Cauchemars (Maniak)

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Le protéiforme Maniak nous avait déjà copieusement régalés avec ses illustrations issues de son cerveau malade, voilà qu’il prend la plume une nouvelle fois (après son glacial précédent opus La condition inhumaine) pour nous livrer une petite perle claustrophobique et enlevée.

Cauchemars (Maniak)

Un bruit mou retentit dans le noir. Dehors, la lumière verte d’une enseigne au néon baigne les murs de la chambre, et vient ramper jusque sur les draps humides. Les jambes entortillées dans les draps et la peau luisante de sueur, l’homme se redresse dans la pâle lueur. Tout autour de lui, l’obscurité. Seule sa respiration haletante vient troubler le silence. Ses yeux scrutent la nuit. L’oreille aux aguets, il tente de percevoir à nouveau le bruit qui l’a réveillé. Rien ne se passe. L’homme se recouche. Il se retourne dans le lit, ce qui a pour effet d’emprisonner un peu plus ses jambes, bouge encore un peu, puis se rendort.

Nouveau bruit. Un claquement mou. Comme si un gros morceau de viande heurtait une surface dure après une longue chute.

L’homme se réveille à nouveau en sursaut. Cette fois il est bel et bien éveillé. Il se débat un instant pour libérer ses jambes, puis pose ses pieds nus sur le sol. Mal assuré, il se lève et regarde autour de lui. La pièce ne lui est pas familière. Ses contours, noyés dans l’obscurité, le désorientent. Il envoie sa main à la recherche du mur et d’un interrupteur, mais ne rencontre que du vide. Il fait alors un pas maladroit sur le côté, puis un autre, jusqu’à ce qu’enfin sa main rencontre le mur. Ses doigts heurtent la surface rugueuse d’un mur de briques. Où est passé son papier peint lisse et régulier ? Quelle est cette chambre ? Où est-il ? Il ne peut répondre.

Le bruit recommence soudain, plus fort, suivi d’autres bruits similaires.

À force de tâtonnements l’homme parvient à trouver la poignée d’une porte.

Derrière la porte, un couloir, plongé dans la même obscurité moite et verdâtre que la chambre. Sur le mur, un interrupteur.

L’ampoule nue éclabousse les murs de sa lumière crue. L’homme plisse les yeux et grimace. Il attend que les taches lumineuses cessent de danser devant ses paupières.

Torse nu, l’homme se trouve dans un couloir plutôt dégueulasse. Il ne sait pas où il est, comment il est arrivé ici, ni même qui il est vraiment en fait. Mais ses sens sont encore trop émoussés par le sommeil pour prendre en compte la situation dans son ensemble. Tout ce qui importe, c’est identifier et faire cesser le bruit pour pouvoir dormir à nouveau.

« Dormir à nouveau », les mots sonnent comme une promesse dans l’esprit de l’homme, et il sourit à cette idée.

Mais les bruits repartent de plus belle et son visage se renfrogne.

Cela semble venir de la porte à sa droite.

L’homme colle son oreille contre le bois. Le bruit lui parvient, plus fort. Plus écœurant aussi. C’est un bruit presque organique, un bruit d’animal nu qui se cogne. L’homme n’aime pas ce bruit.

Il ouvre la porte, tâtonne le mur, trouve l’interrupteur et allume. La lumière envahit la pièce, c’est une salle de bain. Le long d’un mur, un évier et des toilettes en piteux état font face à une grande baignoire. Au fond, deux grosses lampes en fonte témoignent du luxe passé qui animait le lieu. À présent elles ne dispensent plus qu’une lumière chiche et hésitante. Le carrelage, vert et blanc, est émaillé, et par endroit des plaques entières manquent. L’évier est couvert de rouille et de calcaire. Et le miroir, flou et trompeur, renvoie à l’homme le reflet maigre et blême d’une créature incertaine.

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