Chapitre 15: Vous avez un rendez-vous important

3 1 0
                                    

Ils lui avaient dit d’être prête. Chams et Rembrand avaient tout prévu. Pour éviter les prédicteurs, il n’y avait qu’une solution : les prendre par surprise systématiquement ! Elle ne devait rien savoir, ne rien deviner, ils s’occuperaient de tout, elle n’avait qu’à suivre leur plan !

En prenant son petit-déjeuner, Stella avait jeté un furtif coup d’œil à son scope sur son téléphone portable : « Ne ratez pas votre rendez-vous d’orientation ! » Son père l’avait harcelée à plusieurs reprises avec ça : « Je t’attendrai à 11 heures pour notre entretien avec la conseillère d’orientation et ton Principal. » Tant pis, ce ne serait pas le premier rendez-vous raté. C’était le moment idéal, elle le sentait, les autres aussi. C’était aujourd’hui qu’ils devaient agir s’il voulait détourner l’attention des prédicteurs. Mais elle ne devait rien savoir, surprise et secret sidéral !

En sortant elle avait salué la famille tout en glissant discrètement son scope dans le veston de son paternel. Ainsi, il n’y avait aucune chance pour que l’on puisse la pister. Sa mère l’avait embrassée en lui recommandant d’être à l’heure pour la fête des Sagittaire du collège de ce vendredi soir. Stella avait souri, elle avait finalement obtenu d’y aller, pourtant, maintenant qu’on le lui autorisait, elle se demandait si elle y serait à sa place.

Dans le métro elle ne craignait plus de croiser l’ombre musicale de l’homme bleu, au contraire, elle jetait toujours des regards à droite et à gauche à la recherche de Gide. Le dos d’une veste azure lui donnait des frissons, elle croyait parfois deviner la silhouette de cet étrange membre du Z13, et puis non, l’homme se retournait et lui offrait une face grimaçante de Parisien mal réveillé.

Elle reçut un message de Chams, c’était leur rendez-vous, un simple nom de station de métro : « Père Lachaise ». Le cimetière ? Drôle d’endroit pour un rendez-vous. Stella jeta un regard autour d’elle, tous les habitués de ce métro matinal lui semblèrent soudainement suspects. Que faisait cette mamie dans les transports en commun aussi tôt ? Et cet homme en costard cravate qui n’avait rien de mieux à faire que de jouer à empiler des bonbons roses et des sucettes sur l’écran de son portable ? Il était particulièrement louche celui-là. Sans parler du faux clochard qui l’avait dévisagée étrangement en lui tendant son chapeau… elle se demanda s’ils ne travaillaient pas tous pour le ministère, s’ils n’informaient pas en direct les prédicteurs des faits et gestes de chacun.

Elle allait devoir être vigilante. A la station précédant « Père Lachaise », elle sortit, puis réentra dans la rame dès la sonnerie du départ. Personne n’avait bougé. Elle répéta la même manœuvre à la station suivante, en feintant de rentrer dans le wagon cette fois-ci… Non, personne n’avait eu une attitude étrange, personne ne l’avait remarquée, personne ne remarquait rien sinon les secondes affamées qui les séparaient du travail. Elle s’engouffra vers la sortie en suivant le flot des voyageurs.

Une fois à l’extérieur, elle plongea son regard le long de la longue enceinte du cimetière, tout était froid et gris en ce matin de décembre, une pluie légère recouvrait les pavés parisiens. Un sifflement retentit. La pétarade d’un scooter qui démarrait résonna dans le vide et avant même qu’elle ait eu le temps de se retourner, Stella sentit un deux-roues freiner brutalement à côté d’elle.

Le casque du pilote était entièrement opaque, il portait des gants et un blouson de cuir trop large, mais des nattes colorées que Stella aurait reconnues entre mille tombaient sur ses épaules.

« Chams ! » s’écria-t-elle.

— Tais-toi, idiote, tu vas nous faire repérer. Mets-ça et monte, dit-elle en lui tendant un casque identique au sien.

A partir de ce moment tout alla très vite. A peine installée derrière sa copine, Stella sentit l’accélération qui les emportait sur les boulevards parisiens. Elles dévalèrent ainsi l’avenue, le froid leur cinglant le visage, Chams poussait à fond sur l’accélérateur, elle remontait les voitures les unes après les autres, slalomant entre elles, se glissant entre les files de véhicules pour remonter jusqu’aux feux rouges et repartir de plus belle avant que les autos n’aient eu le temps de démarrer. Elles atteignirent ainsi la place de la République en un clin d’œil. Stella sentait la vitesse, le vent, le froid et l’émotion aussi, tout l’emportait vers l’inconnu. Elle s’était accrochée à son amie et avait posé sa tête sur son épaule pour profiter de ce souffle de bonheur, comme au cinéma.

Sagittaire { Terminé }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant