La Bibliothèque

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Soixante-douze heures que je suis internée au sanctuaire central, soixante-douze heures que je suis sous sédatifs et nourrie en intra-veinneuse. Mon cauchemar touche à sa fin et je ne peux que m'en réjouir, cela fait autant de temps que je hurlais comme une folle, je me débattais, blessais les Sœurs qui avaient pour rôle de me soigner. Selon les bribes de conversations qui sont parvenue clairement à mon esprit, l'étrange mixture que j'ai ingérée à détraqué mon système immunitaire ainsi que les connexions nerveuses, créant des « court-circuits » dans mes terminaisons nerveuses. Ammon à été arrêté pour avoir préparé de l'omnis dolor, un mélange de plantes apparemment interdit car réputé pour avoir causé la mort d'une ville entière trois cents ans après la catastrophe qui à diminué considérablement le nombre d'humains sur Terre. Cela fait maintenant plus de deux-cent-cinquante ans que sa préparation à été interdite mais Ammon à tout de même pris ce risque pour moi. Je suis partagée entre mes sentiments, d'un côté je me dis qu'il à fait ça pour moi, parce que je lui avais demandé mais en même temps je lui en veux de ne pas m'avoir prévenue des conséquences de l'absorption de cette préparation. J'espère seulement qu'il écopera sa peine paisiblement et qu'il reviendra vite, mon entraînement dépend de lui et de lui seul. Pour le moment je dois me remettre du choc psychologique que je viens de subir, en temps normal des années de psychothérapie ne suffiraient pas mais les Soeurs font des merveilles avec les plantes du Paradisum, seule une angoisse légère continue de me suivre, comme une peur de retomber dans la folie. Cependant quelque chose à changé en moi, une étincelle s'est allumée, une nouvelle lueur, un nouvel espoir. Je n'ai qu'une envie : me battre contre ce gouvernement, rongé jusqu'à la moelle, sans honneur, détruire les Relictas, terroristes sans aucune dignité ainsi que d'éradiquer toutes les Ombres jusqu'à la dernière. C'est une envie de rétablir un équilibre dans ce monde précaire qui m'anime en ce moment, refaçonner l'humanité comme elle aurait du l'être après le Troisième Soupir. Malheureusement pour le moment je suis coincée dans ma chambre, à observer les oiseaux sur l'arbre qui a poussé jusqu'à ma fenêtre, la même fenêtre qu'il y a deux ans lorsque j'ai perdu le contrôle dans cette ruelle. Cette fois la neige tombe doucement dehors, il faisait déjà froid le jour où j'ai ingéré l'omnis dolor mais l'hiver s'est installé rapidement et une fine couche blanche recouvre le bord de la croisée.

« Mademoiselle est réveillée ?

-Oui. (je suis tirée de mes pensées) merci pour vos soins.

-Mais non enfin, c'est notre travail ( le sourire aux lèvre la Soeur, guère plus âgée que Béatrice s'approche de mon lit avec une tasse fumante). Du chocolat chaud. » dit-elle avant de poser la tasse sur la table de chevet. Ma boisson chaude favorite en hiver, comme beaucoup de monde, je l'aime surtout avec....

« Avec de la guimauve ?

-Oui mademoiselle, beaucoup. ( son sourire est décidément très réconfortant )

-Merci beaucoup » Je ne me perd pas dans plus de formules de politesses et m'empresse de prendre la tasse pour la porter à mes lèvres. L'odeur du chocolat noir fondu dans le lait, la guimauve qui flotte à sa surface, quel bonheur. Nous discutons un moment avec elle, son nom est Aléna, elle semble cependant avoir eu une vie plus tranquille que Béatrice, elle sourit constamment et rit de bon cœur alors que nous nous connaissons à peine. Au bout d'une bonne heure à converser de tout et n'importe quoi, on toque à la porte, on gratte même.

« Ah oui bien sur ça doit être vos visiteurs.

