Chapitre 27: Un accident va vous arriver

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Cid Lexer observait les écrans de contrôle du service de sécurité. Une dizaine de prédicteurs travaillaient à ses côtés. Apparaissaient les informations astrales de tous les invités. Ils avaient ainsi accès à ce que chacun d’entre eux allait faire, à leurs émotions préétablies, à leur avenir proche ou lointain. Ce qui intriguait Cid, c’était le scope de Stella Moon. Elle était troublée, elle cachait quelque chose, il le sentait et les conjonctions astrales confirmaient son intuition. Mais les éléments dont il disposait étaient insuffisants pour prédire ce qu’elle allait faire. Elle aurait dû parler d’emblée à la Pythie, or elle avait laissé passer cette occasion… quelque chose n’allait pas. Il devrait provoquer la rencontre, ce scénario avait été entrevu, comme tant d’autres, il demanda à l’un des prédicteurs de mettre en place la pause « toilettes ». Le plan se déroulerait comme prévu, car il était inscrit dans le Zodiaque.

Plongé dans ses réflexions, il sentit les vibrations de son téléphone.

« Basile ? » fit-il avec surprise en voyant le nom de l’inspecteur astral apparaître. Il hésita avant de décrocher.

— Que puis-je faire pour toi mon ami ?

— Bonsoir Cid, j’espère que je ne te dérange pas. Enfin si, j’imagine que tu dois être très occupé mais je voulais te dire que j’ai retrouvé l’étoile de Stella. Tu me l’avais demandée, tu t’en souviens ?

Il y eut un léger silence. La coïncidence était astralement troublante.

— Je t’écoute, répondit le prédicteur.

— En fait, j’aurais préféré t’en parler de vive voix, je suis devant le palais, à tout de suite.

Sur ces mots, Basile raccrocha.

Cid Lexer se tourna vers l’écran de contrôle qui filmait l’entrée du palais, il n’eut pas de mal à reconnaître la longue silhouette de son ancien collègue. Les indicateurs astrologiques mentionnaient la découverte d’une vérité bouleversante dans la vie de Basile pour ce soir. Une conjonction d’Uranus venait transformer sa vie. Il disait donc vrai ? Il avait découvert l’étoile de sa fille et en était perturbé au point de venir le voir sur le champ ? Lexer s’excusa auprès de ses disciples, il n’en aurait que pour un instant.

Dans le crépuscule parisien, Basile aperçut le prédicteur qui s’engageait sur le pont. Tous les alentours du palais avaient été bouclés par mesure de sécurité, personne ne pouvait circuler sur l’île. Cid Lexer s’avança de son pas assuré tandis que Basile attendait au milieu des badauds qui se bousculaient aux barrières de sécurité pour tenter d’apercevoir les paillettes de la cérémonie.

Les deux hommes se saluèrent.

— Je t’écoute, dit Lexer.

— Viens, mélangeons-nous à la foule, ce que j’ai à te dire doit rester entre nous.

Et Basile entraîna le prédicteur dans l’attroupement qui s’était créé aux abords des quais. La foule était par moment si dense que les deux hommes avaient du mal à avancer. Mais le bruit ambiant, les sonneries de portable, les rires et la joie étaient les meilleurs alliés de la discrétion.

— J’ai dû replonger dans mes archives pour retrouver toutes les données du scope de Stella. Cela m’a pris du temps, cela a également été l’occasion de réveiller quelques souvenirs.

— Si tu savais comme je me moque de tes souvenirs. Quelle est l’étoile ? répliqua Cid d’un ton sentencieux.

— Tout est pourtant étrangement lié… Tu sais que Stella est née peu après mon accident. Je ne te remercierai d’ailleurs jamais assez de m’avoir sauvé la vie lors de ce drame, mais j’ai récemment vérifié toutes les conjonctions astrales de cette époque jusqu’à la naissance de ma fille…

La foule autour d’eux gênait Cid, ses cosmoculus fonctionnaient à 100%, il s’était connecté en analyse globale, par mesure de sécurité. Ainsi, il recevait les scopes de tous les gens qu’il croisait, il ne voulait rien laisser au hasard. Mais cette multitude le saturait d’informations, des dizaines de profils s’affichaient à la seconde dans ses lunettes. Toutes ces données l’empêchaient de se concentrer correctement.

— Et alors ? demanda-t-il.

— Tu dois te souvenir également de ce 25 avril, c’était la veille du concours d’entrée à l’école des prédicteurs, nous étions tous deux de jeunes inspecteurs astraux. Je te raconte une histoire vieille de 14 ans…

— Viens-en au fait, je n’ai pas que cela à faire.

— Mon scope ce jour-là m’avait mis en garde, il annonçait ceci : « Jour funeste. Prenez garde, vous n’êtes pas à l’abri d’un accident. Un ami va vous aider. »

Cid ne fit aucun commentaire, il tournait la tête à droite, à gauche, son intuition éveillait en lui un sentiment de méfiance.

— J’aurais dû rester chez moi, mais tu m’avais donné rendez-vous pour préparer le concours de prédicteurs. Je t’ai donc rejoint, après quelques heures tu as proposé de me raccompagner à la maison. J’ai considéré à l’époque que tu devais sans doute être « l’ami » en qui je devais me fier…

— Tu as bien fait. Sans moi tu serais sans doute mort.

— Nous avons eu cet accident… un de ces véhicules de nettoyage automatisé nous a percutés.

— Je m’en souviens très bien. C’est moi qui conduisait, Basile, j’y ai perdu un œil à cause des éclats du pare-brise.

— Et moi une jambe, après plusieurs semaines de coma dont j’aurais pu ne jamais sortir.

— Il faut accepter son destin. Il ne te sert à rien de repenser à ces vieilles histoires. Dis-moi plutôt quelle est l’étoile de ta fille.

Basile se tourna vers Cid, il avait conscience du danger, cela pourrait attirer son attention, le prédicteur pourrait voir les changements d’humeur de son scope, mais le détachement et la froideur mécanique de son ancien collègue lui répugnaient tant qu’il se décida à prendre ce risque.

Et en effet Cid se tourna vers lui et eut un air surpris en le dévisageant.

— Tout me porte à croire qu’il ne s’agissait pas d’un accident, mais d’une tentative de meurtre, poursuivit le père de Stella, j’ai repris les éphémérides de ce 25 avril et j’ai calculé moi-même mon scope. Tout y annonçait bien un « jour funeste » mais pour une cause complètement différente… celle de la trahison d’un ami. Tu t’étais arrangé pour modifier mon scope et tu as cherché à m’éliminer !

A cet instant, les cosmoculus de Cid Lexer l’avertirent d’un danger. Deux individus sans scope se rapprochaient à grande vitesse dans son dos. Il s’arrêta et se retourna, la foule qui les entourait le poussa, jura en lui disant de s’écarter, il dévisageait chacun des visages mais les profils trop nombreux se bousculaient sur son écran. En une fraction de seconde il sentit la décharge électrique d’un taser et n’eut que le temps de voir le visage d’une jeune fille noire aux tresses multicolores qui lui envoya le deuxième choc électrique qui le foudroya.

Sagittaire { Terminé }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant