La Société des voyants, Tome 1: L'odeur de la nuit

Chapitre 9, partie 3

Tel qu'il l'avait dit, Denis avait fait parvenir une copie de l'annonce à Anaïs qui lui avait confirmé que ce graphique étrange était bel et bien religieux. Un symbole associé à la religion chrétienne, plus précisément. Elle n'arrivait pas à se rappeler avec exactitude ce qu'il représentait, mais elle allait trouver. Le deuxième dessin, avec une bête au tronc d'homme, à la queue de serpent, avec une paire d'ailes et des mains se terminant par des serpents, lui était vaguement familier, mais sans plus. Mais elle était certaine qu'il s'agissait d'un symbole antique. Ne restait plus qu'à savoir lequel.

***

Fin décembre, les examens étaient enfin terminés. Denis profitait des vacances de Noël pour retourner à Chibougamau, voir sa mère. Sans oublier ses grandes copines Florrie Moses, et Miyako Aso. Maintenant qu'il connaissait la présence des esprits et que le surnaturel était entré dans son univers, il ne voyait plus leurs élucubrations du même œil. Cela lui paraissait même très probable.

Denis aimait bien retourner à Chibougamau pendant les vacances. Laisser la grande ville de côté, s'abreuver un peu d'air frais, prendre une dose de nature. Il appréciait, pour quelques temps, de simplement relaxer dans la maison de son enfance, en grignotant, regardant la télé ou en faisant des promenades le soir, avec Lise.

Il était heureux de quitter Montréal et son rythme effréné pour retrouver la ville de sa jeunesse, entourée de collines recouvertes de bois. Revoir les motoneiges se promener sur la 3e rue complètement enneigée, les levers de soleil froids au-dessus des épinettes noires, et même le Centre d'intérêt minier lui avait procuré le plus grand bien. Il en avait aussi profité pour se promener en voiture sur la route 167, vers l'hôpital, s'arrêtant même en chemin sur le quai du Lac Gilman, couvert de glace et de neige, espérant revoir peut-être la femme mystérieuse du soir de sa naissance.

Denis avait décidé d'utiliser son temps libre à faire des recherches de son côté sur le mystérieux dessin. Il avait beau se dire qu'Anaïs trouverait sans doute la réponse plus vite que lui, il était incapable de rester les bras croisés à se poser des questions.

Il s'était donc rendu à la bibliothèque municipale de Chibougamau, afin d'aller chercher des livres divers sur la religion. Sa récolte fut plutôt maigre, les choix n'abondaient pas tellement dans cet endroit. Il avait quand même réussit à mettre la main sur des volumes intéressants. Il en avait aussi profité pour se procurer une biographie sur Howard Hughes, sur lequel il désirait en savoir plus. Il se dit qu'il irait fouiner sur internet plus tard.

― Depuis quand tu lis des ouvrages ésotériques, toi? demanda soudain Lise, en le voyant parcourir un livre sur la Bible, assis sur le divan du salon.

― Ho... heu... j'étais juste curieux, répondit-il, en tentant de prendre un air nonchalant. Ça fait changement des livres sur l'électronique. Toi et tes amis, vous m'avez souvent parlé de spiritualité, mais je voulais juste me renseigner par moi-même. Par curiosité.

― He ben, on aura tout vu! lança Lise en riant. Mon fils en train de lire un livre sur la Bible. Tu pouvais bien rire de nos histoires d'anges et d'esprits des neiges, toi! Attends que je conte ça à Florrie et Miyako, elles vont tomber en bas de leur chaise! ajouta-t-elle en quittant la pièce.

Denis sentit la situation lui échapper. Il n'avait pas envie que tout le monde sache ça! Il aurait préféré que sa mère non plus ne remarque pas. Il ne voulait pas qu'on lui pose des questions à ce sujet. Il lui aurait fallu mentir et cacher la vérité, et c'était déjà bien assez dur.

― Heu, maman! Ça te dérangerait de tenir ça mort, un peu?

― Pourquoi?

― Je ne veux pas que tu en fasses tout en plat et tes amies non plus. Je ne me convertis pas à la méditation transcendantale, je suis juste curieux.

― Bon, comme tu voudras, répondit Lise en faisant mine de s'éloigner de nouveau.

Denis la regarda tourner le dos, hésita un moment.

― Heu... maman, attend! se ravisa Denis.

― Qu'est-ce qu'il y a?

― Bien, je sais que ça va te sembler bizarre, mais j'aimerais savoir... tu m'avais déjà dit qu'à la fin de ta grossesse, tu faisais souvent des cauchemars, pas vrai?

― Oui, pourquoi veux-tu savoir cela?

― Heu... c'est juste que j'en ai eu récemment et... ça me faisait penser un peu à ce que tu m'avais conté à propos des tiens. Qu'est-ce que c'était, ces cauchemars?

Lise revint sur ses pas, soupira en s'appuyant le bas du dos contre un meuble, et croisa les bras.

― Bon, d'accord, dit-elle, mais tu vas certainement me trouver folle.

― Je suis sûr que non, dit Denis avec un sourire qu'il voulait encourageant.

― Je n'ai jamais dit ça en détails à personne avant, mais figure-toi que quelques jours avant ta naissance, j'ai rêvé que le vieux Jos, le sans-abri du quartier, était mort en tentant de se réchauffer avec un vieux poêle à bois dans un bâtiment désaffecté. C'était en décembre et il faisait très froid dehors. Le poêle à bois avait explosé et ça l'avait tué. Bien imagine-toi que donc que le lendemain, on apprenait qu'il était mort... exactement comme dans mon rêve! Comme si c'était un songe prémonitoire!

― Non! Sans blague! s'écria Denis, en feignant la surprise.

― Si, je te le jure! Allez, ris de moi avec mes élucubrations, si tu veux, ça ne me dérange pas, dit-elle en s'apprêtant à sortir.

― Tu veux que je te dise, maman? Je te crois et je ne pense pas que ce soit drôle.

Lise haussa les sourcils. C'était bien la première fois que son fils ne se moquait pas de ses histoires vaguement ésotériques.

― Est-ce que tu as eu d'autres rêves du genre après? demanda-t-il.

― Non, plus jamais. La seule autre manifestation bizarre, c'est cette femme blanche que j'ai vue à la pleine lune, quand tu es né. Après mon accouchement, c'était fini. Alors? Est-ce que ça ressemblait à ça, tes cauchemars?

― Un peu, oui. Dans le même genre.

― He bien, peut-être que tu as hérité ça de moi, alors.

― Ça m'étonnerait. Mais merci quand même, maman.