Les Gardiens I - Lilith ✔️{Publié}

5 - Mauvais Joueurs (1/2)

Ce fut probablement la meilleure douche de ma vie. En dépit de ma nervosité et de la situation plus qu'étrange dans laquelle je me trouvais, prendre une douche avec de l'eau bien chaude après toutes ces heures d'avion faisait un bien fou. Aussi bien pour détendre mes muscles que pour me débarrasser de l'odeur de Maxime. Il mettait tellement de parfum—ou de déodorant je n'étais pas sûre de savoir faire la différence— que l'odeur avait imprégné mes cheveux.

La petite salle de bain de la chambre d'ami était fournie en tout ce qui pouvait être nécessaire, du shampoing au dentifrice en passant par la laque pour les cheveux. Je préférai quand même récupérer mon shampoing et mon gel douche dans le fond de ma valise. Leurs produits sentaient très bon, ce n'était pas ça, mais j'avais besoin de rester dans des choses familières.

Une fois vêtue de vêtements propres, je séchai mes cheveux avec une serviette en quatrième vitesse avant d'attraper ma bouteille de parfum pour les cheveux. Je la regardai un long moment avant de la secouer pour estimer ce qu'il en restait. En croisant mon reflet à travers le miroir, je fus prise d'un rire des plus incontrôlables. J'avais 17 ans, j'étais une magicienne qui venait de se découvrir Gardienne et capable de maîtriser l'Air, je venais d'être envoyée de l'autre coté de l'océan Atlantique et ma seule préoccupation là tout de suite était de savoir s'il restait quelque chose dans ma stupide bouteille de parfum pour les cheveux ?

J'ignorais si je devais rire ou pleurer. Lorsque je pulvérisais quelques doses autour de ma tête, l'odeur familière de monoï emplit mes narines et me conféra une étrange dose de courage. J'allais en avoir besoin.

Après avoir enfilé mes chaussures et rangé mes affaires, je restai plantée devant la porte de la chambre durant une éternité. Visiblement mon produit pour les cheveux ne m'avait pas encore donné assez de courage.

Je soufflai longuement et tournai la tête vers le miroir pour croiser mon reflet. J'attrapai l'élastique à mon poignet et remontai mes boucles blondes en queue-de-cheval avant de sourire à mon reflet. Je pouvais le faire.

Jeremy et Tiffany étaient peut-être des Gardiens mais ils n'étaient pas comme les Gardiens que j'avais appris à redouter. Du moins Jeremy ne l'était pas. Ou n'en avait pas l'air. Tiffany ça restait encore à déterminer. Et si tu ne descends pas les rejoindre tu n'arriveras pas à le savoir. Même si je n'avais pas envie de l'admettre, la petite voix dans ma tête avait raison. Je pris une nouvelle inspiration et, avec la rapidité avec laquelle on enlève un sparadrap, je sortis de la chambre.

La porte de la cuisine était grande ouverte et Tiffany était en train de gesticuler dans tous les sens en marmonnant dans sa barbe. Je ne pouvais pas apercevoir Jeremy de là où je me trouvais mais je me doutais qu'il ne devait pas être très loin. Sans m'arrêter, je pris une nouvelle inspiration et entrai dans la pièce. Tiffany me jeta à peine un regard et continua ses allers-venues entre la cuisinière, l'évier et le plan de travail contre lequel Jeremy était appuyé.

Tiffany fit de grands gestes pour l'inviter à bouger, agrémentés d'un nouveau marmonnement en espagnol dont "Pendejo" ressortit parfaitement. Jeremy l'entendit aussi et leva les yeux au ciel, sans se départir d'un sourire amusé. Sourire qui s'agrandit lorsque le jeune homme m'aperçut. Si les yeux violets de Tiffany ne me perturbaient pas plus que ça, les yeux vert jade de Jeremy, eux, n'avaient pas fini de m'hypnotiser.

Probablement parce que le vert était une couleur « habituelle », alors que son vert était tout ce qu'il y avait de plus « inhabituel » et le mélange des deux faisait planter mon cerveau.

Quand je parvins encore à m'arracher à la contemplation des yeux de Jeremy, je m'aperçus qu'il était en train de parler. Je clignai des yeux.

— Pardon. Tu disais ?