Cela faisait maintenant plusieurs minutes qu'ils avançaient tous les deux d'un pas rapide dans la grotte. Eragon s'échinait à ne pas piétiner les ossements qui jonchaient le sol.
Ce triste spectacle dont il avait déjà été témoin un peu plus tôt le rendait nauséeux.Tout en marchant dans son dos, il ne pouvait s'empêcher d'analyser l'étrange figure qui lui avait demandé de le suivre.
Sa taille était tout bonnement inhumaine: elle le dépassait d'un bon pied. Ses cheveux, d'un blanc nacré tout aussi irréel, tombaient sur sa tunique en de longues mèches éparses.
Les yeux quant à eux tendaient vers le jaune pâle.
Mais par dessus tout, c'était la couleur de sa peau qui interrogeait le plus le garçon.Dans sa tête, les hypothèses fusaient, mais il n'osait pas poser de questions, trop fasciné par cette créature d'une race inconnue.
Il lui était facile de la détailler grâce au halo blanchâtre qui l'entourait mystérieusement, lui donnant un aspect presque angélique -ou fantomatique- selon les croyances.
Fébrile, la lueur produite ne suffisait à illuminer les recoins les plus sombres de l'antre, au grand soulagement d'Eragon.Aldaril, qui marchait pieds nus, s'arrêta brusquement avant de se retourner:
-Dragonnier, l'interpella-t-elle d'une voix d'outre-tombe, as-tu compris la nature de ce que tu vois autour de toi ?
Devant l'incompréhension du jeune homme, elle poursuivit.
-Tout ceci n'est pas réel... Ou du moins, pas encore. Cette grotte, cette terre sur laquelle nous marchons, appartiennent au futur.Eragon, la toisant d'un air incrédule, prit le temps néanmoins d'emmagasiner l'information. Après l'avoir tournée dans tous les sens, de nouvelles perspectives s'ouvrirent à lui:
« Mais alors... ça voudrait dire que tous ces dragons ne sont pas encore morts ? »
Pris d'émotion, il regarda un moment les ossements à ses pieds: si c'était bien un songe de l'avenir, combien de temps lui restait-il ?
Aldaril lui répondît comme si elle suivait le fil de ses pensées.
-Tu peux encore les sauver, mais sache que ces paysages sont ceux d'un avenir proche, et dans lequel il n'existe plus aucune magie, et par conséquent, plus aucune vie.
L'esprit du dragonnier grouillait de questions devant ces révélations.
Plus de magie ? Cela lui rappelait vaguement quelque chose... Et qui était cette femme, dont il ne connaissait que le nom ? Que faisaient-ils ici, et comment pouvaient-ils s'y trouver si c'était justement l'avenir ? Enfin, dans ce cas, comment empêcher toutes ces choses de se produire ?Là encore, l'étrange femme coupa court à ses interrogations.
-Le temps nous est compté, Shurtugal. Toutefois je dois d'abord te tester.
Pour commencer, de quoi te souviens-tu en dernier, avant de t'être réveillé ici ?
Eragon prit son temps pour réfléchir.
-D'une clairière au milieu de la forêt, près des chutes. Puis tout s'embrouille. Un malaise. De la peur. De la colère, et enfin le noir.
-Ce n'est pas tout, dit-elle avec autorité, comme si elle connaissait la scène dans les moindres détails, te souviens-tu d'autre chose ?Le garçon déglutit. Il savait de quoi elle voulait parler.
-J'ai fui après avoir découvert les sentiments d'Arya... je ne voulais pas souffrir à nouveau d'une séparation... je...
-Tes sentiments pour cette elfe sont la cause de bien des malheurs, commenta Aldaril d'un air de profonde réflexion. J'ai appris qu'ils t'avaient déjà trahis par le passé.
Mais ce n'est pas non plus de ça dont je voulais que tu te souviennes. Ne pense pas à aux sentiments. Pense à leurs conséquences.Alors lentement, inexorablement, la réponse lui apparût.
Presque rouge de honte, il reconnût:
-Je crois... je me souviens avoir souhaité... de toutes mes forces... que la magie n'ait jamais existé.
À cet instant, Aldaril lui sembla jurer dans une forme proche mais très vieillie de l'ancien langage (autant que ce soit possible pour un langage déjà si vieux).
-Nous y voilà. Tu as souhaité. Mais tu ne l'as pas seulement souhaité, n'est-ce pas ? Ne sachant pas contrôler tes émotions, tu y as mis toute ton énergie !
Eragon sentit une peur primaire monter en lui, se rappelant les lointaines leçons de Brom, avant de la questionner d'une voix tremblante:
-Vous voulez dire que, dans ma colère, j'aurais lancé... un sort ?
Il continua, la panique se ressentant dans son ton.
-Mais ce n'était pas ça, n'est-ce pas ? Il est impossible de lancer un tel sort... ça m'aurait tué... je n'ai pas pu faire disparaître...
Avec horreur, il reprit sur un ton plus aigu. -Attendez, vous voulez dire que je suis le responsable de tout ce qu'on voit là ?! Mais c'est...
-Impossible ? Pour la plupart des gens en tout cas. Pas pour toi. Tu n'imagines pas le nombre de choses qui tournent autour de toi. Mais tu as raison sur un point : ce n'était pas un sort.
Mais rassure-toi, tu n'es pas encore responsable de la destruction de la magie.
Par contre, si tu ne fais rien, tu vas y contribuer.
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Eragon, Tome 5 : Le peuple Gris
Fiksi Penggemar100 années sont passées depuis qu'Eragon a quitté l'Alagaësia pour n'y jamais revenir. Après avoir vaincu Galbatorix, il s'attelle à forger un nouvel ordre de dragonniers. Arya, après un événement tragique, lui rend même visite à Tarak'fell, la mont...