-Mes visiteurs ? » Je me doutais que Béatrice viendrai mais je croyais qu'Ammon avait été emprisonné à Infami. La porte s'ouvre et comme de véritables fusées Béatrice et Niveis se ruent vers moi, une bise par là, une léchouille par ci, le rendez vous est aux larmes de joie. Ils ont attendu dans une auberge de la ville durant tout le temps de ma guérison, Béatrice à des cernes encore plus marquées et Niv semble épuisé. N'ont ils pas dormi pendant tout ce temps ?

« Si ne t'inquiète pas pour nous Elie, nous avons dormi au maximum, n'est-ce pas Niv? » me répond Béatrice en caressant Niv derrière les oreilles, il dandine sa tête de droite à gauche, comme si montrait sa satisfaction.

« -Contente de savoir que vous vous entendez bien tout les deux.

-Oui, Il m'a tenu compagnie toute la nuit, il était si agressif avec les autres clients que nous sommes restés dans notre chambre pendant tout le temps. » ils sont si mignons tout les deux, Niv ne me lâchait jamais et se montrait toujours menaçant avec les autres et Béatrice avait si peur de lui, je me demande bien ce qui à provoqué cet élan de confiance entre eux. Quoi qu'il en soit je suis rassurée qu'ils aillent bien et que je ne m'en sois pas prise à leur intégrité physique durant ma phase de folie.

J'apprends que le Sanctuaire central possède une bibliothèque immense composée de nombreuses informations sur la botanique, sur le monde animal, mais aussi sur l'histoire du monde. J'ai besoin de connaître, de comprendre ce qu'il s'est passé. Ma soignante déclare officiellement que je suis apte à sortir dans le Sanctuaire et me signe une autorisation d'accès à la bibliothèque, je laisse mon lit à Béatrice qui s'y endort instantanément et me dirige avec Niv vers la magnifique porte rouge, faite de bois et de métal qui marque la sortie de la zone médicalisée. Mon fauteuil que j'ai laissé à Ordinis me manque, je me retrouve avec un siège roulant classique de je dois pousser et diriger avec mes mains. Niv me quitte quelques secondes et revient avec une petite cordelette. « Où as tu chipé ça ? Petite canaille va » Tout fier de lui, je lui attache la cordelette en harnais et attache l'autre extrémité à mes jambes et nous voilà filants dans les couloirs du Sanctuaire, sous le regard amusé des Soeurs et des patients. Nous traversons le magnifique jardin blanchi par la neige et parvenons à l'immense tour de la bibliothèque. Je négocie l'entrée de mon loup puis nous pénétrons dans le silence presque religieux de ce lieux magique. Les livres sont rangés sur les murs, jusqu'au plafond de la tour, on se croirais dans un phare, mais beaucoup plus élaboré dans son architecture, plus large aussi. Les rayons montent en spirale le long des murs, exhibant de nombreux ouvrages de tous âges, toutes tailles et couleurs. La tour est séparée par des paliers, chacun destiné à un sujet majeur. Chaque étage est fait d'un disque de parquet entouré d'une barrière de métal et comme un aiguillage, des sortes de ponts relient un autre parquet de l'étage, qui épouse les rayonnages cette fois ci. L'organisation est simple, on monte à l'étage qui nous concerne, on choisi nos ouvrages puis on rejoint le centre sur lequel sont disposées des tables avec un encrier et une plume. Je demande silencieusement au bibliothécaire l'étage sur l'histoire du monde et il m'indique le dernier étage. Je dois me forcer à laisser mon fauteuil en bas. Les escaliers montent en spirales autour des zones de travail, un pour monter l'autre pour descendre, ce sont des escaliers à vis j'en ai déjà vu étant petite. Arrivée en haut je suis essoufflée et ma tête me tourne mais je parviens a reprendre mes esprits puis me dirige vers les rayons à la recherche d'aucun livre en particulier, seulement un qui m'éclairera sur cette histoire de Troisième Soupir. Après de longues minutes à parcourir les rayons, je tombe sur celui qui remplira peut-être son rôle. Sur la couverture de cuir vieilli, on peut lire en lettres noires : Notre monde, se relever après la catastrophe, témoignages.

Le Troisième SoupirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant