Chapitre 5 : Réunion stratégique

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Eragon observait les deux dragons s'approcher de la citadelle blanche.
Pas de doute, c'était eux. Son frère -ou demi-frère plutôt- et Elle.
Le temps qu'ils mirent à atterrir lui parut à la fois long et trop court.
Pendant ce temps, il tentait désespérément de se recoiffer avec les doigts.
« Bon d'accord tu avais raison tout à l'heure, se moqua Saphira, tu es un vrai gamin ! »
« Quoi encore ? rétorqua-t-il, j'ai bien le droit d'essayer de me rendre présentable ! C'est la reine des elfes, quand même... »
Il entendait déjà le bruit sourd des battements d'ailes des dragons.

Enfin, les montures firent trembler le sol de l'esplanade en se posant.
Eragon les vit descendre: Murtagh n'avait pas changé, si ce n'étaient ses cheveux qui lui paraissaient un peu plus longs que dans son souvenir.
Mais le jeune homme ne s'attarda pas sur lui. Il n'avait d'yeux que pour la reine.
-Lupusänghren ! appela-t-il.
L'elfe loup au pelage noir fut à ses côtés en un instant.
-Je... tu devrais les accueillir d'abord.
Lupusänghren le regarda avec incompréhension, mais il ne posa pas de question et s'avança vers les nouveaux venus.
Le jeune homme jetait des coups d'œil en coin à Arya mais il ne parvenait pas à croiser son regard, encore moins lorsque Lupusänghren passa devant lui.
Quand celui-ci termina les salutations, se décalant promptement, il ouvrit d'un geste de la main le chemin vers Eragon.

C'est à ce moment là que leurs regards se croisèrent enfin.
De grands yeux émeraude en amande, première chose qu'il vit, le fixaient, le détaillaient, l'analysaient à une vitesse qui n'avait rien d'humain. Et pourtant. Ces yeux lui étaient si familiers : il les connaissait par cœur.
Il ne bougea pas.
Elle fit un pas, puis deux, jusqu'à couvrir pleinement la distance qui les séparait.
Une fois qu'ils furent assez proches, elle s'arrêta.
-Eragon, dit-elle dans un souffle, que seulement eux deux purent entendre.
Il porta deux doigts à ses lèvres, s'apprêtant à ouvrir la bouche. Il ne le put pas.

Sans prévenir, l'elfe se jeta dans ses bras.
D'abord surprit, il sourit, puis l'entoura à son tour. Tant pis pour le protocole.
Il savoura ce moment, simple, mais qui le faisait trembler intérieurement.
-Arya, murmura-t-il, aussi simplement qu'elle avait prononcé son nom, quelques secondes plus tôt, savourant ce simple mot.
Il ne voyait plus devant lui que ses cheveux de jais, ne sentit bientôt plus que son parfum d'épines de pins, enivrant au possible. Il aurait aimé que cet instant dure pour toujours.
Mais, se reprenant avec difficulté, il desserra un peu leur étreinte, à contrecœur.
-On devrait peut-être... tenter de faire bonne figure devant ces gens.
Arya releva la tête, plongeant à nouveau dans les yeux du dragonnier.
Il crut voir un éclair furtif passer dans ses iris de jade insondables, si rapide qu'il douta aussitôt de l'avoir aperçu.
-Tu as raison, répondit-elle en le relâchant et en s'éloignant d'un pas, j'ai été idiote. Ce n'est pas l'attitude qui sied à une reine.

Eragon parla alors assez haut pour que tout le monde puisse entendre.
-Je suis heureux de te revoir, Arya Dröttning.
Il balaya l'assistance de sa main.
-Nous tous t'accueillons en ces lieux, Reine des elfes. Soit la bienvenue à Tarak'fell.
Saphira tendit le cou, et Arya lui caressa le bout du museau.
« Bienvenue à toi, Tueuse d'ombre », dit-elle avec douceur, de façon à ce que tout le monde puisse entendre.
Elle poussa ensuite un rugissement et alla se lover auprès de Fírnen, qui l'imita. Ils s'envolèrent ensuite, heureux de se retrouver.

Très vite, des dizaines d'elfes, humains et nains qui connaissaient Arya depuis leurs premiers entraînements de dragonniers, voire même avant, s'approchèrent pour la saluer avec respect.
Eragon profita de ce temps mort pour aller voir Murtagh, encore tout chamboulé par ces retrouvailles avec l'elfe.
Quand il arriva devant le dragonnier à l'épée de sang, ce fut celui-ci qui engagea la conversation.
-Pour être honnête, je ne pensais pas qu'elle ferait ça. De ce que j'ai vu, elle a un contrôle absolu sur ses émotions. Tu dois lui faire un sacré effet, petit coquin.
Et il glissa une tape dans le dos du garçon.
Eragon grimaça.
-Moi aussi, je suis content de te voir, lâcha-t-il finalement avec exaspération.
-Bah ! Viens par là, mon frère !
Il le tira par le bras et ils s'étreignirent virilement.
Murtagh parut surprit.
-Tu as gagné en force, petit frère.
-Je te rappelle que j'ai cent dix-sept ans, il faut bien que j'entretienne mes vieux os ! répondit Eragon en riant. Quant à toi, tu m'as l'air de meilleure humeur que quand on s'est quittés !
-Oh oui, en cent ans, j'ai eu à peu près le temps de me changer les idées...
Ils échangèrent encore quelques boutades ensembles. Le jeune homme était ravi de retrouver un peu de cette complicité qu'ils avaient avant que Murtagh ne soit enlevé pas les Jumeaux.
Thorn ébouriffa les cheveux d'Eragon avec son souffle chaud.
« Mon dragonnier et moi sommes heureux de te revoir, Eragon-tueur-de-roi. »
-C'est réciproque. J'espère que votre errance vous a apporté les réponses que vous cherchiez.
« Nous ne sommes plus ce que nous étions. La joie d'être en vie a remplacé la rage qui nous habitait. »
-J'en suis heureux. Comptez vous rester à Tarak'fell ?
Ce fût Murtagh qui répondit :
-Nous venons d'abord pour une affaire importante, dit-il avec une note de douleur dans sa voix, sache toutefois que Nasuada n'est plus.
Eragon écarquilla les yeux. Quelque chose en lui lui sembla se briser.
-Elle est... commença-t-il.
-Morte, oui, compléta Arya qui s'était avancée vers eux. Nous sommes venus pour te parler d'une grande menace qui plane sur tous les peuples.
Après quelques secondes, Eragon se reprit difficilement :
-Très... bien. Le conseil allait justement bientôt se réunir. Vous allez me suivre et tout nous raconter.
Il s'adressa à Saphira.
« Conduit Thorn et Fírnen à la grande salle du conseil. Quelque chose me dit que nous sommes restés en retrait des affaires de l'Alagaësia pendant trop longtemps. »

Eragon, Tome 5 : Le peuple GrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant