents corps de garde et leur promette qu'il était sous sa surveillance pour qu'ils le laissent tranquille.

Bien qu'elle était plus grande que de nombreux humains, et qu'elle avait acquis le port de tête altier de sa mère au fil des cérémonies et des événements publics auxquels elle avait participé, le jeune homme qui se dressait en face d'Arya la dominait de trois bons pouces.
Ses longs cheveux étaient d'un noir d'encre, et une flamme intense brûlait dans son regard.
Vêtu d'un manteau pourpre, il portait à la ceinture une l'épée écarlate qu'elle ne connaissait que trop bien. Il avait le visage d'un garçon de vingt ans.
-Murtagh, dit-elle simplement.
Ce n'était ni un salut, ni un reproche. Une simple affirmation.
-Si tu continues à me fixer comme ça, je vais bientôt craquer, lâcha-t-il, et ça ne va pas plaire à mon frère...
Arya faillit rougir, ne sachant pas si c'était à l'évocation d'Eragon ou à cause de la réplique osée du Dragonnier.
« Tu dois mieux contrôler tes sentiments ».
Elle lui sourit intérieurement, rien n'échappait à Fírnen, le dragon de son cœur.
-C'est maintenant que tu reviens, lui répondit-elle, choisissant d'ignorer délibérément sa pique.
Le visage de Murtagh s'assombrit, mais il soutint son regard :
-Je n'avais pas le choix.
-Dis plutôt que tu n'as jamais eu le courage de la voir vieillir.
-Je devais garder mes distances, avoua Murtagh. Je suis immortel, ç'aurait été bien trop dur pour nous deux, et tu le sais aussi bien que moi. Néanmoins, je tenais quand même à la voir une dernière fois.
-Imbécile, dit-elle par réflexe, même si elle sût au fond d'elle qu'il n'avait pas tort. Elle savait que Nasuada et Murtagh avaient des sentiments l'un pour l'autre, mais à quoi cela les aurait menés ? Cet amour entre une mortelle et un immortel était aussi vain que celui d'un humain et d'un elfe.
« Et pourtant... », fit remarquer Fírnen qui suivait le cours de ses pensées.
La remarque de son dragon la fit un instant vaciller, bien qu'elle sut se reprendre très vite :
« C'est différent. Eragon est immor... Non, il n'était rien du tout. Elle devait se refuser toute pensée à ce sujet. C'était trop douloureux, et les années qui étaient passées ne venaient qu'alourdir sa peine.
Mais alors, furtivement, elle se souvint de leur séparation sur la Talíta, le bateau qui devait l'emmener si loin à l'Est.
Elle se rappela le moment où tous deux avaient prononcé le vrai nom de l'autre, les frissons qu'elle avait ressenti alors, puis les trois doigts qu'elle avait posé sur ses lèvres, comme pour clore un chapitre de leur vie, avant que Fírnen ne l'arrache à lui.
En vérité -et elle en était sûre maintenant avec du recul- s'il avait pu prononcer un mot de plus à ce moment là, l'elfe n'aurait jamais pu se résoudre à le quitter.

-Arya ? Tu rêves ou je me trompe ?
L'elfe se reprit en un instant.
-Ce n'est rien, je pensais juste à quelque chose. Qu'est-ce que tu disais ?
-Je t'ai demandé si je pouvais voir Nasuada, maintenant que tu as vu que je ne vous voulais aucun mal. Ils ne me font toujours pas confiance ici : tu dois te porter garante.
-Va, va la voir, répondit-elle avant de faire signe à l'un de ses gardes de le suivre.
-Eh bien ce n'est pas trop tôt ! Oh et si je peux me permettre un conseil... Tu devrais aller te reposer avant la cérémonie de demain, tu as vraiment l'air épuisée.
Arya opina du chef. Sa garde rapprochée l'entoura de nouveau, et le petit groupe se mit en branle jusqu'à ses appartements.

La cérémonie qui vint le lendemain fut longue et douloureuse pour chacun.
Elle consistait d'abord en une procession qui partait de la citadelle et traversait Ilirea par son avenue principale. Au milieu du cortège se trouvait le corps de la défunte reine, comme endormi, porté par six soldats du Royaume de Broddring sur de longs boucliers d'argent.
La file observait un silence absolu, pourtant régulièrement interrompu par les lamentations et les sanglots des habitants qui observaient, disposés de chaque côté de l'avenue.
Elle prit ensuite la sortie sud de la ville, pour se diriger vers une large colline où était posé un curieux cercueil. Celui-ci semblait taillé à même le diamant, sans doute par la magie des elfes.
La souveraine fut déposée avec la plus grande délicatesse à l'intérieur, et un homme à la peau sombre, dont le cou et les poignets étaient cerclés de plusieurs onces d'or, prit la parole :

Eragon, Tome 5 : Le peuple GrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant