Et, durant la totalité du trajet qui a suivi, j'ai regretté, et m'en suis voulu d'avoir accepté.
Vingt minutes plus tard, cette grande appréhension n'a toujours pas décanté, et je me retrouve sur le perron de la maison de Mathias. Celui-ci est en train de manœuvrer la poignée électronique avec une grande dextérité, si bien que je perds rapidement le fil de ses mouvements.
« Tu vas voir, me répète-t-il inlassablement, Amy et Sophie sont gentilles. »
Pour la énième fois, j'acquiesce, mais je n'y crois pas vraiment. Enfin, si, bien sûr qu'elles doivent être très gentilles. Mais ce en quoi je ne crois pas, c'est la confiance que me porte aveuglément Mathias. S'il m'amène ici, c'est sûrement pour que je lui sois un allié, et s'il ne cesse de psalmodier la même chose, c'est pour me mettre à l'aise et renouer avec ma propre confiance et mes propres capacités. Or, je n'ai ni l'un, ni l'autre.
Et puis, ça a mal fini, la dernière fois. Que se passerait-il, si je faisais pleurer les petites sœurs de Mathias sans le vouloir ?
À dire vrai, je n'ose même pas me l'imaginer.
La porte s'ouvre enfin. Le minuscule hall d'entrée apparaît, rapiécé et agrémenté à la mode du XXIe siècle. Mathias m'invite à me déchausser, nous déposons nos sacs et suspendons nos blousons. Mon trac s'amplifie au fur et à mesure que je sème mes effectifs dans l'endroit. Je ne suis même pas sûr de rester jusqu'à la fin. Si vraiment il arrivait malheur, il me faudrait pouvoir réunir tout ce que je viens de déposer dans un temps record, pour partir en un souffle, et laisser croire à chacun ici que je n'étais qu'une bourrasque, et que je suis déjà aux contrées de la ville, et qu'on ne me rencontrera plus jamais.
Et puis, le fait que Mathias ne partage pas du tout mon angoisse ne me détend pas vraiment non plus. Évidemment, le contraire aurait été étonnant, il s'apprête à retrouver ses petites sœurs, rien de chamboulant par rapport à d'habitude.
« T'inquiète, elles n'ont plus besoin de couches, ricane ce dernier, qui ne semble rien avoir relevé de mon grand silence. Enfin, normalement.
— ...Ouais. »
La blague ne parvient pas à me découdre de mon inquiétude.
Nous quittons la petite entrée, traversons l'étroit couloir, et débouchons dans la salle à manger partagée au salon.
À peine ai-je posé les pieds sur le parquet grinçant de la pièce qu'un cri fait trembler l'air :
« Mathias !! »
Une petite boule se rue dans les jambes de Mathias, et je vois de petits bras capturer ses genoux.
Je manque de faire un bond en arrière, tandis qu'à mon contraire, Mathias lâche un petit rire. Il se penche, et détache avec douceur cette petite-chose de son pantalon.
« Fais attention, toi, tu as failli me faire tomber ! »
Je me penche légèrement. C'est une toute petite fille qui se presse à son pantalon, et qui atteint péniblement le dessus de ses genoux. Ses cheveux ont la couleur du parquet, un bel ébène ciré. Quand elle retire le nez du tissu, je découvre une tête ronde et joufflue et des joues creusées d'un épais sourire, insoluble en cet instant.
Mathias essaie de se dépêtrer de son étreinte, mais son sourire est tout de même coloré de la même joie que sa petite-sœur. Elle continue de piailler, de tourner tout autour de lui, sans jamais réellement se décrocher de son pauvre jean.
Je l'avoue : j'ai toujours envie de partir en courant.
Ou du moins de m'éclipser discrètement, de disparaître de la pièce, et de m'assurer que jamais je n'éraflerai cette merveilleuse complicité qui se joue.
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Par Cœur
Teen Fiction« Prends-le. Prends mon cœur, Timothée. » Avoir le cœur sur la main... ou dans la main ? C'est l'histoire d'un garçon, qui un jour hérite d'un cœur. • Aucun des médias ne m'appartiennent, ils sont tous tirés d'Internet. ~ Livre terminé, publié le 28...