Chapitre 10

269 21 16
                                    

PDV Katsuki

Je prend le visage de Double Face en coupe et essuie les larmes sur ses joues avec mes pouces. Il se laisse faire, les yeux fermés. Les rougeurs que j'avais réussi à effacer réapparaissent.

Je ne sais toujours pas quoi faire ou dire.

Todoroki non plus ne dit rien. Il ouvre les paupières et on se regarde. Personne ne parle.

Finalement, quand il sourit un peu et presse sa joue contre ma main, les battements de coeur triple de vitesse.

Par réflexe, je retire brusquement mes mains et détourne le regard. Double Face semble pris de court par ces mouvements soudains puisqu'il sursaute.

Il se recule et baisse la tête. Je ne vois pas ses yeux, cachés derrière ses mèches rouges et blanches.

-M-merci, balbutie-t-il. Et désolé.

Je me mords la lèvre inférieur.

-Oï, ce n'est rien. Ça fait du bien de pleurer. Ça aide à évacuer toutes les émotions négatives qui sont embouteillées à l'intérieur.

Je fronce les sourcils en entendant mes paroles. Est-ce vraiment moi qui ai dit ça?

L'instant semble interminable jusqu'à ce que Double Face se lève.

-Tu vas où? je demande.

-Prendre un mouchoir.

Il prend un kleenex et se mouche. Je le regarde en silence.

Puis mon regard dérive sur la chambre. Je ne l'ai jamais vraiment vu ou pris le temps de l'examiner, alors j'en profite un peu. Le style est carrément différent des autres chambres. Plus traditionnel, on dirait presqu'il a carrément changé les murs. Il y a des tatamis au sol, un futon comme lit, et même un plant de bambou dans un coin... Ça a dû prendre du temps avant de pouvoir décorer (ou plutôt construire) tout ça.

Il revient s'asseoir sur le lit, en tailleur.

-Tu veux en parler?

Todoroki ne fait que secouer doucement la tête à la négative. Quand je peux revoir son visage, je remarque que l'expression triste d'il y a à peine deux minutes s'est métamorphosé en son expression habituelle. Celle neutre qui ne laisse transparaître aucune émotion, ou presque.

Je continue d'analyser sa chambre, comme il n'y a rien d'autre à faire.

-Pourquoi moi? laissé-je échapper d'une voix un peu irritée.

Je me retourne pour le regarder, les sourcils froncés. Double semble surpris par la question car il baisse les yeux. Il réfléchit, j'imagine.

-Je ne sais pas, finit-il par dire. Au début, je ne voulais voir personne. Mais... mais quand j'ai compris que tu étais là, mon corps a bougé avant même que je ne le réalise. Je suis... désolé de t'avoir dérangé.

-Arrête de t'excuser, c'est déjà assez chiant d'avoir Deku à supporter à longueur de journée, grogné-je pour dissimuler mon embarras.

... C'est moi qu'il voulait. Moi. Et pas Deku, ni Tête d'oeuf, ni Quatre yeux. Mais je me fais sûrement des idées. Il avait juste besoin d'une épaule sur laquelle pleurer, c'est tout.

Malgré tout... malgré tout, je sens mon coeur se réchauffer et une lueur d'espoir briller au loin. Sous l'impulsion du moment, je m'approche de Todoroki, qui ne bouge pas, me fixant indifféremment, et l'espace d'un moment, je ne contrôle plus mes gestes.

C'est comme si mon corps n'est plus sous l'emprise de mon cerveau, qui est perdu dans un brouillard épais. Lentement, je ferme les yeux et pose mes lèvres contre celles de Double Face. Ce dernier fige. Je profite du moment...

Et une douche froide s'abat sur moi. Je me recule brusquement. Double Face me toise avec des yeux remplis d'incertitude et de surprise, mais ça ne doit être rien comparé au mien, qui sont complètement affolés et terrorisés.

Merde.

Avant que Todoroki ne réagisse, je me précipite hors de la chambre, une main sur la bouche.

Merde.

Je dévale les escaliers à toute vitesse.

Merde.

Je sors du dortoir, ignorant Deku qui, en me voyant arrivé, s'est levé, probablement pour avoir des nouvelles.

Merde!

Dehors, à une bonne distance du bâtiment, je m'arrête pour reprendre mon souffle.

Merde, merde, merde! Qu'est-ce qui m'a pris, putain! Un jour je lui dis d'oublier les dernières paroles que je lui avait adressé le soir où il est mort, et l'instant d'après, je le console et je l'embrasse! Je ne lui ai même pas demandé la permission.

Soudainement, un bruit de branches et de feuilles me surprend. Je me redresse. J'ai justement le temps de d'apercevoir une silhouette se déplacer avec agilité d'arbre en arbre qu'elle disparait à l'horizon.

Une branche cassée se fait ensuite entendre dans mon dos. Je me retourne, prêt à crier sur peu importe qui ou quoi me dérange, mais seuls des sons rauques et incompréhensibles sortent de ma bouche.

-Kacchan... prononce avec inquiétude Deku.

Il s'avance vers moi et je n'ai pas la force de m'éloigner ou l'envoyer voir ailleurs.

-Est-ce que ça va?

-Est-ce que ça à l'air de bien aller? je lui crie pratiquement dessus en le fusillant du regard.

-Ah, ouais, non. Ça ne va pas, couine le nerd avec un mouvement de recul. Tu... veux m'en parler?

Sa voix hésitante me fait soupirer. Le silence qui suit donne le message à Izuku, qui laisse échapper un petit «ah». Je me met dos à lui. Je n'ai pas envie qu'il me voit. Pas comme ça.

Ces derniers mois, je n'ai pas cessé de lui montrer mon côté faible, celui qui aurait dû être caché au plus profond de moi. Il m'a assez regardé de haut pour toute une vie. S'il croit que je vais lui permettre de me dédaigner une nouvelle fois, il se trompe.

Je serre les poings en déglutissant. Deku n'a pas bougé, préférant garder ses distances pour ne pas péter ma bulle (ou par prudence parce qu'il sait que je pourrais me défouler sans pitié sur lui à n'importe quel moment). Pourquoi je lui en parlerais, de toute façon, hein? Ce ne sont aucunement de ses affaires. Je ne suis pas si faible que j'ai bes-

-Je l'ai embrassé. Je n'ai pas pu me contrôler et je l'ai embrassé. Je... je... qu'est-ce que je fais maintenant?!

Ma voix se brise au dernier mot et je tourne vers Deku un regard effrayé. Les trucs qui ont rapports à l'amour et à toute cette merde ne sont pas du tout mon point fort, et ça se voit facilement.

-O-oh... Kacchan... murmure le nerd en s'approchant. C'est correct, ok? Tu iras t'excuser demain. Ça ne va pas être facile, mais je vais t'accompagner, d'accord?

Un rire amer sort de ma bouche.

-Ouais, ouais, m'excuser. C'est sûr que ça va tout arranger, dis-je avec sarcasme.

Deku, les lèvres pincés, baisse les yeux.

-Désol-

-Oh, puis tiens. La chieuse du cimetière a fait tomber ça.

Je sors le stylo, demeuré dans la poche de mon pantalon, content d'enfin changer de sujet. Les peines de coeurs, se sera pour une autre fois. Ou, je l'espère, jamais.

MISSION imPOSSIBLE || 𝑡𝑜𝑑𝑜𝑏𝑎𝑘𝑢 [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant