Chapitre 12

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Mathias compose à toute vitesse le code de sa maison, traînant avec lui quinze tonnes d'eau dans ses vêtements.

Ça, la pluie ne nous a pas loupé. Par chance, j'ai réussi à sauver les provisions en les dissimulant sous ma veste, seules les anses des sacs ont pris une teinte foncée. Moi, en revanche, je me suis offert en sacrifice à la pluie : l'eau ruisselle le long de mon nez, et mes cheveux sont aplatis en une cascade sur mon front.

La capuche de Mathias n'a du servir qu'aux premières gouttes, puis elle a rendu les armes face à l'averse : elle ne fait presque plus qu'un avec ses cheveux.

Il finit de pianoter sur les touches, patiente une seconde, puis tourne la poignée de fer.

« Ne t'attends à rien de grandiose, hein, fait-il précipitamment. C'est... une maison, quoi. »

Et il pousse la porte.

Un hall minuscule apparaît, si étroit que tout d'abord, je me dis que l'on s'est trompés de porte, qu'on vient de mettre les pieds dans un placard à balais. Aussitôt, une agréable température nous accueille, et nous ôte aimablement quelques frissons.

Aux murs, un papier peint terni par le temps, éraflé à certains endroits, présente des roses qui autrefois avaient du l'être. Des pans de mur dignes de boiseries du XVIeme siècle conservent une riche teinte d'ébène, et font tout le tour de la pièce.

Grimpant du sol jusqu'au plafond, je remarque la présence de tuyaux de plomberie. Ils ont été repeints d'un vert amende, s'accordant avec celui du papier peint.

Et enfin, le plus étonnant de tout ça : s'ajoute à ce décor désuet tout un tas d'objets, tel qu'un téléphone fixe, un radiateur électrique, une grande lampe à pied...

Tous ces objets, en somme, que le XXIe siècle déclare quotidien.

C'est une maison qu'on avait tenté de repêcher du passé, et de rafistoler à droite, à gauche, sans jamais songer à tout démolir pour repartir sur de nouvelles et bonnes bases. On y a simplement ajouté au fur et à mesure ce dont on avait besoin, laissant intact ou presque ce que l'Histoire avait formé.

« Vieille maison, je sais. »

J'ai du être trop indiscret par mon silence et mes yeux ronds. Je n'ai pas visité trente-six maisons dans ma vie, c'est vrai, et encore moins de personnes n'appartenant pas à ma famille.

Mais celle-ci a quelque chose de plus que toutes les autres.

Ce n'est pas de la familiarité, comme j'aurais pu le ressentir chez moi, ou chez Gretel, qui était un peu devenu comme une seconde maison à force de visites répétées. C'est juste... Quelque chose d'incompréhensible, que je n'arrive pas à nommer autrement que l'harmonie du lieu, ou la vie et son bazar quotidien.

La maison d'un garçon devinant l'émotion au travers d'un pouls.

Je ne sais pas si Gretel aurait aimé, mais bizarrement, je trouve ça charmant.

« C'est... sympa, dis-je, essayant de m'empêcher de dévorer les lieux du regard.

— En tout cas, mieux que d'être sous la pluie, sourit Mathias, quittant enfin sa capuche. Pouah ! On n'a vraiment pas bien choisi notre jour. »

Je l'observe s'affairer, poser ses sacs dans l'entrée, s'accroupir afin de retirer ses baskets. Je n'ose pas vraiment bouger, j'ai peur d'évoluer dans cet endroit que je ne connais pas, de bousculer une tradition ou un us de la vie d'ici.

« Tu peux poser ton manteau sur le radiateur, m'indique-t-il, tout en dénouant ses lacets. Normalement, il est chaud. »

Le radiateur ne fait pas référence à l'espèce de machine diaphane futuriste branchée, mais plutôt aux cylindres verticaux, alignés contre le mur. J'y dépose doucement ma veste.

Par CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant