Nous nous sommes mis d'accord pour dire que finalement, personne n'avait gagné cette course. En se poursuivant à travers tout le magasin, on a fait tomber mille et un produits par-terre sous le regard médusé des vendeurs, qui ne réalisaient ce qui se passait seulement au moment où l'on disparaissait dans le rayon voisin. Puis on a fait tomber un énorme puching-ball, et on a décidé de mettre fin au carnage.
Entre nous, j'avais gagné, et de loin.
Après ça, on était tous les deux euphoriques et complètement hystériques. Je ne m'en rends compte que maintenant, mais on aurait vraiment dit deux soûls. Je me demande encore comment on est rentrés sains et saufs, on faisait n'importe quoi, et on racontait n'importe quoi, surtout.
Quand j'ai rendu le vélo à mon frère, il n'a, par chance, pas compris que je m'étais amusé à courser mon ami à travers le magasin avec. Il s'est contenté de sauter de joie, et de me supplier de ne rien dire à papa, car il voulait vraiment l'essayer. De toute façon, dans l'état où j'étais, je suis sûr que même si j'aurais voulu le dénoncer, j'aurais rapporté absolument n'importe quoi à notre père.
J'ai essayé de me calmer un peu durant le repas, mais je voyais bien dans le sourire de mes parents que mon comportement inhabituel leur faisait plaisir, à tous les deux. Heureusement, ils n'ont pas cherché à savoir la raison d'une telle gaieté.
Puis je me suis endormi comme une souche, parce que faire l'abruti durant toute une soirée, c'est fatiguant.
Je me demande comment Mathias fait.
***
Bonjour. Vous n'étiez pas présent lors votre précédente séance avec nos psychologues. Aucun report n'est permis. La prochaine est fixée vendredi, veuillez vous présenter avec une pièce d'appartenance à notre clientèle à dix-huit heures. Bonne soirée.
J'efface sans même attendre que ce message ne se détruise seul, puis me laisse tomber sur mon lit.
Par chance, l'Attrape-Cœur ne semble pas du genre à harceler de message et de publicité... Mais il n'empêche que ces petits rappels-là sont particulièrement désagréables.
Ça fait trois semaines.
Ça fait trois semaines que Gretel est morte.
J'ai l'impression que ça fait trois fois plus, et pourtant, je n'arrive pas à croire que l'échéance de vie de son cœur est dans à peine trois autres semaines.
Je repense sans cesse à cette Gretel qui s'enfuyait dans l'église... Plus le temps passe, plus je réunis des preuves que ce n'était pas elle : elle n'a jamais porté un tel manteau, la véritable Gretel est un petit peu plus petite... Et pourtant, je continue de croire qu'elle m'a filé entre les doigts, ce jour-là.
Tout ça, c'est ce que j'essaie de refouler tout en essayant de me concentrer sur ma lecture, mais j'ai de plus en plus de mal, ces temps-ci. Et les messages de l'Attrape-Cœur ne me détendent pas bien plus... J'ai hâte qu'ils s'arrêtent, quoiqu'ils semblent partis pour me suivre jusqu'à l'échéance de vie du cœur de Gretel. Je soupire, et retourne deux pages en arrière, que j'ai parcourues de mon regard distrait sans même les lire.
Je repense à cette horreur de psychologue, je frissonne de toute mon échine. Je ne veux plus le revoir, ça, c'est certain. Mais d'un côté... Pourquoi ne prendrais-je pas le cœur de Gretel ?
Je dois être beaucoup trop fatigué pour avoir une pensée pareille. Je me lève, repose mon livre, puis vais jusqu'à ma table de chevet. J'attrape la poignée du tiroir, et saisis la petite boîte cubique. Quelques secondes plus tard, je sens le contenu de la fiole se déverser dans mon être, agir à toute vitesse.

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Par Cœur
Teen Fiction« Prends-le. Prends mon cœur, Timothée. » Avoir le cœur sur la main... ou dans la main ? C'est l'histoire d'un garçon, qui un jour hérite d'un cœur. • Aucun des médias ne m'appartiennent, ils sont tous tirés d'Internet. ~ Livre terminé, publié le 28...