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Nous nous retrouvons toutes les trois seules, je peux sentir à nouveau le lourd regard de Justine se poser sur moi. Je la regarde à mon tour et Kamille reste en retrait, un moment.

« Ça va, finit-elle par dire, je vous dérange pas trop ?

– Qu'est ce que tu racontes bébé ?

– Je raconte que si je vous gêne pour que vous puissiez vous sauter dessus, dites-le, j'habite deux étages plus haut, je serais vite rentrée. »

Je la regarde toute coite alors que pour la première fois de la journée Justine intervient et je comprends pourquoi elle gardait le silence jusqu'ici, ma mère l'aurait incendiée rien qu'à entendre sa façon de parler.

« Je mate juste ma grande sœur, qu'est-ce que tu tapes comme film toi wesh ?

– Heu... Déjà tu me parles mieux, et ensuite c'est ma femme donc arrêtes de la bouffer des yeux.

– Hé ! J'mange personne moi ! C'est toi t'y arrives et tu pètes une pile pour rien t'as vu. »

Elle se donne un drôle d'accent étranger (alors qu'elle est pâle comme un cachet d'aspirine) et parle d'une manière bizarre mais je reste certaine qu'elle a un bon fond. Je calme ma copine en lui disant qu'on va aller se caler dans la chambre pour discuter tranquillement, les deux filles me suivent le long du couloir mais je peux sentir la tension presque palpable qui règne entre elles. Ma petite amie et moi nous posons au bord du lit que j'ai eu heureusement le temps de faire, tandis que Justine s'assoit en tailleur sur le futon d'Amélie que je n'ai pas eu le temps de ranger. Je lui demande de retirer ses chaussures, elle me regarde, soupire longuement mais se déchausse malgré tout.

« Alors comme ça, reprend-t-elle une fois à pieds de chaussettes, les filles vous êtes lesbiennes, wesh.

– Oui, réponds-je. Mais tu pourrais parler de façon normale s'il te plaît ? Ça ne sert à rien de jouer à la caïd de cité par ici, il n'y en a pas.

– Ha, OK oui d'accord. »

L'accent bizarre qu'elle se donnait disparaît et elle arrête de dire ''wesh'' à la fin de ses phrases, c'est déjà un début.

« Vous vivez ensemble ?

– Que le week-end, répond Kamille, mais on est dans le même lycée, dans la même classe, a la même table.

– Ho, c'est grave d'la balle !

– Si tu le dis. »

Je sens chez ma petite amie que la fatigue prend le pas sur l'exaspération. Il allait falloir que Justine fasse de gros efforts pour qu'elle puisse s'intégrer dans le coin. Même dans mon ancien collège, si jamais elle débarque avec son accent et ses ''wesh'' elle allait se faire pourrir, autant des profs que des élèves.

« Et donc, grande sœur, tu es lesb depuis quand ? »

L'entendre m'appeler de la sorte me fait tout drôle, mon cœur a rapidement bondit dans ma poitrine, c'est la première fois que l'on m'appelle comme ça et je dois avouer que cela m'est bien agréable.

« Depuis que j'ai rencontré Kamille.

– Ah Ok, C'est THE GIRL quoi.

– Oui, voilà, la fille. Il y en a pas eu avant avant et j'espère bien qu'il n'y en aura pas d'autre. »

À ces mots, ma petite amie me regarde et me sourit largement.

« OK t'es grave amoureuse quoi. Il paraît que j'ai un grand frère aussi ? »

Ma copine m'a dit la veille que j'avais tendance à mettre la charrue avant les bœufs concernant Pierre et ma possible réunion de nos famille, que dirait-elle de Justine qui m'appelle déjà ''grande sœur'' et demande après son '''grand frère'' ?

«  Oui, lui dis-je, mais il vit chez notre... Père là.

– Ho OK, un week-end sur deux, fit Justine tristement, comme moi quoi.

– Non, là c'est disciplinaire donc il ne rentre pas.

– Han ! Mais moi je casserais la baraque si ma daronne m'empêchait de voir Pierre.

– Tu appelles ton père par son prénom ?

– Wesh, quand il est pas là. »

Elle rit alors que je note le retour du ''wesh'', je ne vois pas bien comment la reprendre sur le sujet de son père, j'appelle bien le mien Dark Vador de façon ouverte.

« Et dans ton collège, ça se passe bien ?

– C'est trop la zone !

– D'accord, dis-je, n'ayant pas trop compris. Ma mère me disait que tu n'y as pas trop d'amis.

– J'en ai qu'une. J'aime pas les bouffonnes moi t'as vu. Mais ma pote Yaya est trop bonne ! »

Encore une expression que je déteste, mais je ne relève pas, tout comme Kamille qui s'est allongée, nous laissant discuter toutes les deux mais ne perdant pas une miette de la conversation, j'en suis certaine.

« Et vous le lycée c'est comment ?

– C'est assez calme, pour le moment.

– Je suis sûre que tu dois avoir pleins d'amis grande sœur.

– Pas tellement. Mise à part Amélie que tu as vu et son copain, il y a aussi Sophie, la copine de mon frère et c'est tout. 

– Ah, il a déjà une meuf notre frère ? Il assure. »

Je me demande ce que Sophie penserait d'elle, elle qui a du mal à partager son ''Namour d'Oliver'' avec moi, sa vraie sœur biologique, je pense qu'elle dirait à cette pauvre fille d'aller se faire voir ailleurs.

« Tu crois qu'ils vont se mettre ensemble ? »

La question est sortie de nulle part et me prit au dépourvu, c'est ma copine qui répondit à ma place qu'il leur faudrait du temps et qu'ils ne fallait surtout pas brusquer les choses entre eux, cela serait pire que mieux, je vois Justine hocher la tête.

« Ça tombe bien, dit-elle, j'en ai du temps, il faut que mon histoire de garde passe au juge machin là, et tout mais ça serait trop d'la balle de vivre ici.

– C'est pas demain la veille, renchérie ma petite amie. »

Le regard de la jeune fille se fait plus sombre quand il se pose sur Kamille mais retrouve son éclat quand il se repose sur moi, elle me sourit. Je me dis que ce samedi est un peu trop mouvementé pour moi, j'ai aussi envie de m'allonger, voir même de m'assoupir une heure. 

Mes Chroniques de Lycée-épisode 3- Le Cadeau de ClémentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant