In lucido

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Ploc...Ploc...Plic... La pluie tombée la nuit dernière continue à goutter sur le bord de ma fenêtre, le soleil pointe le bout de son nez et j'inspire un bon coup avant de me diriger vers la cuisine pour prendre un petit déjeuner consistant. Cela fait deux longs mois que la bataille s'est terminée et deux mois que j'attends impatiemment que mes blessures se remettent. Je commence mon nouvel entraînement dès aujourd'hui, sous la surveillance de Béatrice et de Céleste, dans le cas où ma plaie déciderait de se rouvrir. Il était hors de question pour moi d'abandonner, durant cette longue période de repos j'ai nourri une haine sans pareille envers ces démons qui pourrissent la vie aux humains. Les Ombres continuent à proliférer et elles sont, selon les informations largement diffusées par l'armée de lutte, de plus en plus nombreuses et de plus en plus actives. Je ne saurai dire si c'est vrai mais en tout cas j'ai toujours autant envie d'en découdre avec ces horreurs. Une chose est sure parmi les informations de l'armée : elles sont de plus en plus actives. Il y à environ une petite semaine, une gamine d'une dizaine d'années accompagnée par son frère aîné ont été retrouvés lacérés dans la forêt, ce n'est en soit pas quelque chose de nouveau, la forêt qui entoure Learis regorge de zones où le soleil ne pénètre pas les feuillages et donc où il fait suffisamment sombre pour leur permettre de « vivre ». Le gros problème c'est qu'une part de luminosité est pourtant toujours présente dans cette forêt, les Ombres ne sont pas censées pouvoir agir aussi violemment. Certains ont pensé à une attaque d'animal sauvage mais les marques laissées par l'agresseur sont trop significatives : les plaies sont noires et la chair tout autour était gelée. Seules les Ombres sont capable d'infliger de telles blessures, j'en ai fais les frais il y à deux mois, selon Céleste elle dit que c'est un miracle que l'effet du froid ne m'ait pas plus affectée que ça. En effet, outre le froid mordant de la lame qui a ouvert cette brèche dans mon abdomen, je n'ai eu aucune séquelle due au froid. Je m'avance dans la cuisine, Niv est par terre, endormi sur le tapis du petit salon, sous la table basse, lorsque je passe devant lui il lève son museau et je le gratifie d'une grattouille sous le menton. Le petit déjeuner est déjà sur la table, selon le mot posé à côté du plateau, Céleste est partie acheter quelques bricoles en ville et les deux autres sont en train de mettre en place les derniers préparatifs de l'entraînement. J'ai un petit sourire un coin quand je vois que cette fois j'ai le droit à une marmelade d'orange préparée par Béatrice hier. J'engloutis non sans plaisir intense mes deux tartines et partage la troisième avec Niv qui s'est approché de la table pour avoir sa part comme chaque matin. Il semble apprécier tout particulièrement la marmelade, curieux j'aurais jamais pensé ça d'un loup. En même temps ce sont des créatures bien méconnues, étranges, mystérieuses et tout autant fascinantes. J'ai faillit le perdre lors du combat il y à deux mois et lorsque Céleste m'a annoncé qu'elle n'était pas sure qu'il survive à la nuit qui à suivit son soin, c'est ce qui m'a permit de me rendre compte qu'il y avait quelque chose chez lui que je ne retrouverai jamais chez personne : la compassion, la vraie, au sens littéral. Lors de notre rencontre, j'ai vu quelque chose dans son regard, comme si il souffrait avec moi et ça s'est concrétisé durant les deux mois suivants. De nombreux cauchemars m'ont assaillie sans relâche, chaque nuit, mais une nuit, Niveis qui n'était pas tout à fait guéri est venu se poser sur mon lit et s'est blottit contre moi. Je continuais à faire des cauchemars terrifiants mais désormais, j'étais toujours accompagnée d'un loup au pelage blanc comme neige et aux yeux gris pleins d'émotions. Au réveil il semble ressentir les mêmes émotions que moi, dans nos regards se mêlent tristesse, peur, angoisse... comme s'il vivait les rêves avec moi, comme si il était vraiment avec moi, dans ma tête. Nous finissons notre tartine et après m'être habillée et m'être fais une unique tresse, comme le faisait ma mère quand j'étais petite, une seule tresse qui descend sur mon épaule, plus adaptée à l'exercice physique. Lorsque j'ouvre la porte, Niv se glisse dehors et court comme un fou, se roulant parmi les feuilles humides qui lui collent au poil, ce qui ne peut m'empêcher de rire. Ammon et Béatrice reviennent des profondeurs de la forêt, ils ont dû terminer de tout préparer et moi je suis prête. Béatrice accoure vers moi et se jette à mon coup. 

« Eliiiiiiie !! on à cru que tu ne te lèverais jamais, tu étais tellement éreintée hier soir.

-Oui je suis content de voir que tu as repris des couleurs, (Ammon me tapote l'épaule) nous nous demandions s'il ne valait pas mieux annuler cette première séance et la reporter à plus tard. 

-Ne vous inquiétez pas Ammon j'ai repris des forces et je suis plus que déterminée à devenir plus forte qu'il y a deux mois. 

-Elie, nous en avons déjà discuté, cette Ombre que tu as combattue était d'une puissance qui dépassait toutes celles que nous avions répertoriées jusqu'ici, elles sont plus que rarissimes.

-Oui mais si j'en croise une autre je veux être sure qu'elle ne blessera personne.

-Je vois... inutile d'essayer de te raisonner, puisque telle est ta motivation nous ferons avec. » Elle à beau être unique ou faire part d'une minuscule minorité, d'autres sont peut-être en train de commettre d'autres meurtres alors hors de question de les laisser gambader à leur guise. Ammon m'appelle et nous nous engageons dans les profondeurs de cette forêt aux arbres immenses. Nous arrivons dans une clairière, elle ressemble énormément à celle dans laquelle j'ai reçu mon coup d'épée, à quelques détails près, la clairière est délimitée par des pierres aux formes diverses, formant une sorte de cercle autour de la clairière. Une arène me, dis-je ou un ring.

« Nous allons commencer Elie, je vais te demander d'enlever tout objet de tes poches, toute nourriture ou arme différente de ta propre lame. » M'aurait-il vu chiper une tranche de pain tout à l'heure ? Quoi qu'il en soit je la lance à Niv et dépose le couteau ténébreux sur une pierre à côté de Béatrice qui somnole adossée à un arbre. Ammon à dû la faire lever tôt ce matin, ses cernes lui tombent jusqu'aux joues. Je commence à appréhender ce qui m'attend mais après une profond inspiration, je suis de nouveau calme et entre sur le ring. Ammon, placé sur un arbre en hauteur pour observer la scène, chose qui ne cessera de m'étonner, lance :

« Très bien, lors du combat que tu as mené, tu as frôlé plusieurs fois la mort, ce qui n'est pas peu dire.  Seulement, t'entraîner en te faisant simplement combattre n'aurait pas des effets assez conséquents pour te permettre d'atteindre ton objectif. Tu dois dépasser tes limites, et aller encore plus loin là où personne n'a encore été. Il va te falloir atteindre le In Lucido pour combattre ces créatures toute seule, un état de conscience au delà de la réalité consciente, tu vas devoir pousser ton corps a bout, autant mentalement que physiquement. Aucun être humain n'en à été capable jusque là mais nous avons conscience de son existence. Alors tu as le choix, tu peux tenter le coup et augmenter tes chances de devenir celle que tu souhaite être ou bien t'entraîner normalement.

-Je crois que la réponse nous la connaissons tous ici ! » La voie facile ne me dit rien, juste s'entraîner comme je l'ai fait jusqu'ici n'a pas suffit alors il faut plus.

« Comme tu voudras, cependant je dois t'avertir sur un point : les seuls êtres humains qui on effleuré cet état sont tous devenus fous et une fois le processus enclenché, tu sera la seule à pouvoir t'en sortir. 

-C'est décidé, je vais entrer de le In lucido et je m'en sortirai !

-J'aime ta combativité, te voilà prévenue, aucun retour en arrière possible lorsque tu auras commencé. 

-Compris!

-Alors dirige toi vers le centre de la clairière, un récipient t'y attend, tu dois en boire le contenu en intégralité et là débutera ton entraînement. 

-Pas d'indications supplémentaire ?

-Si bien sûr. Ce que tu va ingérer va te faire ressentir ce que peu on pu ressentir, tu ne pourras plus sortir de cette clairière tant que tu n'auras pas terminé et enfin nous resterons là tout le temps que durera ton combat.

-Mon combat ? Contre qui ?

-Contre toi même. » Sans en demander plus, car je sais qu'aucune réponse ne me sera fournie, je m'assied au centre de la clairière. Un petit bol en terre est posé sur la souche d'arbre qui pointe le centre de la zone, le contenu est indescriptible, entre le liquide et le gazeux, de couleur grise. J'en avale le contenu d'une traite et le sens couler lentement dans ma gorge puis c'est comme si quelque chose se diffusait dans mes veines, ni chaud ni froid juste une sensation étrange. 

Hurlg... je vomis sans que je puisse avoir le temps de réagir et des douleurs de plus en plus insupportables apparaissent partout sur ma peau, dans mes muscles, dans mes os. Je vomis une deuxième fois, ce qui me permet de voir que ce que j'essuie avec ma main n'est pas mon petit déjeuner mais mon propre sang.

Le Troisième SoupirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant