Chapitre 7, partie 2

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― Tu as vu la vidéo que Scott nous a envoyée? demanda-t-elle après les salutations d'usage.

― Oui, j'ai vu.

― Intéressant, non?

― Effectivement. J'ai hâte d'entendre ce que Jeffrey aura à dire sur le sujet.

― Ne quitte pas, je l'appelle à l'instant.

Anaïs appuya sur un bouton du téléphone et composa le numéro de Jeffrey Moore, un autre membre, influent et très impliqué dans les affaires de la Société, pour le mettre en appel conférence. Né en Louisiane au début des années soixante-dix, en pleine révolution hippie, vivant dans une famille d'Afro-américains pauvre, Jeffrey avait réussi, grâce à son don, à percer dans le domaine des affaires en ouvrant son café alors qu'il sortait à peine du secondaire.

Un local acheté à prix d'aubaine grâce à un hasard surprenant, un prêt de la banque obtenu dans des conditions étonnamment généreuses, un flair hors du commun pour les décisions stratégiques, tout était allé vite et facilement. Dix ans plus tard, alors que les affaires continuaient de prospérer, il avait laissé tranquillement les rennes des affaires à son conjoint, maintenant son époux depuis peu.

Avec le temps, Jeffrey s'était fatigué de servir des capuccino et des biscottis aux clients. Bien qu'il apprécia les gens, il avait besoin d'un travail plus exigeant et gratifiant intellectuellement. Membre de la Société des voyants depuis déjà longtemps, il avait décidé de s'y impliquer davantage. Mais il n'était pas question pour lui d'abandonner la business, celle-ci lui ayant permis de sortir de la misère et de faire vivre décemment ses parents qui, depuis près de quarante ans, continuaient quand même de s'échiner dans les usines pétrochimiques d'Exxon Mobil, l'une des entreprises principales de la ville.

Il passait donc une partie de son temps à faire la navette entre Bâton Rouge et Washington, où se trouvait le siège social de la Société. Jeffrey s'occupait de faire du recrutement et de découvrir de nouveaux talents. Il se chargeait de les dénicher, de les étudier, de les tester, et de faciliter leur entrée dans la Société en s'assurant qu'ils ne manquaient de rien. Les hauts membres de la Société avaient une confiance quasi-absolue en Jeffrey. Ils faisaient confiance en son jugement et son intelligence.

Qui plus est, Jeffrey avait la capacité de connaître une multitude de détails sur une personne au premier regard. Il n'avait qu'à regarder une personne dans les yeux et pouvait savoir si elle aimait son café aromatisé aux noisettes, si elle appréciait les financiers aux amandes avec son café, si elle avait tendance à laisser des gros pourboires ou pas. D'où son grand succès en affaires.

Mais il pouvait faire bien plus. Il pouvait détecter si une personne avait un don ou pas, si c'était une personne timorée ou fonceuse, si elle avait des problèmes psychologiques et parfois, si elle avait des petits secrets qu'elle désirait garder cachés. Bien sûr, il ne pouvait tout apprendre d'une personne au premier coup d'œil. Mais il pouvait en savoir beaucoup. En quand il avait examiné quelqu'un assez longtemps, il était capable de le retrouver et de suivre sa trace presque n'importe où. Son talent avait aussi été utile à la police et au gouvernement plus d'une fois. Il avait donc pris une place très importante au sein de la Société où son travail était colossal.

Trois mois plus tôt, l'ouragan Katrina ayant dévasté la Louisiane, et surtout la ville de la Nouvelle Orléans, Jeffrey avait été rappelé chez lui pour plusieurs semaines, pour participer aux efforts afin de fournir un refuge aux rescapés de la ville dévastée par les inondations. Il avait participé à des opérations de sauvetage où son don s'était encore une fois avéré utile et, malgré les coupures d'électricité, il avait hébergé des membres de sa famille, forcés de quitter leur logis. Il venait tout juste de retrouver son horaire de travail normal.

La Société des voyants, Tome 1: L'odeur de la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant