Arya somnolait lascivement, la tête posée sur ses avant-bras. Ses mains semblaient retenir celles du dragonnier endormi.
Il y aurait bientôt une semaine que ce sommeil mystérieux les avait séparés.
Guérisseurs elfes, mages humains, chamans Urgals, tous avaient échoué à le sortir de son coma, sans compter Angela.
Les Eldunarís avaient eux-même proposé leur aide, tentant de briser les barrières de son esprit pour mieux comprendre le mal qui l'habitait, mais celui-ci était protégé par une barrière mentale indestructible, ou en tout cas capable de résister à la force combinée de centaines de cœurs des cœurs. C'était incompréhensible.Dans la citadelle, un silence de mort régnait.
Rares étaient ceux qui osaient parler : tous les dragonniers présents étaient trop accablés pour dire quoi que ce soit.
En contrebas, dans la cité d'Ilía Thelduin, l'ambiance n'était pas plus joyeuse. Dans les rues peu fréquentées, d'exceptionnels passants à l'allure dépitée osaient à peine se croiser du regard.
Mais le pire pour l'elfe était sans aucun doute les lamentations des dragons. Nichées sur les versants de Tarak'fell, les femelles émettaient de longues plaintes qui s'entendaient sur des lieues à la ronde.
Cette mélopée lancinante plongeait le pic et ses habitants dans une transe mystique, envoûtante, seulement interrompue par quelques coups de griffes rageurs des mâles qui arrachaient des morceaux de roches aux pans de la montagne, tout en rugissant de frustration.Saphira, elle, passait toutes ses journées roulée en boule aux côtés de Fírnen, sur la terrasse qui jouxtait la chambre de son dragonnier. Arya le savait : la dragonne ne supportait pas l'inaction, elle mourrait d'envie d'aller pourchasser cet inconnu qui était sûrement le responsable de tout ça.
Mais elle avait néanmoins accepté de se plier aux directives de l'herboriste, qui, après avoir transmis la situation au conseil des dragonniers, avait convaincu tout le monde de patienter pendant au moins une semaine, en affirmant qu'aller se battre contre cet homme sans Eragon était du suicide.
Arya était du même avis, bien qu'une part d'elle la poussait invariablement à se rendre à l'Est au plus vite, lui murmurant que c'était la seule solution pour le sauver.
Elle resserra son emprise sur les mains du garçon. Le sommeil l'avait rattrapée à un moment -bien que cela lui paraissait être il y a une éternité- et elle l'avait laissé tout seul malgré elle pendant plusieurs heures, plongeant dans ses rêves éveillés.
Depuis, elle se refusait obstinément à le lâcher, car c'était pour elle comme l'abandonner, comme abandonner le combat qu'elle menait à ses côtés, aussi loin fût-ce son esprit.Pourtant, bien qu'elle tînt à lui plus que tout autre chose, une image revenait perpétuellement la hanter dans son attente interminable : celle du garçon repoussant son baiser, avant de la fuir en direction des bois.
La peur l'avait envahie ce jour-là. Une peur bizarrement aussi vive que lors de l'attaque de Durza qui avait coûté la vie à Glenwing et Fäolin : la peur qu'Eragon n'éprouvât pas les mêmes sentiments qu'elle avait pour lui.
Même si son vrai nom disait le contraire, l'esprit de l'elfe, embrumé par le manque de sommeil, était persuadé de cette vérité.
Seulement, bien que cela lui brisât le cœur, un doute s'insinuait peu à peu comme du venin dans son esprit fragilisé. Un doute qui la retenait auprès du dragonnier, incapable de le laisser tout seul : lentement, imperceptiblement, elle se prit à penser qu'elle était responsable de son coma.
Si elle ne lui avait pas révélé ses sentiments, il ne se serait jamais enfui. Et dès lors, que se serait-il passé ? Il serait probablement sain et sauf aujourd'hui.
Elle aurait tout donné pour sauver Eragon, même si cela signifiait ne jamais lui avouer son amour.
Qu'importe. Désormais, il était sa responsabilité. Il était trop tard pour se tenir à distance.
Il ne l'aimait pas ? Tant pis, elle le protégerai coûte que coûte, il le fallait.Tout à coup, d'une oreille, elle entendit quelqu'un lui parler. Elle dut se concentrer pour entendre les quelques mots qui lui étaient sûrement adressés.
-Arya, ça va faire bientôt quatre nuits que tu veilles, tu devrais aller te reposer dans tes appartements...
La voix d'Angela lui parût étrangement lointaine. Elle avait du mal à se concentrer sur ses mots.
L'herboriste lui sembla parler pendant encore quelques minutes, bien qu'elle ne comprit pas ce qu'elle voulut lui dire, puis elle n'entendit plus rien.
Elle put donc reprendre en silence sa lutte contre le sommeil.
Il lui fallait espérer, de toutes ses forces, de tout son cœur.
Elle se détestait pour cette attitude passive, mais n'entrevoyait aucune solution.
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Eragon, Tome 5 : Le peuple Gris
Fanfiction100 années sont passées depuis qu'Eragon a quitté l'Alagaësia pour n'y jamais revenir. Après avoir vaincu Galbatorix, il s'attelle à forger un nouvel ordre de dragonniers. Arya, après un événement tragique, lui rend même visite à Tarak'fell, la mont...