Chapitre 22

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« C'est à cette heure-ci que tu rentres ? »

J'aurais peut-être du m'abstenir sur certaines questions auprès de Dorothée ; dès que je pose le pied dans le hall, l'horloge indique vingt heures passées, et ma mère, accompagnée de mon père, surgissent depuis le salon, elle la mine torturée, lui l'air tourmenté.

Je me tords le cerveau à l'idée d'un mensonge potable, afin de cacher ce que je faisais durant ce temps. C'est compliqué, quand on est exténué.

« Pardon, je n'avais pas vu l'heure. »

Pas le meilleur prétexte, mais on ne me traitera pas de menteur, au moins.

« Tu étais où ? attaque mon père. On se faisait un sang d'encre, ça ne va pas de disparaître comme ça, sans prévenir, sans dire où tu vas, ni quand tu rentres ?

— Pardon » répété-je.

Ma mère reste silencieuse durant ces remontrances, et pour cause : je la vois en train de fouiller mon visage à la recherche de la vérité, avec cependant beaucoup moins de discrétion et de minutie que Dorothée.

Tout à coup, elle me demande, coupant mon père et ses questions inquiètes qui n'en finissaient plus :

« Tu étais avec ton ami ? »

J'imagine qu'elle fait référence à Mathias.

Je sais que je ne peux pas me servir de Mathias comme couverture éternellement. Et c'est pourtant tout naturellement ce que je fais :

« Ouais. Pardon. »

Après tout, la dernière séance est demain. Jeudi, j'aurai cette fameuse opération, qui me coupera de cette vie pleine de marasme. Là, je pourrais cesser de prétendre et de m'inventer quoi que ce soit pour dissimuler mes sorties et visites. Je vais devenir normal, avec une pointe de joie et de gaieté comme Gretel savait si bien l'être.

Prendre la première excuse de venue semble agacer mon père. Il déclare d'un ton appuyé de colère :

« Fais attention à ce que tu fais, Timothée. Sortir, d'accord, mais tu habites encore sous notre toit. Tu nous préviens.

— Et tu dois savoir te rendre disponible, ajoute ma mère en cours de vol. Fais attention, Timothée. »

Je hoche la tête consciencieusement. Demain, il faut donc que je me trouve une excuse valable pour aller à mon dernier rendez-vous.

Au même instant, je sens mon téléphone vibrer dans ma poche. Je ne le sors pas tout de suite, je ne veux pas que mes parents croient que leurs avertissements me passent au-dessus. Je sais que c'est l'Attrape-Cœur, confirmant la séance de demain. Il faut que je me dépêche, sinon le message disparaîtra sans que je ne l'aie lu.

« Je vais déposer mes affaires en haut, j'indique. Je mets la table ?

— Pas la peine » répond mon père d'un ton acerbe.

Sa colère ne s'est toujours pas estompée ; néanmoins, il se décale avec ma mère, me laissant les escaliers libres-service.

J'essaie de ne pas paraître trop pressé quand je monte les marches, mais une fois le visage de mes parents disparu, je me mets à courir dans le couloir, j'arrive dans ma chambre, je tire mon téléphone, et lis le message reçu.

Bonjour Timothée Nottin, votre prochain rendez-vous avec nos psychologues a été fixé pour mercredi prochain. Veuillez vous présenter à l'hôpital de l'Arrache-Cœur à dix-huit heures précises, avec une preuve d'appartenance à notre clientèle. Bonne soirée.

Par CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant