Lorsque Stella revint s’installer dans le planétarium, Artémis Royce faisait son show de présentation au milieu de cette gigantesque salle circulaire. Il s’agissait du plus grand planétarium de France, des centaines de personnes pouvaient s’y installer dans de confortables fauteuils basculant vers la voûte céleste. Tous étaient tournés vers le centre de la pièce où un podium permettait de contempler l’ensemble des convives. On y trouvait également un télescope et divers projecteurs numériques que les techniciens placés au fond de la salle pouvaient manœuvrer sans gêner le public. Les caméramans de Starscope se baladaient dans ce vaste espace, ne voulant rien manquer de la fête, scrutant les interventions de la Pythie qui du dernier rang, enroulée dans son serpent albinos, contemplait la scène. Elle siégeait sur un trône élégant taillé à même le marbre du piédestal qui la plaçait au-dessus des autres invités. Stella eut bien du mal à trouver son siège au cœur de cette confusion, car tout le monde criait, les enfants autant que les adultes, pour répondre aux appels que leur lançait Artémis.
Soudain, la présentatrice leva la tête vers le dôme de la salle et d’un claquement de doigt déclencha l’ouverture de celui-ci. Les deux pans de la pesante toiture d’acier bougèrent lentement, s’écartant telles les lèvres d’une bouche abyssale s’ouvrant sur le cosmos. Car ce Solstice ne serait pas comme les autres, des surprises étaient au programme… Le ciel étoilé de Paris s’offrit aux spectateurs, les sièges s’inclinèrent, les lumières s’éteignirent.
Un long « Oh ! » d’admiration résonna dans la salle. On verrait donc le ciel en vrai ce soir, et non une représentation numérique ! Artémis Royce exaltait de ce moment de bonheur collectif, elle lança enfin la formule magique que tous attendaient : « Que le Solstice commence ! » Et soudain les lumières de Paris s’éteignirent ! Ce fut le black-out total, l’extinction des feux de toute la ville ! Tous les lampadaires, tous les éclairages officiels, artificiels ou périphériques, tous s’éteignirent. La ville entière fut plongée dans une pénombre millénaire. Et ainsi, au cœur de la nuit, la voûte céleste apparut plus resplendissante que jamais. C’était un écrin d’étoiles qui venait s’offrir aux Parisiens, depuis les quais de la Seine jusqu’au Mont Parnasse, depuis l’Île de la Cité jusqu’aux Champs Elysées, un long murmure d’émotions vint acclamer l’extinction des feux. Car après un sursaut de surprise, le public comprit qu’il ne s’agissait pas d’une panne générale d’électricité, mais d’un élément du spectacle, les yeux s’habituèrent à l’obscurité et les étoiles lointaines apparurent aux meilleurs astronomes.
Cependant Artémis Royce poursuivait, captivant l’auditoire de son éloquence : « Et voici celui que vous attendez tous, l’homme du Solstice, l’astrologue suprême, le prédicteur imparable, le champion de la galaxie, le grand Bocace Barca ! » Une tempête d’applaudissements accompagna l’arrivée du ministre. Ce dernier fit son entrée en musique ; les œufs d’or de tous les enfants se mirent à briller d’un halo doux et soyeux, telles les étoiles de la nuit, tandis que des faisceaux lumineux balayaient la salle, se concentrant peu à peu sur Big B pour lui donner un éclairage lunaire. Le ministre flottait dans les airs sur son gyrodrone, un bon mètre au-dessus de la foule qui l’acclamait, il gigotait et tournoyait sur son engin en éructant d’abominables rires. Comme à son habitude, Barca jouait la star. Il s’était changé et portait un costume rouge à paillettes, une large cape d’un pourpre fuchsia enrobait sa volumineuse corpulence ; on pouvait contempler sur les écrans géants son visage qui apparaissait en gros plan, afin que personne ne puisse rater l’irréparable beauté de son maquillage facial. Des cernes globuleux lui donnaient un regard obsédant, ses paupières elles-mêmes étaient dessinées d’une telle manière qu’il semblait ne jamais cligner des yeux. Il était rougeaud, de partout, à la manière d’un crapaud qui se serait gavé de tomates fluorescentes.
« Où est le Soleil ? » hurla-t-il par trois fois. « Où est le Soleil ? » répétèrent en cœur les centaines d’invités. Tous connaissaient ce chant ancien et astral, tous en riaient et y croyaient. La nuit du Solstice d’hiver, alors que le Soleil atteignait son point le plus éloigné par rapport à la Terre, il importait de le supplier de revenir.
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Sagittaire { Terminé }
General Fiction« Vous ne devriez pas sortir sans lire votre horoscope, qui sait ce qui pourrait vous arriver aujourd'hui ? » Une application qui ne lui prédit plus son avenir, un ministère de l'Astrologie qui la harcèle, Stella Moon va fêter ses 14 ans en réalisan...