Chapitre 15

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Est-ce que vous avez peur ?

L'homme revient sans cesse, s'invite sans mon consentement dans mon esprit, et me répète, encore et encore, cette même phrase, qui m'a fait sortir de mes gongs.

Et, encore et encore, je la chasse.

Il est bientôt minuit, je crois que tout le monde dort dans la maison. J'ai les yeux brûlants de fatigue, tandis que je déroule un énième article sur mon ordinateur. Je ne sais pas ce qui m'a pris de commencer le devoir de Mme Bigre aussi tôt, d'autant plus que je ne suis clairement pas en forme. Peut-être était-ce justement pour taire cette voix qui continue de me faire frissonner à chaque fois. Évidemment, ça ne fonctionne pas.

J'envisage de prendre une nouvelle potion pour me faciliter la tâche, mais ça serait donner raison à cet ignoble psychologue.

Et puis, ne puis-je pas réussir en tant que Timothée Nottin ?

Je me penche sur mes notes prises de mes recherches. Bon, clairement, pas ce soir. Je distingue à peine mes idées sur le papier, et elles sont à peine plus rangées dans mon esprit. J'éteins, range mes affaires, puis m'allonge sur mon lit.

Je ne veux pas retourner à l'Attrape-Cœur.

J'en suis convaincu, maintenant. Gretel devait être plutôt réticente, avant, comme moi. Puis elle a du avoir affaire avec ce type de personnes, et à force d'être ainsi influencée, elle a accepté d'utiliser leurs services. Je ne vois que ça. Gretel n'était qu'une victime, dans cette histoire, au final.

Gretel...

... Je me demande quels genres de littérature elle aurait pris, tiens. Pour ce devoir de français.

Tout comme moi, elle aime beaucoup lire. Généralement, on aime les mêmes livres... Enfin, généralement, c'est vite dit. Elle m'a déjà ramené des livres que je ne pouvais tout simplement pas regarder en face, et moi je lui ai déjà partagé des lectures qu'elle a détestées par la suite.

En fait, on lisait les mêmes choses, sans forcément les aimer tous les deux.

Je me détourne dans mon lit, et fixe dans l'obscurité les tranches des livres apparents dans ma bibliothèque. La pénombre délave leurs titres, je me force à les lire, pour me dresser une petite liste des livres qu'elle aurait détesté.

L'exercice est trop fatiguant. Je finis par m'assoupir.

***

Le lendemain, ma première pensée est : je suis attendu à l'Attrape-Cœur, ce soir.

Bien sûr, je n'ai pas changé d'avis en une nuit, pour une fois. Il est hors de question que je me rende là-bas une seconde fois. Je ne sais pas si je dois décommander ma séance, et même si c'était le cas, il m'est impossible de les appeler, ils n'ont aucun numéro affiché. Et je n'ai aucune envie de parler à cette secrétaire, qui m'a un peu forcé la main avec son rendez-vous, avouons-le.

En tout cas, tout ça m'a tiré de sommeil un peu trop tôt.

Je descends lentement les escaliers de la cuisine. Mon cœur bat à chaque marche, je me ressasse ce rendez-vous à l'Attrape-Cœur, même si je n'ai aucune envie de revenir là-dessus.

Je traverse le hall, et m'en vais dans la cuisine.

« Bonjour, Tim. »

Je me fige à côté du réfrigérateur.

Mon père est là, sagement attablé devant un grand bol de céréales, la nuque penchée sur son portable.

« Euh... bonjour. »

Par CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant