Chapitre 3 : Eragon

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Eragon prit une gorgée d'hydromel nain en grimaçant. Trop amer. La deuxième lui parut déjà meilleure.
Rafraîchit, il observa ensuite le paysage qui s'étendait devant lui depuis l'une des terrasses de la citadelle au sommet de la montagne.
Dans le ciel, un dragon brun virevoltait avec sa compagne écarlate, dont les écailles renvoyaient les rayons du soleil couchant sur les glaces naissantes du pic de Tarak'fell.
La montagne, perçant les nuages, était plus haute que les sommets les plus élevés de la Crète, bien qu'aisément survolable à dos de dragon.
Au sol, elle était bordée par une bande de terre circulaire d'un rayon de trois miles, elle même entourée par un lac profond qui décourageait l'accès aux visiteurs malintentionnés.

Sur les terres qui bordaient Tarak'fell, une cité étincelante et aux dimensions démesurées s'étendait de tous côtés jusqu'aux bordures intérieures du lac, baptisé Lotna, qui la protégeait de toute attaque.
Du nom d'Ilía Thelduin -le règne de la paix- la ville était un mix d'architecture elfique, humaine et naine, et la citadelle qui la dominait au sommet de la montagne n'échappait pas à cette règle.
Comme à Dorú Areaba sur Vroengard, chacun des bâtiments en pierre taillée semblait fait pour loger un géant.
Sans les dragons, une telle prouesse architecturale n'aurait jamais été possible.

Au Nord de la cité, la rivière Edda courait toujours inlassablement vers l'Est, traversant de larges vallées luxuriantes, parsemées d'arbres aux feuilles qui tendaient vers le rouge orangé en ce début d'automne.
L'Edda continuait ensuite sur un terrain plus escarpé pour enfin se jeter d'une falaise, en une violente cascade de plusieurs centaines de pieds de haut. La chute se terminait dans un large bassin où Saphira passait une grande partie de son temps libre, le préférant au lac Lotna pour sa tranquillité.
Derrière le bassin, la rivière reprenait son cours jusqu'à des terres arides où peu de dragonniers s'étaient aventurés jusqu'alors.

Au Sud du mont Tarak'fell et de la cité d'Ilía Thelduin, une forêt s'étendait jusqu'à l'horizon, riche d'un gibier qu'Eragon n'avait jamais vu ailleurs. S'apparentant d'abord à des cervidés, le garçon avait remarqué que les mâles possédaient des bois qui scintillaient mystérieusement, comme des tiges de métal incandescentes.
À l'aide du Nom de l'ancien langage, il les avait donc renommés Malmr'Ignasia, en l'honneur de leurs attributs particuliers.
Ils faisaient un met particulièrement réputé, tant auprès des dragons que des dragonniers qui avaient choisi de consommer de la viande.

« Tu as trouvé un bel endroit », le félicita la dragonne saphir qui suivait ses pensées.
Eragon, qui se tenait confortablement adossé contre son dos, lui gratta le cou du bout des doigts.
-Oui, mais il nous a fallu du temps pour bâtir tout ça.
« Peut-être, mais tu peux être fier. Ici, les petits peuvent éclore en paix sur les versants de la montagne, et tous ont du gibier à profusion dans la forêt. Les vallées parcourues par l'Edda sont aussi un terrain de jeu idéal pour eux... »

Avant qu'elle puisse ajouter quelque chose, une puissante bourrasque ébouriffa les cheveux bruns du garçon, et une silhouette immense vint occulter son champs de vision.
Un dragon gris se posa alors devant eux, sur la terrasse au sol de pierre. Ses longues griffes émirent des cliquetis quand il se baissa, du mieux qu'il put et malgré sa grande taille, pour laisser une elfe aux cheveux d'argent sauter avant d'atterrir avec élégance auprès du jeune homme.
Elle porta deux doigts à ses lèvres, avant de commencer le salut elfique qui était de coutume, même ici à Tarak'fell.
-Eragon-elda.
-Númendil ! Comment ça va, toi et Turganor ? dit-il en levant la tête pour plonger dans le regard du dragon acier.

Númendil était l'une des premiers dragonniers qui les avaient rejoints, lui, les elfes et les Eldunarís, pour parfaire son apprentissage.
Plus âgée qu'Eragon, elle avait un visage anguleux mais doux, et la peau aussi blanche que le marbre de Farthen Dûr. Ses longs cheveux d'argent, encadrant des yeux d'un bleu glacial, tombaient sur ses reins en mèches éparses, et sa combinaison de cuir moulait des formes qui avaient provoquées plus d'une bagarre de taverne.
Eragon n'était pas insensible à son charme, mais bien qu'elle lui faisait souvent des avances, il mettait un point d'honneur à lui résister. C'était devenu comme un jeu entre eux, du moins prenait-il cela comme tel.

Eragon, Tome 5 : Le peuple GrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant