3/ Enfant enragé

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Après l'épisode de notre rencontre, Elle et moi ne nous sommes pas revus pendant des semaines et des semaines. Moi, je m'étais gonflé d'orgueil et, du coup, je frappais de plus en plus mes camarades de jeu. Pas que mes camarades d'ailleurs. Je venais d'apprendre que la violence permettait d'imposer la peur et d'attirer l'attention. Donc tous ceux de ma génération ou celle juste au dessus y passaient. Tout était prétexte à mettre des coups.

Ainsi donc, les quelques-uns qui n'étaient pas encore partis finirent par me craindre à leur tour et par me fuir comme la peste. J'étais en train de me perdre dans quelque chose sans même m'en rendre compte. Et ce quelque chose s'appelle le vide.

En parallèle, un peu avant que je ne devienne le chat noir de tout Kotel, mes 'amis' m'avaient appris le prénom de ta mère ; Larwa...

Elle était, elle aussi, une étrangère et n'était pas née au village. J'avais entendu qu'elle avait été adoptée par feu Alexander, un noble maraîcher. Du coup, elle répondait au nom de Larwa Alexandersson.
Elle s'était même permise de ramener une fillette des rues avec elle. Une fillette ? Que dis-je... Un bébé ! De deux ans qui n'avait pas non plus de nom, ni même de prénom et qui avait été abandoné en pleine rue. Elle lui choisit donc elle-même son nom et elle l'appela Mawra... Ta tante... C'est bien ta mère qui a choisi le prénom de ta tante et qui a fait d'elle ; Mawra Alexandersson.

En tant qu'enfant, c'est facile de faire le bien et de partager. Mais avec le recul, aucun d'entre nous ne se rendait compte que Larwa venait de sauver une vie pour la toute première fois.

À cinq ans et en pleine innocence...

Car pour elle, elle s'était juste trouvée une petite sœur avec qui jouer à la maison. Elle l'avait choisie comme on aurait pu choisir un jouet et elle a ainsi transformé la vie de Mawra...

Cette nouvelle avait fini de me faire la détester. En vérité, j'étais écœuré et jaloux qu'elle se soit trouvée un véritable foyer alors que moi je continuais de trimer. Elle avait même un nom de famille.
Le pire, c'est que j'entendais dans la rue qu'elle était la seule à ne pas me craindre et même à se dresser contre moi.

Tu vas rire, mais elle incitait autrui à venir jouer avec elle plutôt qu'avec moi. Ça me rendait fou, car c'était comme si la raclée que je lui avait mise ne servait à rien. Elle continuait de se faire des amis et ceux-ci semblaient être vrais avec elle. C'était quelque chose que je n'avais pas et qui m'a fait expérimenter le sentiment de la jalousie et de l'envie pour la première fois.

Mon cerveau de minable de l'époque ne cessait de se tordre dans tous les sens ; Comment une grosse boule comme elle, à moitié homme, pouvait-elle réussir mieux que moi dans la vie ? Alors que nous avions eu le même départ chaotique. Et en même temps, mon côté misogyne m'interdisait de jalouser une fille. Alors je lui trouvais tous les défauts possibles.

J'ai ensuite fait d'elle ma priorité et à chaque fois que j'arpentais les rues, c'était pour la chercher et la frapper de toutes mes forces. Je ne supportais pas le fait qu'elle soit meilleure que moi... Tout simplement.

Je ne supportais pas qu'elle soit meilleure alors que la vie s'était montrée si injuste avec moi.
Qu'elle soit meilleure que moi alors que je l'avais tabassée quelques semaines auparavant.

Oui...

Je ne supportais pas que ma technique pour être au centre de l'attention fonctionne avec tout le monde, sauf avec elle.

Un jour, Alexander m'a attrapé pour m'ordonner d'arrêter de la menacer et de la traquer. Il m'avait fait peur et ses mots avaient été si durs qu'ils me touchèrent en plein coeur. Mais au lieu de m'en servir pour grandir, je me suis encore plus renfermé dans la rage et le mépris. Pour moi, il était clair que j'allais détester Larwa jusqu'à la fin de mes jours. J'allais peut-être même la tuer...

Mais le destin en a voulu autrement et le remède pour me libérer de ma haine s'avéra bien plus compliqué que prévu.

Effectivement, environ un an plus tard, un homme est arrivé dans le village. C'était un homme issu d'une famille de lanniste très puissante et riche.

Si tu te demande, les lannistes sont des gérants de ludus et ils ont des gladiateurs qui se battent pour eux. À l'époque, ce genre de spectacle était considéré comme un sport et le publique en raffolait.

Il fut le tout premier choc de ma vie. Il arriva comme un nouveau souffle dans le village. Il offrit de l'emploi et de la sécurité aux habitants. Il s'appelait Arminius.

Il apparut comme un homme de solution... Un brillant leader sur qui on pouvait compter.

Il s'était donné un but à atteindre et avait comme objectif de nettoyer la ville de sa 'pègre'. Alors qu'en vérité, il était la signification même du mot pègre.

Bref, tu t'imagines bien que cet objectif passait par le nettoyage des rues et par la délocalisation de ceux qui les occupaient...

Comme plein d'autres j'ai été retiré des rues à l'âge de sept ans.

C'est ainsi que j'ai commencé une nouvelle vie. Une expérience qui allait me marquer à jamais.

Saga: Larwa AlexanderssonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant