Chapitre III

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Quand Changbin passa la porte d'entrée de la maison, il découvrit comme d'habitude sa mère, en pyjama, affalée sur le fauteuil dans le salon, et son père assis à la table de salle à manger, lisant son journal, un café à la main. Il ôta ses chaussures et accrocha son manteau, puis commença à monter les escaliers.

- Tu pourrais nous saluer quand même, Changbin, fit remarquer sa mère d'une voix presque froide.

Il leva les yeux au ciel et les salua rapidement avant de monter dans sa chambre. Les voix de ses géniteurs s'élevèrent petit à petit dans la maison, encore une énième dispute, sans raison particulière. À croire qu'il ne pouvaient plus que se disputer pour communiquer... Parfois, il se demandait comment ces deux là pouvaient toujours habiter sous le même toit. Il avait hâte de partir... 

Il se laissa tomber sur son lit, les mains jointes derrière sa tête, les yeux fermés. Puis ses parents l'appelèrent pour le déjeuner, qui se passa dans un silence de mort, habituel quoi... 

Le reste de l'après-midi, il le passait dans sa chambre, se passant des vieux vinyles de ses groupes préférés. Il pouvait écouter de la musique à longueur de journée, c'était sa passion, la seule chose au monde qui le rendait heureux. Au point où il avait choisit la spécialité musique dans son université. Il aimait se repasser les moments heureux de sa vie en écoutant ses disques. Comme lorsque sa famille était encore soudée, presque impossible à détruire. Il revoyait encore ses parents se regarder tendrement de temps en temps, se parler calmement, s'occuper de leurs enfants... Aujourd'hui, plus rien de tout cela n'existait. Ses parents se détestaient, s'ignoraient, et il se sentait presque invisible à leurs yeux. Si seulement ce tragique évènement ne les avait pas détruits il y avait des années de cela... 

Il venait d'avoir douze ans, sa grande sœur était sortie avec des amies, c'était une « sortie pour les grands Changbin tu ne peux pas venir », elle lui avait dit. Il était dans sa chambre, jouant aux petits soldats, quand aux alentours de minuit, quelqu'un toqua à la porte. Et quand il descendit les escaliers jusqu'au milieu des marches, il n'aperçut que sa mère effondrée au sol, hurlant et pleurant, son père se tenait à côté d'elle, figé et n'affichant aucune émotion, puis un officier de police, le regard désolé quand il vit l'enfant observer la scène depuis les escaliers. L'enterrement avait été le jour le plus douloureux et horrible de sa vie. Et après ça, ses parents avaient cessé d'être aussi heureux qu'ils l'étaient auparavant, et lui aussi. 

Il se recueillait souvent près de la tombe de sa sœur. Il y restait près d'une heure, assis, à raconter ses journées. Il ne pouvait parler qu'à elle, même si elle ne pouvait lui répondre. Car il n'avait qu'elle. À l'université il restait dans son coin, refusant l'approche de tout élève voulant sympatiser avec lui, il était mieux seul.

Puis le visage angélique du blond qu'il avait croisé au matin lui revint en tête. Il se souvenait de tout les détails. Sa peau très légèrement bronzée et parsemée de petites tâches semblables aux étoiles qui remplissaient le ciel une fois la nuit tombée. Ses yeux sombres mais qui se mettaient à briller lorsqu'il parlait de ce qu'il aimait, ses lèvres roses... Il s'était tellement attardé sur celles-ci, et pendant un très court instant, il avait imaginé quelle serait la sensation de les avoir contre les siennes et sur sa peau... Et des milliers de frissons le parcoururent à cette pensée.

Finalement il avait peut être trouvé quelqu'un d'autre à qui parler. Et il s'endormit en répétant son prénom dans sa tête... Felix.

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𝒫𝑜𝓁𝒶𝓇𝑜𝒾𝒹 - 𝒞𝒽𝒶𝓃𝑔𝓁𝒾𝓍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant