Chapitre 7 : La Chute

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Saphira rugit derrière lui. Eragon, impuissant, fit face à la scène au ralentit : Arya lâcha les livres qu'elle tenait, avant de tourner les talons pour à nouveau se perdre dans les innombrables rayons de la bibliothèque d'Ilía Thelduin.
Il repoussa Númendil avec force, mais le mal était fait.
-Qu'est-ce qui t'as pris, s'emporta-t-il, rouge de colère, tu es complètement folle ?
Il ne lui laissa pas le temps de répondre, la bousculant pour se précipiter sur les pas de l'elfe.
« Eragon, tonna Saphira, tu as intérêt à la rattraper ! »
Il acquiesça sans hésiter.
« Je n'y comprends rien, pourquoi Númendil a fait ça ? Elle n'aurait jamais osé aller si loin auparavant... »
La dragonne ne répondit pas.

Sortant bientôt de la bibliothèque, il se remémora rapidement les événements. Fírnen n'était pas aux côtés de l'elfe tout à l'heure. Étrange. Le dragon n'était pas non plus à l'extérieur.
« Saphira, dit-il à la dragonne qui faisait déjà de grands cercles dans le ciel, tu les vois ? »
« Toujours rien. Mais je ne sens plus du tout l'odeur de Fírnen. Je crois qu'ils sont partis. »
Dans un fracas, elle atterrit pour que le dragonnier puisse monter sur son dos, avant de re décoller en un instant.
-Elle doit être déjà loin maintenant, cria le garçon pour se faire entendre dans le vent qui battait ses tempes, et la ville est immense !
« Tu n'as aucune idée d'où elle aurait pu aller ? », demanda la dragonne.
Eragon se creusa les méninges un moment avant de lui répondre par leur lien mental.
« Je ne sais pas. Elle ne connaît pas la ville. Ni la région d'ailleurs... Mais si je voulais m'enfuir à un endroit où personne ne viendrait me chercher, dit-il lentement, j'irais... »
Ils reprirent d'une seule voix :
« La cascade ! »

Trente minutes plus tard, après avoir longé le cours de l'Edda sur plusieurs miles et avoir franchi de nombreux vallons, ils furent en vue des chutes.
La rivière se jetait dans un vacarme assourdissant dans le grand bassin en contrebas, entouré de larges arbres aux feuilles opaques qui masquaient ses rebords. Seul un promontoire rocheux perçait la végétation, pour se dresser avec fierté au dessus de l'eau. Depuis qu'elle l'avait découvert il y a un siècle, la cascade était l'endroit préféré de la dragonne saphir. Aucun dragon, sauvage ou lié à un autre être, n'osait lui disputer ce lieu.
Leur pressentiment ne les avait pas trompés : sur le promontoire rocheux, un grand dragon vert était couché, la queue enroulée autour de lui. Quand ils furent plus près, Eragon la vit, aux limites du vide, les genoux ramenés à sa poitrine, et le menton appuyé dessus. Elle ne leva même pas la tête quand ils les survolèrent avant d'atterrir auprès d'eux. Seul Fírnen accueillit Saphira et le jeune homme d'un timide mouvement de la tête.
Eragon sauta à terre, s'approchant délicatement du bord. Il vint ensuite s'assoir sur la roche aux côtés de l'elfe, les pieds au dessus de l'eau mousseuse en contrebas.

-Tu as pris un peu d'avance, commença-t-il.
Elle leva un sourcil, visiblement intriguée. Il continua :
-C'était l'endroit que je voulais te montrer, mais visiblement tu l'as trouvé par toi-même. C'est beau, tu ne trouves pas ?
L'elfe parut surprise, mais garda le silence pendant de longues minutes, si bien que le garçon douta qu'elle lui réponde un jour.
-C'est beau, répondit-elle finalement, d'un murmure presque imperceptible que seule une oreille elfe pouvait capter.
-Je suis navré pour tout à l'heure.
-Tu n'as pas à t'excuser. Tu peux fréquenter qui tu veux, ça ne me regarde pas.
Ces paroles eurent sur Eragon l'effet d'un coup de poignard.
-Je ne la fréquente pas, dit-il dans un soupir. Elle m'a embrassé de force.
Le cœur du jeune homme battait de plus en plus fort. Il n'était pas nécessaire d'évoquer ses sentiments toujours vivaces pour l'elfe.
-Tu te souviens du jour où tu m'as appris que Fírnen avait éclôt pour toi ?
Arya lui parut se relâcher un peu.
-Bien sûr, comme si c'était hier, pourquoi ?
-Rien. C'est drôle mais... ce souvenir est doux-amer dans ma mémoire.
-Tu m'as posé un ultimatum. Je ne pouvais pas te suivre. J'avais mes nouvelles responsabilités et...
-Je ne te reproche rien. Tu as fait le bon choix.

Eragon, Tome 5 : Le peuple GrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant