Chapitre 19

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Une fois n'est pas coutume, après une nouvelle longue et lourde journée de cours, je m'effondre dans le canapé.

Il a fait incroyablement étouffant, aujourd'hui. Maintenant, il est bientôt dix-huit heures, et le ciel est chargé de lourdes braises cotonneuses en guise de nuages. J'imagine qu'il ne va pas tarder à pleuvoir... Ou que l'orage ne va pas tarder à zébrer le ciel.

La perspective de faire mes devoirs est évidemment beaucoup trop éprouvante pour y penser, et d'autant plus pour les faire, j'imagine. Je m'accorde donc cinq minutes de pause, à regarder le plafond.

Je sais très bien que je ne devrais pas faire ça, parce que déjà, des pensées m'attaquent de tous les côtés, et ce ne sont pas forcément les plus agréables. Je devrais plutôt m'occuper la tête, mais je n'en ai pas le courage. Je me laisse picorer puis dévorer par ces relents d'âme, de toute façon, il est rare que notre propre personne finisse par nous consumer, non ?

Finalement, ça ne me paraît pas si impossible.

Driing, drinng !

Je tressaute quand mon téléphone émet cette sonnerie stridente. Je me penche. C'est ma mère.

« Allô, Timothée ? »

Ma mère est typiquement le genre de personne où j'ai besoin d'activer le haut-parleur pour l'entendre. Quand je l'ai en face de moi, j'ai parfois du mal à tenir la conversation sans divaguer en dehors de ce qu'elle me dit à cause de son timbre trop ténu, alors quand c'est par téléphone, je n'entends qu'un ruissellement pluvieux et rempli de disharmonie.

« Oui ?

— C'est maman, tu es à la maison ? »

J'acquiesce, à nouveau.

« Tu pourrais rentrer le linge du jardin, s'il te plaît ? S'il pleut, ce serait dommage que ça trempe les vêtements... »

Eh bien voilà, temps de pause : terminé. Au moins, je vais pouvoir m'occuper les mains, sans pour autant me tordre l'esprit sur le pourquoi du comment d'une pince à linge.

Je soupire, puis me lève, et sors dans le jardin.

L'herbe sous mes pieds se fait chaque jour un peu plus craquante, un peu plus jaune. D'ici les premières neiges, elle ne sera qu'un squelette difforme, sans la moindre chair ni la moindre santé.

Je ne préfère pas penser aux premières neiges pour le moment, tout comme je ne préfère pas penser ni aux vacances d'hiver, ni à mon orientation.

Je m'active autour des vêtements, suspendus stratégiquement sur une corde à linge à l'arrière de la maison. J'aurais du prendre un panier, je me retrouve à tout trimballer jusqu'à la maison. Bon, qu'importe.

Une fois avoir transporté le tout dans le salon (et m'être promis de tout remonter quand je devrai moi-même aller à l'étage), je me laisse tomber dans le canapé, et envoie un message à ma mère, lui confirmant que j'ai bien terminé ma tâche.

Mais à peine mon message est-il rédigé que mon téléphone se remet à sonner.

Mon père.

« Timothée, es-tu à la maison ?

— Euh... Oui, pourquoi ?

— Parfait ! Est-ce que tu peux aller désactiver le tuyau d'arrosage ? Avec la pluie qui se pointe, ce serait stupide de perdre bêtement de l'eau... »

Eh bien, c'est bien ma veine. Mais j'accepte tout de même.

« Merci ! Oh, et si tu pouvais ranger les outils que j'ai laissé près des haies, avec la flotte, il ne faudrait pas qu'ils rouillent ! »

Par CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant