Chapitre 4, partie 1

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Chapitre 4

Octobre 2005

― Pfff... quel temps de merde, hein ? soupira Régine en regardant le ciel gris. Je crois bien que c'est la première journée où il ne pleut pas depuis presque une semaine.

Denis jeta à son tour un œil aux nuages qui recouvraient le ciel. L'automne avait été vraiment morne, cette année. Presque tous les jours de septembre avaient été nuageux. Et octobre n'était guère mieux. La plupart du temps, la météo annonçait pluie, nuage ou brouillard. Un temps parfait pour déprimer. Un temps qui allait bien avec son état d'esprit.

En fin de compte, Denis s'était assez bien tiré de sa mésaventure. Pas de commotion cérébrale, pas de dommage permanent aux oreilles ni au cerveau. D'autres avaient été moins chanceux. En effet, on comptait trois morts et la police, qui soupçonnait la mafia, faisait enquête.

Dès qu'elle avait prévenue, Lise, sa mère, était descendue à Montréal pour s'occuper de son fils unique. Paniquée à l'idée de savoir son enfant chéri sans surveillance et laissé à lui-même – elle aimait bien Julien, mais ne lui faisait aucunement confiance pour s'occuper de Denis – elle était restée près d'une semaine, lui prodiguant mille et un soins, le chouchoutant au maximum.

Il était vrai qu'elle le voyait si peu et que depuis l'adolescence de Denis, leur relation s'était quelque peu étiolée et ne s'en tenait pratiquement qu'au strict minimum. Ce n'était pas que Denis n'aimât pas sa mère. Seulement, il l'aimait surtout à petites doses. Enfin, pour une fois, il avait vraiment apprécié sa présence. Être gâté par quelqu'un avait quelque chose d'agréable et il y avait si longtemps que personne ne s'était réellement soucié de lui.

Mais le vague sentiment de bien-être qu'il avait ressenti suite au passage de sa mère n'avait pas duré.

Trois jours plus tôt, Denis avait vu un chauffeur de taxi être poignardé dans un de ses rêves. Il n'avait même pas osé regarder dans les journaux pour voir si c'était réel ou pas. Il en avait juste marre.

À Chibougameau, la journée était également nuageuse avec de la bruine et il ne faisait que trois degrés. Lise, sa mère, n'avait cessé de se plaindre de ses rhumatismes au téléphone lorsqu'il lui avait parlé le matin.

Denis suivait depuis quelque temps les aléas de la météo qui s'avérait désastreuse, cette année. En ce moment même, l'ouragan Wilma, devenu catégorie 4 la veille, frappait la péninsule du Yucatán, au Mexique. Denis se demandait si les pays du sud allaient avoir la paix.

Denis avait finalement appelé Régine et accepté son invitation pour aller rencontrer ce « groupe de gens spéciaux », comme elle les appelait. Et aujourd'hui, en ce samedi 22 octobre, peu après l'heure du midi, ils étaient en route pour la réunion. À en croire la description que Régine lui donnait, Denis avait l'impression d'aller dans un groupe de AA.

―Tu vas voir, ce sont des personnes avec qui l'on partage notre expérience, nos problèmes et nos questionnements. Les autres sont là pour t'aider, pas te contrôler ou t'imposer quoi que ce soit, disait Régine.

Denis se demandait s'il n'allait pas se retrouver dans un gymnase, sur une estrade, à se présenter par son prénom pour avouer à un groupe de bizarroïdes qu'il avait des problèmes comme les font des toxicomanes. Il se jura que si c'était le cas, il ne pourrait s'empêcher d'éclater de rire devant le ridicule de la scène.

Mais quand il avait appris que la rencontre avait lieu à Victoriaville, à plus de deux heures trente de chez lui et que c'était Régine qui allait l'amener avec elle en voiture, il avait failli changer d'avis. Il n'aimait pas l'idée d'être si loin de chez lui, et de dépendre de quelqu'un de cette manière. Il avait l'impression d'être à sa merci. Mais avait décidé qu'il n'avait rien à perdre. Il avait quand même averti Julien qu'il partait pour la fin de semaine et que s'il n'était pas de retour dimanche soir, qu'il avait officiellement la permission de s'inquiéter.

La Société des voyants, Tome 1: L'odeur de la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant