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Dix juin quarante-quatre, au cœur du Limousin,
La Glane susurrait à son triste voisin :
En murmures aqueux, ses eaux, comme un présage,
Laissaient entendre au loin les éclats de l'orage.
L'horizon s'obscurcit et jusqu'au firmament,
Le village trembla aux pas des Allemands.
Puis il fut ordonné, jeunes comme vieillards,
De tous se rassembler Place du champ de Foire :
Les maisons, éventrées ne purent rien cacher,
Quand tous leurs habitants leur furent arrachés,
Et jusques aux enfants raflés dans les écoles.
Alors, le commandant Diekmann prit la parole :
« Monsieur le maire, allons... Je sais, vous ne voudrez
Qu'il arrive malheur à vos administrés.
Où sont les insurgés ? Les munitions ? Les armes ?
Vous leur épargnerez et le sang et les larmes ».
Se traînant sous les coups de crosses dans le dos
Il voulait porter seul le poids de son fardeau :
Refusant d'accéder à l'ignoble requête,
Fit face à son destin : goûter aux baïonnettes.
Les hommes, emmenés, marchant vers leur trépas,
Pensèrent aux aimé·e·s qu'ils ne reverraient pas,
Dansant aux violons de ce funeste bal,
Tombés au champ d'honneur, sous une pluie de balles.
Les veuves éplorées ainsi que les enfants
Hurlaient pour s'échapper de l'église, étouffant,
Les joues striées de peine, au milieu des corps,
Sans espoir de survie, ils attendaient la mort.
Six-cent quarante-deux défunts en cette nuit
Dont l'âme s'échappait dans le feu et la suie :
Les flammes, qui léchaient les murs de l'édifice,
Laissaient monter au ciel la fumée du supplice.
Séléné, endormie, réveillée par les flammes
Impuissante, assistait à ce funeste drame.
Ainsi, l'astre de nuit, vêtue d'ocre et de sang,
Venait sonner le glas de tous ces innocents.

Julia Anya Strauss

Carmen AnyaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant