Saga: Larwa Alexandersson

7/ Le roi Cerf

Quelques jours plus tard, après ma rencontre avec Roderic, lui et Celestina étaient partis pour un aller-retour de deux ou trois journées. Ils devaient se rendre dans la cité voisine afin de récupérer les outils nécessaires au transport des corps des ancêtres de Roderic.

Mon espoir était parti à ce moment précis. Car après mon aveu à Roderic, j'imaginais que les Rodestina allaient mettre Arminius hors d'état de nuire. Je craignais que celui-ci ne finisse par être au courant d'une façon ou d'une autre de la discussion que j'avais eue avec Le Marcheur.

Néanmoins, la seule chose dont j'étais vraiment sûr, c'était que les Rodestina avaient approché Larwa. Avant qu'ils ne partent, ils étaient devenus proches avec Alexander et les deux sœurs jouaient bien avec Alaric. Encore une fois, Larwa se plaisait à l'appeler 'petit frère'.
Du coup, lorsque la petite famille est partie... Je me disais que je n'étais plus en sécurité. Même si Roderic avait, certes, rallumé ma flamme quasi éteinte.

J'ai ensuite fait en sorte de me faire oublier par le Maître. Mon quotidien était celui d'un esclave qui était forcé à nettoyer et qui attendait en se faisant maltraiter.

Puis un jour, alors que je demeurais en train de jeter les toilettes du chef dans la nature, je fus interpellé lorsque je ressentis les prémices d'un tremblement de terre. Je compris très vite de quoi il s'agissait, quand je distinguai un important cortège en train d'aller en direction de Kotel.

Les montures étaient des cerfs alors il était facile de deviner l'identité de la personne qui demeurait sur son trône de bois porté et entouré d'une escorte menaçante.

L'homme sur le trône de bois était jeune. Une fin de vingtaine, environ. Cheveux châtains, yeux marron clair et allure soigneuse. C'était le roi Olivier Dubois. Plus souvent appelé le Roi Cerf.

La petite famille de Roderic demeurait juste devant le trône-porté. Ils étaient assis sur un hippomobile tiré par deux chevaux. Ils conversaient ensemble, d'un air totalement innocent.

La délégation me fit froid dans le dos et je fus pris d'un vent de panique en la voyant. Roderic était carrément parti chercher le roi Cerf...
Ils seraient au village dans moins d'une heure au vu du rythme avec lequel ils avançaient.
J'ai alors couru d'une traite jusqu'au village, et me suis caché vers l'entrée. Je savais que ça allait très certainement chauffer. Mais une question me triturait l'esprit;

Roderic était-il parti chercher le roi à cause de mes dires ou bien était-ce déjà prévu ?

Tandis que je me questionnais encore et encore, la délégation du roi Cerf finit par faire son arrivée à Kotel.
Arminius avait été mis au courant de la venue de la délégation grâce à ses sentinelles aux abords du village. Il avait alors ordonné à ses hommes de former une sorte de haie d'honneur, pour laisser passer Dubois et le mener jusqu'à la place centrale de la cité.
La population s'était elle aussi aglutinée à la vue du rassemblement des gardes.
Dubois et les Rodestina pénétrèrent donc dans la ville, comme en terrain conquit, puis avancèrent jusqu'à la place où les y attendait Arminius. Là-bas, la foule était présente et le jeune Alaric fut invité à rejoindre la famille de Larwa qui avait elle aussi fait le déplacement.

Arminius, quant à lui, était fébrile et semblait être très stressé de la situation. À peine les Rodestina s'arrêtèrent sur la place qu'il les interpella directement :

- Après vous avoir accueillis dans ma cité, voici que vous amenez le roi de la forêt avec vous ?

- Tu ne t'adresses pas à eux, Arminius marchand d'hiver... Tu me regardes moi. Ton roi... C'est à moi que tu dois des comptes...

- Et lui devoir des comptes, c'est devoir des comptes à Barbe-blanche, rétorqua fermement Celestina en descendant de son hippomobile. Le roi du Nord... Et devoir des comptes à Barbe-blanche, c'est nous devoir des comptes à nous, ainsi qu'à tout le triumvirat. Je te conseille de ne plus jamais me parler sur ce ton, Arminius !!!

- Pardonne la véhémence de la Femme à l'arc... Mais entends ses paroles, on ne peut plus juste, reprit Dubois. Mon ami Le Marcheur, ici présent, m'a affirmé que tu maintenais une domination illégale sur ce village qui appartient à mon royaume. Et que tu perpétrais la traite d'esclave et de produits euphorisants...

- Je n'ai jamais été coupable de ce dont on m'accuse. Ma seule faute, c'est d'avoir voulu créer un lien d'amitié avec des individus dont la bonne réputation n'était plus à faire !!!

- Si je peux me permettre, j'aimerais intervenir, majesté, déclara Roderic.

- Bien évidemment, Marcheur.

- Arminius, tu me connais de réputation. Alors, je m'appuie sur celle-ci pour te demander de ne pas t'enfermer dans le mensonge et le déni. Ton arrestation n'en sera que moins douloureuse et humiliante... Ainsi, en ma qualité d'homme véridique je te demande de cesser ta stratégie qui est de me faire passer pour un menteur.

- ... Je... Je refuse d'être accusé publiquement de la sorte !!! Pour un crime que je n'ai pas commis !!!

- Alors peut-être seras-tu plus enclin à la véracité si nous continuions cette conversation en privé ?

- ...

- Bien, je prends ton silence pour oui... Majesté, que dites-vous ? En tant qu'homme, je pense qu'il a tout de même le droit de ne pas subir d'humiliations publiques ou de sévices avilissants.

- Sauf que je ne suis pas aussi doux que toi, Le Marcheur. Je suis venu pour rétablir l'ordre et laver mon honneur de roi... En appliquant une justice impitoyable et faisant preuve d'une autorité des plus fermes !