En se couchant ce soir-là, Denis était plus nerveux que jamais. Allait-il se rappeler de ce rêve? Qu'allait-il voir encore? Il n'avait pas envie de voir encore des gens mourir. Il commençait à en avoir assez. Comment allait-il s'habituer à cela? Est-ce que Ryan allait vraiment voir les mêmes choses que lui? Et en quoi cela pourrait-il l'aider?
Finalement, malgré l'anxiété, Denis finit par relaxer et par s'assoupir. Curieusement, la présence de Ryan et d'Anaïs, à ses côtés, le bruit de leur respiration lente, achevèrent de l'apaiser et de le mener vers le sommeil.
Quand Denis ouvrit les yeux à nouveau, il était dans un salon qu'il n'avait jamais vu auparavant. L'endroit n'était pas dégoûtant, mais Denis devina tout de suite qu'il n'était pas dans un coin des plus luxueux de la ville. Devant lui, un homme dans la quarantaine, à l'allure sale et débraillée, vêtu d'un caleçon et d'une camisole tachée, sirotait une bouteille de bière, assis sur le canapé, tout en regardant la télévision. À ses côtés, sur une petite table à café d'un autre âge, une boule de verre était remplie de bouchons de bière. Comme d'habitude, le tout se passait dans le silence le plus complet.
Bon, ça y était, la scène était prête, ça allait commencer.
Au même moment, l'homme tourna la tête subitement, comme s'il venait d'entendre un bruit. Il se leva du divan et se dirigea dans le couloir du logement jusqu'à l'interphone près de la porte. Après avoir échangé quelques mots, l'individu ouvrit la porte à un homme, lui aussi d'une quarantaine d'années, qu'il fit entrer. Le nouvel individu était habillé d'un manteau de cuir, avait des cheveux noirs lissés de gel, une mâchoire très large et carrée, recouverte d'une barbe de quelques jours. Il avait une allure plutôt louche.
C'est au même moment que Denis, en tournant la tête, s'aperçut que Ryan étaient à ses côtés. Il sursauta. Non seulement Ryan parvenait à voir ce qu'il voyait, mais il était même présent à ses côtés! Denis était stupéfait. Décidément, Ryan avait des capacités extraordinaires!
― C'est la victime, selon toi? demanda Ryan en examinant l'homme vêtu en culottes et en camisole sale.
Denis resta bouche bée une seconde fois. Comment pouvait-il entendre Ryan alors que tout, autour de lui, n'était que silence? Était-ce parce qu'il ne pouvait entendre que ce qui se passait en phase astrale lorsqu'il avait une vision?
― Oui, c'est lui, répondit Denis.
― Comment peux-tu en être sûr?
― Je ne sais pas. Une intuition... et je ne me suis jamais trompé.
Denis s'arrêta et renifla l'air. Du moins, c'est ce qu'il lui semblait. Était-ce un air « astral » qu'il respirait? Y avait-il d'autres gaz que l'oxygène dans la phase astrale? Était-ce son imagination, ou la façon dont son esprit interprétait les stimuli dans cet état? Tout ce qu'il savait, ce que la fameuse odeur, toujours aussi fidèle, venait d'apparaître. Cette fois, c'était un curieux mélange de lilas, de réglisse et d'oignon.
Denis et Ryan observèrent les deux individus qui étaient maintenant retournés dans le salon. Le premier se dirigea vers un coffre en bois simple, qui semblait presque trouvé dans une poubelle, et commença à fouiller à l'intérieur. Après quelques secondes, l'homme au manteau de cuir sortit un objet long et métallique de ce dernier.
Denis retint son souffle et serra les poings. Cette fois, ça y était. Il eut envie de tourner la tête, fermer les yeux, mais résista à la tentation. Anaïs lui avait déjà dit que pour survivre à ces visions sans perdre la raison, il devait se désenbiliser, se créer une carapace. Et pour cela, il devait faire face à ces horreurs.
L'homme au manteau asséna soudain un coup de barre de fer à l'autre, toujours penché au-dessus de son coffre. Des gouttes de sang furent projetées sur le mur. L'homme continua de frapper sur la tête de la victime, maintenant étendue par terre, attaquée sans s'être doutée de rien, sans avoir même eu la chance de se défendre. Denis ne sut pas combien de fois l'homme au manteau (qu'il soupçonnait être de la pègre) frappa l'autre à la tête, mais il lui sembla que c'était une éternité. Il avait des haut-le-cœur et regardait à peine. Il vit que Ryan, tout aussi dégoûté, ne regardait, lui aussi, que du coin de l'œil.
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La Société des voyants, Tome 1: L'odeur de la nuit
ParanormalDenis Bergevin a toujours été différent des autres et il le sait. Caché au plus profond de son être, il conserve un secret qu'il n'a jamais révélé à personne : depuis sa plus tendre enfance, Denis a des visions. Et pas n'importe lesquelles, car ses...