Le soir-même, en rentrant, mes parents se sont étonnés de voir, à côté du buffet du salon, une caisse à outils et une pile de linge informe. Je ne sais pas si j'ai oublié ou si je n'avais tout simplement pas envie de les ranger, mais je les ai laissé là. Par chance, mes parents ne m'en ont pas trop voulu, et ont achevé eux-même la tâche qu'ils m'avaient pourtant confiée. J'aurais du le faire...
... Mais demain, je retourne à l'Attrape-Cœur.
L'information me scie l'estomac depuis plusieurs heures déjà, et c'est en ayant à peine grignoté que je déclare piteusement ne pas avoir faim, au dîner. Mon père a assuré que ce n'était absolument pas grave, ma mère a gardé un profond silence tout en faisant glisser ma part de gratin dans le plat, et quant à mon frère... Eh bien... Je ne me suis pas beaucoup concentré sur lui, à ce moment-là.
L'Attrape-Cœur. Selon la secrétaire, leur coutume est de changer de psychologue régulièrement pour un même patient. C'est étonnant, je me serai davantage attendu à ce que l'on habitue le patient à la présence d'un seul et unique médecin, qu'il apprendrait à connaître et à interpréter, pour ensuite s'ouvrir... Pourquoi un tel défilé ? Un manque de personnel ? Des demandes de certains clients, qui exigent d'avoir ce psychologue-là plutôt qu'un autre ? Remarquez, s'il existe des psychologues comme celui de mon premier rendez-vous, il est clair que personne ne veut le voir en peinture, celui-là.
Alors, qui aurai-je ? De quoi parlera-t-on ? Il ou elle voudra-t-il m'obliger à prendre le cœur de Gretel ?
Même le ventre vide et retourné, je parviens encore à avoir une énorme population de questions. Assis en tailleur entre mes draps blancs, je fais tourner sans y penser la boîte cubique dans ma main.
Est-ce que je regrette d'avoir bu les potions ? Certaines, oui. Je juge que j'aurais pu m'en passer... Et sur le moment, je ne m'en passe jamais. Suis-je vraiment devenu indépendant à la personne qu'était Gretel ? C'est plutôt effrayant...
D'un côté, cette nouvelle entrevue à l'Attrape-Cœur me permettra d'approfondir mes recherches. Peut-être que mon futur psychologue voudra bien lâcher quelques unes de ses informations ? Si seulement...
J'ouvre la petite boîte, je relis le petit mot, la petite carte de visite, et compte les flacons restant. Cinq. Cinq flacons, pour près de deux semaines. C'est si peu... Et si j'en manquais, comment ferai-je ? Et si j'avais un imprévu, un brutal obstacle, qui demanderait d'avoir une sixième potion ? Est-ce que l'Attrape-Cœur pourra me dépanner ? Est-ce qu'ils pourront me donner de quoi me ravitailler ?
Non, évidemment. Les potions ne sont, entre autre, que des échantillons du réel produit. Et le réel produit, c'est le cœur.
Est-ce que ça veut dire que vivre avec le cœur de Gretel ne serait pas aussi désagréable que je ne pourrais le présumer ?
Je soupire. Il faut vraiment que j'arrête avec cette question... Elle dépasse les barrières de ma logique, et tout ce qui se trouve au-delà de ces barrières-là est bien souvent hors de mon propre contrôle.
Je jette un regard à mon téléphone. Décidément, les gens continuent de chercher à me joindre... Un message de Mathias. J'éteins mon portable, je ne sais pas ce que je pourrais sortir d'intelligible ce soir.
Devrai-je boire une petite potion, histoire de me calmer ? C'est un nouveau non. Impossible, même : il ne me reste que cinq flacons... Mais les nuits sont de plus en plus courtes et remplies de tourments, et m'impactent davantage que s'il ne s'agissait que de quelques nuits où le sommeil était juste resté muet.
Dépité, je referme la boîte, puis la fais disparaître dans le tiroir de ma table de chevet. Je tire les draps, y insère mon corps, et j'éteins.
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Par Cœur
Teen Fiction« Prends-le. Prends mon cœur, Timothée. » Avoir le cœur sur la main... ou dans la main ? C'est l'histoire d'un garçon, qui un jour hérite d'un cœur. • Aucun des médias ne m'appartiennent, ils sont tous tirés d'Internet. ~ Livre terminé, publié le 28...