Chapitre 4: vous vous sentez abandonnée

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« Tu ne voleras pas l’avenir d’autrui ! Tout le monde connaît l’article 4 de la charte astrale. Personne n’a le droit de voler l’avenir de quelqu’un d’autre, voler le scope d’un de vos camarades c’est voler des informations confidentielles qui concernent son futur et qui ne concerne que lui. Vous aimeriez que l’on sache ce que vous allez faire ce soir, de qui vous allez tomber amoureux, si vous êtes en bonne santé ou pas, si vous allez gâcher votre vie en vous mariant avec le dernier des ratés du collège ? »

Cette dernière remarque fit rire tous les élèves que Basile avait fait rassembler dans le planétarium. En tant qu’inspecteur de la police astrale c’était également son travail de faire de la prévention dans les écoles, mais en tant que père de Stella, c’était encore bien davantage sa responsabilité qui était engagée. Il comptait sur la bonne volonté des collégiens pour découvrir qui avait pu voler le scope de sa fille, un petit coup de pression avec toutes les classes réunies sous la voûte du planétarium devrait en impressionner plus d’un.

Stella était au premier rang. Elle n’écoutait pas son père, son esprit était ailleurs, il divaguait dans des mondes lointains et oniriques. Elle regardait le plafond de cette salle circulaire dans laquelle ils avaient l’habitude de venir voir les reproductions du ciel étoilé. Elle adorait ces séances au planétarium, c’était bien le seul cours qui lui plaisait. Mais aujourd’hui le plafond était vide et gris. C’était étrange de le voir sans étoiles, comme s’il avait perdu sa nuit.

La soirée avait été terrible. Lorsque son père avait appris la nouvelle, elle avait cru un moment que la maison allait s’effondrer, la colère et les basses insultes avaient plu comme l’averse sauvage d’un ouragan. C’est cela, son père était un ouragan furieux ! « Tu t’es perdue dans le cosmos ou quoi ? Comment t’as fait ton compte ? Personne n’oublie son scope dans les toilettes ! Faut vraiment que tu sois la dernière des lunes ! » Toute la soirée, cela avait duré toute la soirée, et sa mère et sa sœur n’avait rien trouvé de mieux que d’en rajouter. Elle n’avait plus d’avenir, bon et alors ? On lui en trouverait un autre. L’astrologue familial arrangerait cela. Mais non rien à faire, à chaque fois qu’elle disait quelque chose les insultes redoublaient inlassablement de violence.

Là, au milieu de tous les autres adolescents que l’on avait rassemblés pour leur lire une nouvelle fois la charte astrale et leur faire la morale, elle se sentait seule. Le planétarium était bondé, les profs se tenaient debout à l’entrée du couloir, son père s’exclamait en prenant des airs intimidants pour impressionner les enfants, mais elle se sentait seule. Sans doute ne s’était-elle jamais senti aussi seule, qui avait pu prendre son scope ? Elle regardait dans les rangs serrés ses camarades, scrutait les visages, cherchant une tête coupable, mais elle ne voyait que de pauvres collégiens hypnotisés par le discours de l’inspecteur paternel.

Cela faisait trop en quelques jours : l’attentat, son scope, son père qui était de plus en plus insupportable, et cet homme bleu qu’elle avait vu en vrai. Il existait. Et si quelque chose la tracassait et occupait son esprit, plutôt que son avenir qui devait être entre les mains d’on ne sait qui, c’était cet homme bleu dont elle avait encore rêvé pendant la nuit. Il existait. Etait-ce ses rêves qui devenaient réalité ? Ou bien, comme elle avait déjà entendu sa mère en parler, la réalité et les rêves n’étaient-ils que les deux faces d’une même pièce, l’envers et l’endroit, qui parfois se confondent ? Elle ne parlait de ses rêves qu’à Chams, mais maintenant, sans scope, elle se demandait ce qu’elle devait faire. Fallait-il en parler à sa mère ? A un astrologue ? A sa sœur ?

Elle sursauta soudain lorsque son père la désigna du doigt pour la montrer à toute l’assemblée, « Qui veut ressembler à ça ! » Elle sentit tous les regards se tourner vers elle avec curiosité, certains avec peine, Chams avait les larmes aux yeux, elle en pleurait depuis le début, mais certains ricanaient, sournoisement, comme si la situation les amusait. Elle croisa alors le regard de Rembrand, il était tout au fond, assis au milieu d’une rangée, inexpressif comme à son habitude. Mais l’insistance avec laquelle il la regardait l’intrigua.

Sagittaire { Terminé }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant