Sagittaire { Terminé }

Chapitre 2: Vos relations familiales sont tendues

« T’étais où ? »

Stella n’aurait peut-être pas dû rentrer si tôt, onze heures du soir, c’était trop tôt. Il est parfois préférable d’attendre la nuit pour se glisser dans son lit, comme un chat, lorsque la maison dort au son des grincements d’étoiles. Elle n’aurait pas dû, mais elle était là. Là, dans le couloir sombre de l’entrée, et comme une évidence toute la famille était présente, ils regardaient le journal du soir qui annonçait les dernières informations en boucle, telle une chanson désespérée.

Son père répéta de sa voix grave et impulsive :

— T’étais où encore ? Tu peux pas répondre au téléphone ? t’as vu ce qui se passe ?

— J’ai eu un mauvais pressentiment, ajouta sa mère.

Et alors que les flashs d’informations de la chaîne de télévision Starscope retransmettaient en direct les images de l’attentat qui venait d’avoir lieu, elle entendit le pas lourd de son père qui vint se planter devant elle. L’ombre géante de Basile Moon occupa tout le cadre du couloir, empêchant de sa masse bedonnante de vieux papa cinquantenaire le passage discret qu’elle avait espéré faire jusqu’à sa chambre.

Il était déjà trop tard pour s’en sortir sans explications.

— Oh, tu m’entends ? T’étais où ? insista Basile.

Elle regarda ses petites baskets, posa son sac par terre, respira profondément et répondit d’un air détaché en retirant sa veste en jean, comme si tout cela n’était rien.

— Ben, j’étais chez Chams. On a un exposé en astrologie pour la semaine prochaine…

— Et ton téléphone ? Pourquoi tu réponds jamais quand je t’appelle ?

— Quoi ? Mais si je réponds. Mais j’avais pas mon téléphone, je l’ai laissé à la maison, j’avais plus de batterie.

— Et ton scope ? il ne t’avait pas prévenu ?

— Ben non, hésita-t-elle en caressant légèrement son anneau.

Cet anneau qui contenait toutes les informations de votre horoscope était directement connecté à une application qui vous donnait votre avenir en temps réel. Mais sans téléphone, pas de scope…

Son père l’observait. Elle n’osait plus bouger, elle restait tapie dans ce petit carré d’ombre qui la protégerait bien encore un peu. Elle restait là, avec son corps fragile de jeune fille et ses boucles noires qui tombaient sur son visage.

— T’attends quoi ?

— Ben rien…

— Alors va dans ta chambre, ramène-moi ce téléphone !

Stella passa à côté de son père, elle pria secrètement les douze signes du Zodiaque pour qu’il ne remarque rien. Mais son père était flic…

— Nom d’une éclipse ! s’exclama-t-il, qu’est-ce qu’il t’est arrivé ?

Basile attrapa sa fille par le bras bien qu’elle tentât de se glisser entre ses larges pattes et la tira à lui pour l’exposer à la lumière du salon. Le visage de Stella était couvert de nombreuses cicatrices, des petites entailles rouges, couvertes pour certaines par des pansements, mais elle en avait partout et on devinait en pleine lumière à quel drame elle avait dû échapper.

Sa mère et sa sœur se retournèrent et poussèrent un cri. Sa mère surtout, le visage de Cassandre se figea dans une pose effroyable. Sa grande sœur, Roxane, n’eut qu’un mot : « Waouh ! Cette tête de comète ! »

Et voilà, la famille était là au grand complet, le show habituel allait pouvoir commencer. Stella en devinait les cris, les questions, les remords et la sentence qui ne tarderait pas à tomber. Et alors que sa mère la prenait dans ses bras et la pressait d’attention, alors qu’elle sentait le regard inquisiteur de son père, elle lâcha nonchalamment :