Fuis-moi, je te suis ... | Carmuel

2 - L'annonce

Enfin dans mon lit, je repasse en boucle cette soirée dans ma tête. Je suis tellement en colère contre Valério de m'avoir prise par surprise comme il l'a fait. Pour lui tout ça n'était qu'un jeu, et ça le faisait kiffer de nous voir tous réunis.

Moi, rien que le fait de les avoir revus m'a donné la nausée car les images étaient encore toute fraîche dans mon esprit. Comment ne pas revoir Lucrecia cette fameuse soirée dans sa robe rose ? En voyant son visage dans le couloir c'est la première image d'elle qui m'est revenue, et pourtant j'aime Lu de tout mon coeur, cela fait des années qu'on se connaît mais c'est plus fort que moi. D'ailleurs cela m'a surprise de voir qu'ils étaient tous réunis comme si rien ne c'était passé.

J'ai été tout de même contente d'avoir pu discuter avec Ander qui m'avait un peu manqué, mais ce n'était pas comparable avec la tornade qui m'avait emportée en voyant Samuel, qui plus est avec cette fille là : qu'est-ce qu'elle a contre moi encore? Je ne suis pas venu ici pour me battre, c'est fini tout cela maintenant. Je suis épuisée et je n'ai vraiment pas la tête pour des enfantillages.

Cependant, ce qui m'a glacé le sang par-dessus tout : revoir Manu, le cousin de Polo. J'avais oublié à quel point il avait les mêmes yeux bleus perçants. Lucrecia m'a expliqué durant la soirée qu'ils étaient tous les quatre nouveaux à Las Encinas. Elle n'a pas mentionné que c'est le cousin de Polo et je n'ai pas voulu mentionner ce détail car j'avais peur des conséquences que pouvaient avoir mes paroles.

Manu a passé la soirée à m'observer, mais sans jamais venir me parler. Pourtant, nous nous connaissons depuis toujours, nous avons toujours passé nos vacances ensemble. Je voulais lui présenter toutes mes condoléances pour la mort tragique de Polo, mais je n'ai pas eu le courage de l'affronter. Premièrement car j'étais trop impliquée dans cette histoire et deuxièmement car j'avais peur de sa réaction. Depuis que j'ai quitté Madrid je n'ai aucune idée de ce qu'il s'est passé ici. Je n'ai jamais reparlé aux mères de Polo, encore moins à mes parents ni à personne d'autre d'ailleurs. La police ne m'avait jamais recontacté après l'interrogatoire au teatro Barcelo.

Pourtant, au fonds de moi je n'ai jamais réussi à tourner la page. Je suis rongée par la culpabilité de la mort de Marina, de celle de Polo, mais aussi de l'accident de Christian et de tous les évènements qui se sont passé à Las Encinas ses dernières années. Cela me ronge lentement de l'intérieur, car je n'ai jamais voulu faire de mal à personne, j'aimais Polo et je voulais simplement le protéger. Il n'y a pas une seconde de ma vie où je ne regrette pas ce qui s'est passé.

Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit, en plus du décalage horaire, de vieux cauchemar qui semblait m'avoir quitté son réapparut. J'ai revécu la mort de Polo, observant son corps allongé par terre, alors que Manu était à côté de moi, me jugeant et m'observant pour ce que j'avais fait. Il était à côté de l'inspectrice pendant l'interrogatoire, me forçant lui mentir dans les yeux, à mentir à ses mères qui ne pourraient jamais faire le deuil de leur fils en sachant la vérité.

Alors que le soleil se lève, il est clair que je ne vais pas rester une journée de plus ici, encore moins maintenant que tout le monde sait que je suis rentrée. Je veux me concentrer sur mon objectif.

Je referme rapidement ma valise en finissant de me préparer car je dois passer récupérer les clés de la villa que j'ai louée pour mon séjour à Madrid avant d'aller au rendez-vous avec Valerio dans quelques heures. Il est le seul avec qui j'ai gardé contact depuis mon départ de Madrid. C'était pour le bien des caves, alors quand Valério m'a demandé, il y a déjà plusieurs semaines, de revenir à Madrid car il avait des choses importantes à voir avec moi et que cela ne pouvait pas se faire à distance, je n'ai pas eu le choix de prendre un billet d'avion direction Madrid.