Chapitre 3: Vous pourriez perdre l'essentiel

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« Il faut prendre le temps de vous occuper de vous aujourd'hui, Cassandre, le surmenage vous guette. Vous avez accumulé trop de stress dans vos relations avec vos proches... » Cassandre jeta un coup d’œil contrarié à Stella qui gardait son museau plongé dans son bol de chocolat du matin. Elle écoutait son scope de la journée pour la troisième fois tout en préparant le petit-déjeuner de toute la famille. Sa fille ne lui avait pas adressé un regard, ni même un mot depuis qu'elle s'était levée, un calme pesant grondait dans la cuisine.

« Pourquoi ne pas profiter de cette journée pour revoir vos amies ? Elles ont justement l'intention de vous proposer une sortie shopping ! Attention toutefois sur la route, un accident est prévu à 14 heures à la porte Dauphine, peu avant que vous n'y passiez, prenez donc les boulevards intérieurs. »

« Une sortie shopping ? Cela ne me fera peut-être pas de mal après tout… » déclara-t-elle pour tenter d’engager la conversation en s'asseyant à côté de sa fille.

Mais Stella trempait placidement ses tartines dans son lait chaud, elle les observait fondre puis se désagréger lentement en de longs filaments appétissants. Il lui sembla un moment qu'après les événements de ces dernières vingt-quatre heures et la dispute de la veille, elle était dans le même état de désagrégation que son pain, en miettes, s'effilochant à l'infini dans le néant obscur du chocolat.

— STELLA ! cria son père en entrant dans la cuisine, t'es pas encore prête ? T'attends quoi ? Tu passes à la vitesse de la lumière s'te plait !

La jeune fille sursauta et se leva brusquement pour déguerpir dans sa chambre.

— On part dans cinq minutes !

Elle monta les escaliers quatre à quatre, se précipita dans son armoire, enfila un pull au hasard, une vieille paire de chaussettes et attrapa son sac qui traînait encore au pied du lit. En sortant elle voulut ouvrir la porte de la salle de bains, fermée.

— Roxane ? Ouvre, je suis en retard !

— Nan, répondit calmement sa grande sœur.

— Ouvre, je te dis. Je suis en retard.

— Nan. Je fais une comète.

« STELLA ! » hurla son père dans l'entrée. « Dépêche-toi ! Il faut que je parle à ton directeur ! » Qu'avaient-ils tous ce matin ? Ils avaient décidé de se liguer contre elle ? De lui rendre cette journée abominable après ce qu'elle avait déjà vécu la veille ? Elle n'en avait pas dormi de la nuit. Elle n'avait cessé de se retourner dans son lit en entendant à intervalles réguliers ce bruit assourdissant de l'explosion qui la secouait encore jusque sous ses draps. Et ces sifflements qui lui restaient dans les oreilles depuis hier, cela ne s'arrêterait donc jamais ! « STELLA ! » Pourquoi son père ne devait-il retenir que cela, le mensonge, alors qu'elle venait de vivre un attentat du Z13 ! Elle avait passé la soirée entourée d'agents de l’Astropol qui avait vérifié son scope à dix reprises pour s'assurer qu'elle n'avait rien à voir avec les événements. On l'avait questionnée pendant des heures, à coup de remarques insidieuses et étranges : « pourquoi n'étiez-vous pas là où vous deviez être ? » et pourquoi, et pourquoi, et pourquoi ? Est-ce qu'elle savait, elle. Ce n'était pas de sa faute si son scope ne fonctionnait plus... Elle était où elle ne devait pas être, et alors ?

En descendant les escaliers, elle eut soudain une idée lumineuse, la première et la seule de cette journée qui s'annonçait catastrophique. Elle sortit son portable et consulta son scope.

« Bonjour Stella, entonna la voix douce et enchanteresse de Starscope, ce mardi sera une belle journée, tu as raté ton contrôle d’astrologie, mais des surprises sont à prévoir. Prends un bon petit-déjeuner et fais le plein d'énergie car tu vas être très sollicitée. Ne sois pas trop distraite, tu pourrais perdre l’essentiel. » Elle monta dans la voiture, claqua la portière et entendit son père qui bougonnait en appuyant sur l'accélérateur. Elle se sentait sale, mais lorsqu’elle découvrit son visage dans le rétroviseur intérieur, elle poussa un cri d’horreur ! Elle n’avait pas eu le temps de changer les pansements de la veille, sa tête était abominable ! Des couleurs violacées lui striaient les joues et entouraient ses yeux lui donnant un air de vieille pomme. Son père lui jeta un bref coup d’œil et conclut par ce commentaire déprimant : « T’en fais une tête ? »

Sagittaire { Terminé }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant