C'est quand une pluie glacée s'abat sur mon crâne, et quand mes cheveux ne font plus qu'un avec mon front que j'émerge enfin.
J'ai la main sur le robinet d'eau froide, et au-dessus de moi, des rafales d'eau glacée me tapent sur les épaules. Je lâche un douloureux frisson, m'empresse de réparer mon étourderie et abaisse le robinet d'eau chaude comme une poignée de porte.
Puis je reste immobile, me demandant d'abord où je suis.
Et je comprends où je suis, puis je me demande ce que je fais là.
C'est donc comme ça que j'émerge, sous la douche, d'un monde qui, à peine quitté, n'est déjà qu'une frêle et sombre esquisse dans ma mémoire.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est plutôt bouleversant, d'émerger ainsi. Je ne le recommanderai à personne. À personne, je ne recommanderai de se prendre le monde à plein fouet.
C'est si éprouvant que dans un premier temps, je ne comprends même pas ce qu'il m'arrive. La bulle qui m'avait prise à part a soudainement disparu, et tout à coup, je me remets à sentir et à ressentir tout ce qui se passe autour de moi. Je reprends la besogne comme un ordinateur que l'on réveille de son sommeil. À tout reprendre aussi brusquement, mes sens auraient sûrement déjà eu leur burn-out et claqué la porte au nez de leur patron s'ils avaient été humains. Et, comme tout mauvais patron, je n'aurais peut-être pas relevé leur départ... pour ensuite sombrer à nouveau, on ne sait trop où, mais bien loin de notre réalité, c'est sûr.
Une drôle d'odeur familière me remonte à la gorge : celle de la faim. Mon ventre se serre, se plie et se replie sur lui-même. Une tiédeur agréable dévale maintenant le pommeau de douche et panse les morsures glacées de l'eau. Rapidement, mes mains virent à l'écarlate, tandis qu'une buée commence à s'élever, à grimper sur les vitres et à brouiller le restant de la salle de bain.
... C'est... Bizarre.
Tout semble soudain... Si surfait.
Comme si la cabine de douche s'envolerait au premier souffle que j'expirerai un peu trop fort, comme s'il me suffisait d'affermir ma prise sur le pommeau de douche pour qu'il se fende en deux - voire en quatre. Moi-même, je ne me sens plus si solide : une petite tape dans le dos pourrait aisément me mettre à terre, et l'impact en disloquera tous mes membres en un bruit de plastique. La chaleur doit véritablement me monter à la tête, je réduis la quantité d'eau chaude. De toute façon, mes parents ne vont pas apprécier ça pendant très longtemps, leur portefeuille non plus.
Et puis, pendant que l'eau vire à une température un peu plus acceptable, une voix me chuchote :
Il te manque quelque chose.
Je me fige, quelques instants. Et je me rends compte qu'elle a possiblement raison, cette petite voix : il me manque véritablement quelque chose.
Oh, ça ne doit pas être impératif, je crois, comme manque, je ne crois même pas en avoir besoin pour vivre. Mais ça m'avait été jusqu'ici si fondamental pour mon être, que cette absence consumante nous mène droit de la fonction « vivre » à « exister », puis lentement à « décomposer ». Quelque chose comme un remord, un regret peut-être ; une chose accomplie ou non accomplie, amère à en faire grimacer notre conscience.
Peut-être ai-je juste faim, après tout. Ce vide dans mon ventre doit me peser, et l'idée de manger me rendre fou.
Ma douche se conclut enfin. Je fais doucement coulisser la cloison de la cabine, et immédiatement, toute la vapeur contenue s'envole à travers la salle de bain.
Je demeure droit sur le carrelage durant quelques secondes, prenant un instant pour écouter ce drôle de manque rougeoyant de l'intérieur. Puis, remarquant que l'eau perle et s'accumule à mes pieds en une grande flaque, j'attrape une serviette.
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Par Cœur
Teen Fiction« Prends-le. Prends mon cœur, Timothée. » Avoir le cœur sur la main... ou dans la main ? C'est l'histoire d'un garçon, qui un jour hérite d'un cœur. • Aucun des médias ne m'appartiennent, ils sont tous tirés d'Internet. ~ Livre terminé, publié le 28...