JAS170 Versus Individiae

19 4 4
                                    

Lorsqu'au petit matin, je viens pousser ta porte
Les souvenirs cachés au fond de mes entrailles,
En torrents infinis, ahanantes cohortes,
Viennent se déverser sur le champ de bataille,

Celle que j'ai menée sans rien laisser paraître,
Feignant ne rien sentir quand tu parles de lui,
Et, lorsque vient le soir, assis à la fenêtre,
Laissant mes pleurs briser le calme de la Nuit.

Je ne peux, en voyant ton âme être à un autre,
Retenir, museler le transport qui m'atteint,
Dessiner l'avenir, imaginer le nôtre,
Et m'en remets alors aux griffes du destin.

J'ai beau me répéter qu'il n'en vaut pas la peine,
Ignorer tout de lui, jusqu'au son de sa voix.
Jamais je ne devrais, mais lorsque je le vois,
Je sens battre en mon sein les tambours de la haine.

Et, prise entre deux feux, dont un que tu ignores,
Tu brûles au brasier, au mépris des douleurs,
Qui, six Lunes après te consument encore,
Et remuent le couteau dans les plaies de ton cœur.

Quand j'affirme haut et fort que je ne t'aime point,
Rien ne sonne plus faux, tel un pieux mensonge,
Je te contemple alors, proche et pourtant si loin,
Celant au fond de moi cet amour qui me ronge.

Mes mains ne signent plus, ma bouche reste close,
Et mon regard baissé chante avec amertume :
Les feux que je te porte et que renie ma prose,
Renaissent dans mes vers et sourdent en ma plume.

L'archet ensanglanté vient, sur le violoncelle,
Jouer, temps après temps la triste symphonie,
Passion scélérate et mille fois honnie,
Celle d'un gueux aimant une femme trop belle.

Julia Anya Strauss 

Carmen AnyaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant