Sagittaire { Terminé }

Chapitre 13: Tout vous réussit

La vue du bureau de Cid Lexer était éblouissante, depuis le ministère de l’Astrologie il pouvait contempler la Seine et au loin la tour Eiffel que l’on avait dressée pour rendre hommage aux étoiles du Zodiaque. Il avait invité Stella à s’asseoir dans un fauteuil molletonné en velours, très confortable, aux accoudoirs couverts de dorures. Toute la pièce était par ailleurs richement décorée, des moulures baroques ornaient le plafond et encadraient une peinture en trompe-l’œil représentant la voûte céleste. Cette ancienne aile du palais, datant du XVIIIème siècle avait gardé toute sa beauté d’antan alors qu’on l’avait équipé des technologies les plus avancées. Ainsi des écrans tactiles et des avertisseurs sonores indiquaient en permanence sur les murs les informations astrales importantes dont on renseignait le magister. Ce dernier s’assit derrière son bureau, il alluma un écran sur lequel il commença à tapoter avec flegme et concentration. Cid n’avait pas quitté ses cosmoculus, si bien que l’on ne distinguait pas son regard, mais lorsqu’il relevait la tête vers elle, Stella sentait quelque chose d’étrange, une force invisible tentant de voir en elle. Elle se demanda si cet entretien était bien nécessaire, après tout, le prédicteur savait sans doute déjà tout… S’arrêtant d’écrire il lui posa enfin une première question :

— Comment décrirais-tu le rouge à un aveugle ?

— Le rouge ? Stella hésita un instant, c’est la couleur d’un premier baiser.

Elle avait déjà entendu parler par son père de ces entretiens étranges et déstabilisateurs que pratiquaient les prédicteurs. Mais au petit jeu de la provocation, elle ne serait pas la plus désarmée.

— Quel est ton plus vieux souvenir ?

— L’enterrement de mon grand-père, répondit-elle après quelques secondes de réflexion, j’avais quatre ans, je m’en souviens encore.

— Quelle est l’étoile la plus brillante de la constellation du Sagittaire ?

— Kaus Australis.

— Quelle est la pire chose qui te soit jamais arrivée ?

— Ma rentrée au collège !

Stella en souriait, bien que l’événement ait effectivement été traumatisant pour elle. Cid méditait en l’écoutant.

— Et ton plus beau souvenir ?

— Mes vacances en Grèce, c’était il y a deux ans. Nous sommes allés à Delphes, la capitale de l’astrologie, c’était grandiose !

Le prédicteur prenait des notes, il tapait sur l’écran qui se trouvait devant lui, il semblait songeur.

— Est-ce que tu entends parfois ton téléphone sonner avant qu’il ne sonne ?

Il la fixa étrangement.

— Non… c’est possible ?

D’un geste négatif, Cid passa à la question suivante :

— Quelle relation avais-tu avec ton professeur, Théodoros Balthus ? et cesse de me raconter des mensonges, ton père n’est pas là, tu peux dire la vérité.

— Aucune, répondit-elle, pourquoi cette question ? C’était mon prof et je crois qu’il me détestait.

— Néanmoins, il aurait pu te dire quelque chose avant sa mort… quelque chose que tu aurais jugé bizarre, quelque chose d’étrange, comme… un nom d’étoile ?

Stella était bien décidée à ne pas se laisser impressionner par ce prédicteur. Elle commençait à voir où il voulait en venir avec ses airs de chat ronronneur.

— Non, je ne me souviens de rien d’étrange. Il ne m’adressait la parole que pour m’humilier devant la classe, c’était un sadique, comme tous les astrologues d’ailleurs ! Vous vous croyez supérieurs parce que vous voyez l’avenir ? Mais votre avenir se limite à contempler celui des autres avec impuissance. Vous êtes tous de sacrés pervers, messieurs les astrologues !