Quatre ans plus tôt
Le vent soufflait par-dessus l'herbe grasse du début de printemps. Balayant les contrées sauvages d'Avalon, dénuées de traces humaines, il faisait doucement onduler les crins des chevaux et portait les cris des oiseaux jusqu'aux bêtes des forêts. Ces terres giboyeuses, soumises aux pluies diluviennes et aux brumes impénétrables au petit matin, étaient les siennes depuis toujours : il en connaissait chaque recoin, en appréciait chaque facette. Les dieux avaient béni ce territoire, le rendant fertile et vivant : il demeurait sous sa protection, et s'il l'avait quitté autrefois, il reviendrait toujours chez lui, sachant qu'il existait dans l'immense monde un endroit hospitalier où il pourrait se reposer.
Tandis que, fièrement, il admirait le paysage, le cœur humble et léger, derrière lui, ses compagnons préféraient à la quiétude du voyage le plaisir des vives discussions.
- Alors, j'ai souri à la fille, elle était sûre que je la choisirais... Puis je me suis tourné vers l'autre et je lui ai dit : « Salut, ma jolie » !
Les guerriers éclatèrent de rire comme leur compère imitait l'expression de la pauvre demoiselle dont il se moquait. L'un des chevaux, effrayé par ses piaillements ridicules, fit une embardée qui manqua de justesse de désarçonner son cavalier. Les rires redoublèrent d'intensité et l'homme de tête, à l'écart de cette camaraderie, esquissa pour lui-même un léger sourire.
En d'autres circonstances, il aurait houspillé ses hommes pour qu'ils restent vigilants, mais à présent, pourquoi les empêcher de s'amuser ? Trevena n'était qu'à quelques lieues et ils avaient accompli leur mission. Ils revenaient au bercail, après des semaines de batailles acharnées livrées loin de leurs terres. Chacun d'eux avait de la famille ou des amis à revoir, dont ils n'avaient pas reçu de nouvelles des semaines durant. L'impatience et la joie se faisaient de plus en plus ressentir au fur et à mesure qu'ils s'approchaient de la cité principale d'Avalon.
De plus, le ravissement de la victoire continuait à leur faire tourner la tête. Bien qu'officiellement, ils se soient rendus dans l'est pour contrecarrer les offensives germaines, la vérité était toute autre. Ce n'était que quatre mois plus tôt qu'ils avaient appris la menace qui se préparait là-bas.
Des villages mis à feu et à sang, des villes entières massacrées sans but apparent autre que le goût de la violence, des champs agricoles ravagés par des torrents de glace, tout ceci était un signe clair et net que les banshees revenaient en force. Plus inquiétant encore, elles semblaient converger vers Avalon, lentement mais sûrement, en semant dans leur sillage des cadavres égorgés et des ruines calcinées. Il régnait sur la vallée d'Avalon et était par conséquent chargé de la protéger. Il en assumait la responsabilité, et même s'il était heureux d'avoir repoussé les banshees à la côte est, il redoutait d'avoir à les affronter à nouveau, potentiellement, cette fois sur son propre territoire.
Il chassa rapidement ces pensées de son esprit : ces événements reposaient sur des probabilités trop hasardeuses pour qu'il se perde en conjectures. Les batailles étaient temporairement terminées ; temporairement, car les banshees reviendraient, tôt ou tard. Pour le moment, la route était belle et le temps clément, et il n'y avait pas le moindre nuage à l'horizon. Tout se profilait à merveilles et il ne laisserait rien entacher sa tranquillité.
- Sire, tu devrais apprendre à ton frère le respect et la loyauté ! plaisanta l'un de ses compagnons, le visage barré d'une grimace mi-amusée, mi-consternée. On ne jette pas une fille pour courir dans les bras d'une autre !
Arthur se retourna sur sa selle et balaya rapidement du regard son frère, toujours occupé à faire rire de ses pitreries ses compagnons de voyage. Key Pendragon, tout comme lui, avait des cheveux blonds comme les blés qui ondoyaient entre les ravins d'Avalon, et quelques épis de barbe qui commençaient à lui couvrir le menton. Son regard vif et espiègle croisa celui de son aîné et il lui adressa un clin d'œil taquin. Arthur leva les yeux au ciel, habitué à ce comportement immature.
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Le Cercle de la Table Ronde : Le serment de Key
Paranormal𝕋𝕠𝕞𝕖 𝟙 Pays de Galles, VIe siècle. Le Cercle de la Table Ronde, confrérie secrète dissimulée au cœur de la vallée d'Avalon, dans le château de Camelot, réunit dix valeureux guerriers alliés face au danger qui menace le pays : les banshees. ...