Chapitre 9 : Désolation

244 17 10
                                    

Eragon ouvrit difficilement les yeux.
Par réflexe, il cligna rapidement des paupières, pour s'habituer à la luminosité.
C'était inutile : la pénombre recouvrait tout.
Dans le ciel, des nuages sombres masquaient avec zèle les rayons du soleil.
En de rares endroits néanmoins, de frêles filets de lumière perçaient timidement les nuées, seules preuves qu'il faisait encore jour au-delà de cet amas de cumulonimbus.

Il tenta de se relever difficilement. Chacun de ses membres était engourdi. Toutefois, il n'y prêtait pas du tout attention, trop attentif à son environnement.
Il lui fallut un certain temps pour se remémorer les événements précédent son évanouissement, et cela ne le rassurait pas du tout : toute trace de la forêt ou de la cascade avait purement et simplement disparu.
Le dragonnier se trouvait au milieu d'une plaine poussiéreuse, s'étendant quasiment à perte de vue.
Au loin néanmoins, il pouvait apercevoir l'ombre d'une montagne, bien qu'il n'en était pas sûr. À quelques dizaines de pas de lui se trouvait ce qu'il reconnu comme l'ancien lit d'une rivière asséchée.
Étendant son esprit à plusieurs lieues à la ronde, il ne trouva aucune forme de vie, ce qui ne manqua pas de lui glacer le sang.
Du sol émanait une odeur âcre qui lui piquait le nez. Tout paraissait désert, mort. L'atmosphère, quant à elle, lui semblait irrémédiablement hostile.
« Si je rêve, c'est le plus limpide que je n'ai jamais fait », pensa-t-il en frissonnant.
Il se décida enfin à marcher tout droit vers les monts qu'il croyait distinguer à l'horizon, espérant les atteindre avant la tombée de la nuit. Il lui fallait quitter cet endroit, par tous les moyens. Il devait trouver à boire, ainsi que de la nourriture.

Eragon buta contre une pierre et perdit l'équilibre, se recevant douloureusement sur le genou.
Il grimaça. Cela faisait plusieurs heures qu'il marchait. Il le savait car sa bouche était désespérément sèche.
Le terrain devenait plus escarpé : l'eminence rocheuse qu'il avait aperçue était maintenant toute proche.
Il s'apprêtait à se relever quand un étrange détail retint son attention : ce qui ressemblait à d'étranges éclats de verre colorés jonchaient le pan de sol qu'il avait sous les yeux.

Il ne tarda pas à reconnaître ce qu'il avait devant lui.
« On dirait les morceaux d'une grosse coquille... Des œufs ! Des œufs de dragons ! »
Il se mit enfin debout, scrutant le paysage. En y regardant à deux fois, il put apercevoir d'autres coquilles brisées.
Leur disposition avait quelque chose d'étrange : les débris d'œufs semblaient tracer vaguement un chemin qui menait tout droit vers les contreforts.
Il décida de les suivre. Plus il se rapprochait, plus il dénombrait de coquilles brisés : il devait être proche d'un nid. Pourtant, à son grand étonnement, il n'entendait aucun parent, ne sentait l'esprit d'aucun dragon.

Quand il rejoignit la montagne, Eragon remarqua tout de suite une large cavité dans la roche.
Elle semblait infiniment profonde : l'obscurité l'envahissait presque totalement, ne se retirant à contrecœur qu'à l'entrée de la grotte.
Étrangement convaincu que c'était là qu'il devait aller, que c'était l'endroit qui lui apporterait les réponses à toutes ses questions, il se précipita à l'intérieur.
-Böetq istalri, murmura-t-il, dans le but d'éclairer l'antre.
Rien ne se produisit.

Eragon stoppa net. Il sentit que quelque chose n'allait pas. Se remémorant les paroles de Néandal et de Buldur, il n'eut bientôt plus de doutes sur ce qu'il se passait. Par réflexe, il tira Brisingr de son fourreau, avant d'appeler l'épée par son nom.
Rien.
« Raah ! Ça non plus ? », pesta-t-il intérieurement.
À court d'idées, il fit quelques pas de plus et se résolut à s'assoir dans le noir, attendant que ses yeux s'habituent peu à peu à l'obscurité. Il n'y avait quasiment aucune lumière, mais son acuité visuelle hors du commun pourrait lui permettre de distinguer le plus gros de ce qu'il y avait à voir s'il laissait assez de temps à ses pupilles.

Eragon, Tome 5 : Le peuple GrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant