Chapitre 1 - Vert, vert, vert

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Point de vue de Clarke

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Est-ce que tu te souviens ? C'était il y a longtemps, maintenant. J'avais 17 ans et j'étais en deuxième année à Arkadia. Mes parents m'y avaient inscrite pensant bien faire, pensant que les cours seraient assurés toute l'année, pensant qu'il me serait difficile de sortir entre deux heures de classe. C'était leur façon à eux d'être sûrs que tout irait bien pour moi durant cette période. Je ne leur ai jamais dit mais je ne les remercierai jamais assez de m'avoir inscrite là-bas, car je t'ai rencontrée, toi.

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Je ne suis pas quelqu'un de compliquée. Je ne suis ni populaire ni exclue de tous. Non, à vrai dire, je pense être dans la norme. Oui, c'est ça, je suis simplement dans la norme. De toute manière, à dix-sept ans, on ne sait jamais vraiment qui l'on est, si ? Enfin, je sais d'où je viens, je sais plus ou moins où je vais, mais est-ce qu'au fond, je sais vraiment qui je suis ?

Je crois que c'est une question que je me pose de plus en plus ces derniers temps, une question qui tourne en boucle encore et encore dans ma tête. Parce que je change, parce que mes goûts changent et que j'ai du mal à cerner ce nouveau moi qui tente, chaque jour, d'apparaître un peu plus. J'essaie de l'apprivoiser, j'essaie de le tolérer parfois, mais surtout de le comprendre. Un peu plus avec le temps qui passe. Et je suis certaine que je vais finir par y arriver, enfin... Ce serait plus simple avec un peu de soutien... Et ce n'est pas chez moi que je vais en trouver.

Tu joues les victimes, Clarke. C'est ce que je me dis à chaque fois que je regarde autour de moi et que je constate que je suis seule avec toutes ces questions qui accaparent mes nuits. Seule car mes parents ne m'aident pas, seule car je viens de passer un an dans ce lycée privé à la con, ou chaque différence fait peur et amène à l'insulte et au conflit. Et je n'aime pas ça, oh non, je n'aime vraiment pas ça. Mais mes parents oui. Enfin ce lycée, pas les insultes. Ils m'ont inscrite là et aujourd'hui je suis obligée de faire avec, de me lever le matin et de me diriger vers cet endroit qui me bride et m'empêche d'être moi-même. Ou, en tout cas, d'avoir la possibilité d'essayer d'être moi-même.

Et je ne parle même pas de ce que je ressens chez moi. Ce n'est pas la fin du monde, loin de là... J'ai des parents attentionnés, un père en or, une mère aimante. J'ai eu une enfance parfaite, je ne le cache pas. Mais je sais qu'ils sont aussi fermés que des coquillages sur leur rocher en plein soleil. Alors parler de moi, de mes sentiments, de ce que je pourrais ressentir ces derniers temps.. C'est tout bonnement inimaginable, stupide et inutile. Mais c'est là. Cette différence qui me fait tout autant peur que ce qu'elle m'intrigue.

Je pense être attirée par les filles. Voilà. Voilà ma différence. Plus j'avance dans le temps et plus je me rends compte que mon regard se pose loin, vraiment très loin des garçons. Ce n'est pas leurs yeux que j'observe ou bien leur mâchoire carrée et leur cheveux courts, en bataille... Non, ce sont davantage les mèches brunes de certaines femmes que je croise dans la rue, ou bien de cette élégance, cette douceur que je peux retrouver dans leur démarche, dans leurs gestes. Ce n'est pas les couples hétéros que je lorgne à la tv mais plus Arizona et Callie dans Grey's Anatomy ou encore Alice, Shane et Carmen dans The L Word, que je matte en cachette, le soir, sur mon ordinateur...

Et il est là tout le problème. C'est en cachette, car je crois, god, je crois vraiment que mes parents n'accepteront jamais cette part de moi. Je ne sais pas si c'est leur éducation, le milieu dans lequel ils vivent ou bien les deux, mais je crois qu'ils ne comprendraient pas. Alors oui, je garde ça pour moi, pour moi et les quelques personnes à qui je parle en ligne.

To the moon and backOù les histoires vivent. Découvrez maintenant