P r o l o g u e

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Juillet 2017. Carhaix.

Il faisait chaud, c'était un de ces été où on était tous réunis comme toujours. Sur la terre battue de Carhaix, on était présent pour mettre le feu aux Vieilles Charrues. Les filles étaient venues nous rejoindre ce week-end et ç'aurait peut être été mieux si ça avait pas été le cas, déjà Jude aurait pas foutu Nekfeu sur les nerfs à longueur de temps. Et peut être que tout ça se serait passé différemment.

Le soleil baissait peu à peu, rendant l'air un peu plus supportable. On pouvait déjà entendre la musique assourdissante des basses plus loin sur les scènes jouant depuis quelques heures déjà. Irène était plus loin, au sol, en larmes dans les bras de Camille. Elle était dans une telle crise de larmes que ça me foutait le seum. 

Je comprenais pas trop en fait ; elle était au téléphone, plus loin, et d'un coup, elle avait porté sa main à sa bouche pour s'effondrait au sol. Ken s'était rapidement précipité vers sa cadette pour lui demander ce qu'il se passait mais elle était incapable de parler. Alors il avait réceptionné le portable, avait parlé quelques minutes et son visage s'était durcit et blanchit. 

- C'est qui, Irène ? 

Sa voix était comme un couteau et je l'avais rarement vu comme ça. Je crois que je pouvais même dire que dans ces moments-là, Charly me manquait de ouf. Mais Samaras avait un caractère de merde quand il le voulait et ça faisait depuis sa rupture qu'il était invivable. Alors les piques à peine déguisées de Jude et son irritabilité constante l'avait complètement fait vrillé. Irène prenait cher et j'étais à deux doigts de me lever pour éloigner le grec de sa reuss. 

- T'as rien à dire, gémit-elle 
- TU TE FOUS DE MA GUEULE PUTAIN ?! J'vais te niquer alors dis moi de suite qui est le père.

Et je sentis le regard lourd de sens des gars sur moi. Mon coeur battait trop vite et je comprenais que j'avais attiré l'attention en voyant le verre précédemment dans ma main éclaté au sol. Et ouais, c'était facile de tirer des conclusions, j'étais le seul à être réellement qué-cho. Merde. Complètement perdu, je reposais mon regard sur Irène, qui venait de se recroqueviller encore plus, on entendait plus que ses larmes et Ken semblait bouger au ralenti, les yeux fous. 

J'aurais pu faire ça plus discrètement mais je m'y attendais pas et j'sais qu'Irène non plus. Trop omnibulé par ma petite déesse en détresse, j'entendis à peine les pas lourds et rapides du rappeur, le poing dans ma mâchoire suffit à me réveiller mais je m'étais déjà dit que je le laisserais faire. Parce que je me sentais un peu comme un traitre d'avoir touché à la soeur de Nekfeu alors même qu'on avait une règle clair qui stipulait : pas les soeurs des potes. Donc, j'étais ok de dire que je l'avais cherché et que c'était amplement mérité. 

Ken me mit plusieurs coups de poings, me faisant grimacer : il était vif le boug. Et ok, j'étais d'accord pour me laisser faire mais pas pour prendre toute la frustration de ce gars dans la gueule. Alors d'un geste calculé, je le retourna pour lui foutre une droite, à mon tour.  

- ARRÊTEZ !! hurla Irène, Vous croyez vraiment que vous foutre sur la gueule va changer quelque chose ?! 

La voix brisée de ma petite go se fit entendre et créa un lourd silence. Bien sur que ça pouvait rien changer, mais j'avais ma fierté. Des bruits de crissements de cailloux suivirent et Doums m'éloigna, le regard sombre et je savais que j'avais pas perdu qu'un pote. Le S-croums était plus que soudé, et je me prenais à l'un des gars, les quatre autres me rentreraient dedans sans chercher. C'était le cas. Le grec savait s'entourer de gens loyaux. Alors s'il jugeait que j'étais un traitre, je le serais pour les autres aussi : soutiens oblige. 

Hakim gueula un bon coup, Ken reniflant, le nez en sang, il me tuait de dix milles façon différentes dans sa tête. Il se retira brusquement de l'étreinte de Mekra mais ne bougea pas pour autant. J'entendais des petits gémissements qui me firent rapidement tourner la tête vers ma brune, une main sur le coeur, la respiration saccadée et Camille et Jude lui caressant les cheveux, essayant de calmer la crise de panique qu'elle faisait. 

- Lâc-
- Ta gueule Bigo, t'approches même pas d'elle.
Idriss me passa sous le nez, distant comme jamais. 

J'avais envie de tout casser. Parce que je venais de perdre ma mif et que ma petite go était enceinte de moi. J'savais pas comment digérer. Je l'aimais Irène et ça faisait bien trop longtemps qu'on se planquait. En soit, ce bébé était une surprise mais ça me dérangerait même pas d'assumer. Je venais de fêter mes trente, j'étais largement prêt à être daron. Mais t'façon, c'était pas réellement ma décision, c'était celle d'Irène et ça me frustrait de pas pouvoir lui parler, de pas pouvoir la rassurer. 

Ken poussa un hurlement, encore hyper tendu et pointa un doigt vers moi, avec son regard d'homme brisé et colérique. 

- Tu disais que t'étais mon frère putain ! claqua-t-il douloureusement 

Et je rajouta rien, parce que j'avais pas envisagé un autre scénario et que c'est peut être pour ça que j'avais explicitement demandé à Irène qu'on se planque depuis autant de temps. La tête basse, j'entendais le murmure d'Irène nous supplier d'arrêter et je savais que cette situation lui faisait aussi mal qu'à elle. Irène était trop jeune pour ma gueule, Irène était la soeur de Nekfeu. J'étais celui qui avait le plus fauté, parce que le plus adulte de nous deux. J'aurais dû arrêter depuis tellement de temps. Mais j'étais tombé sous le charme ...

J'étais tombé amoureux de cette beauté qu'était Irène, de sa douceur et de sa joie. J'avais rien calculé. Et je me répétais tout le temps ; Vas y igo, barre-toi maintenant, c'est bon. Ça va tout niquer. Sauf que chaque jour, Irène me surprenait encore plus et je m'étais surpris à faire des plans : on l'annoncerait à Ken, puis la maison, ensuite je lui demanderais de m'épouser, et on finirait avec de la marmaille qui court partout. 

- Tu me dégoutes, me cracha Ken, t'approches plus de ma mif. T'es mort pour moi. 

M'allumant un splif, je secouais la tête, faisant semblant que ça me touchait pas mais je crois que c'était les mots les plus dur qu'il pouvait m'adresser. J'avais les mains qui tremblaient et j'étais dans un mélange de rage et de tristesse. J'ignora Irène qui m'appelait et je grimpais dans le bus, récupérant rapidement mes affaires. Sans un regard pour le groupe qui n'avait pas bougé, je m'éloigna et une fois devant le mur, qui nous planquait, je poussa un cri de rage qui me brisa les cordes vocales et le sanglot m'échappa alors que je cherchais mon portable. Faisant ce qui me paraissait le plus intelligent, je tapa un numéro que je connaissais par coeur. 

- Frère, murmurais-je à l'autre personne 

Et je me laissais envahir par le chagrin. Parce qu'en l'espace de quelques secondes, je venais de presque tout perdre. Ma petite déesse, mes reufs et mon bébé. Et que j'avais beau être un homme qui montrait peu ses émotions, ça faisait un mal de chien. 



05:11


Fin d'après-minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant