Chapitre 26

117 27 2
                                    

Mon téléphone manque de se retrouver par terre.

C'est une chance qu'il demeure dans ma paume, surtout quand il est aussi maladroitement enserré par mes doigts devenus tremblants.

« Allô ? s'impatiente la voix au bout du fil.

— Je, euh, oui ! Que voulez-vous ? »

Je ne devrais peut-être pas me mettre dans tous mes états comme ça. Cette femme doit sûrement vouloir que je lui rapatrie le cœur de Gretel, afin qu'il ait tout de même une fin de vie acceptable.

« Avant toutes choses, avez-vous encore le cœur de Gretel Hinston ? »

Qu'est-ce que je disais ?

Je jette un regard derrière moi. La petite boîte patiente, blanche sur mon bureau blanc.

« Oui, je l'ai toujours, acquiescé-je. Par contre, je n'ai plus les flacons qui étaient avec.

— Peu importe, c'est le cœur qui m'intéresse. Je suis une docteur de l'Attrape-Cœur, et j'ai travaillé sur l'opération de Gretel. »

La voix de ma mère résonne dans les escaliers au même instant : « Timothée ! À table ! »

Je décale le combiné de mon oreille :

« J'arrive !

— Votre psychologue ici, à l'Attrape-Cœur, m'a communiqué votre souhait de rendre son cœur à Gretel, poursuit la docteur Sabrina, sans se laisser troubler par mes exclamations. Allons droit au but : il est possible que nous puissions faire quelque chose. »

Cette dernière phrase me sidère. Je vais jusqu'à mon lit, où je me laisse lourdement tomber.

Que nous puissions faire quelque chose ? Ça veut sûrement dire ce que ça veut dire... Mais ça semble vouloir dire tellement de choses... C'est une expression si décontractée que j'ai peur d'espérer une chose qui n'était pas inclue dans ce sous-entendu.

« ... Vous voulez dire... que vous pourriez ramener Gretel à la vie ?

— Parfaitement, opine-t-elle. Nous avons mis au point un sérum, et Gretel a accepté qu'on le teste sur elle. Ce sérum empêche les corps privés de cœur de se dégrader trop rapidement. »

J'ai la tête qui tourne.

« ... Mais euh... Qu'est-ce que...

— L'échéance de vie du cœur de Gretel est demain, aux alentours de midi, me coupe-t-elle. Il faudrait que j'agisse sans plus tarder. Savez-vous où est le corps de Gretel ? »

Il me faut quelques secondes pour réfléchir.

« À l'hôpital de notre ville... Mais... mais elle le quitte demain ! » je m'écrie soudain, me remémorant le visage de Kristoff.

Tout va vraiment, vraiment beaucoup trop vite. Et il est difficile de s'accrocher à quoi que ce soit pour ralentir cette cadence, ni à la situation, ni à cette personne qui m'est inconnue, et encore moins à cette voix, qui me crie sans arrêt de descendre à table...

« Alors il faudrait agir ce soir, affirme Sabrina d'un ton sérieux. Je suis désolée de m'y prendre aussi tard... Nous aurions dû y penser plus tôt. »

Oui. Beaucoup, beaucoup plus tôt.

Je crie un énième « j'arrive! » éperdu à travers les murs, en espérant que mes parents n'entendent pas ma voix trembler.

« ... Mais... vous allez vraiment la ramener à la vie ? je bredouille.

— Nous allons essayer, du moins. Pour la science. En revanche, si je vous appelle, c'est également parce que je pourrais avoir besoin de vous... Si vous acceptez, bien entendu. Si vous vous êtes déjà rendu à l'hôpital de Gretel, vous pourriez m'être d'une grande aide, que ce soit pour l'infiltration ou même pour l'orientation dans le bâtiment. Si ce n'est pas le cas, laissez-nous faire : l'Attrape-Cœur va trouver un autre moyen d'agir. »

Par CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant