15.

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Tristan se réveille le premier le lendemain matin, toujours blotti dans les bras de Martin qui dort profondément. Il remarque avec un sourire qu'ils ne se sont même pas glissés à l'intérieur de leurs duvets, mais le corps du blond collé contre lui suffit à le réchauffer.

Les évènements de la veille lui reviennent en mémoire et il tremble en repensant à leur baiser. Si hier matin on lui avait dit que Martin l'embrasserait, il aurait pensé à une mauvaise blague. Et pourtant... Il peut encore sentir ses lèvres bougeant sur les siennes, son corps se pressant contre le sien, sa main agrippant ses cheveux. Et son haleine empreinte d'alcool.

Un doute traverse l'esprit de Tristan, car il était clair qu'hier Martin n'était pas sobre. Il ne sait pas combien de verres il a bu précisément, mais il se souvient très bien d'un concours de shots. Mais il n'a pas le temps de s'inquiéter car contre lui Martin commence à remuer. Sa respiration se fait plus rapide, ses mains se serrent autour de sa taille, et il finit par ouvrir les yeux péniblement.

Tristan lui adresse un sourire timide, incertain de la manière dont il doit se comporter après ce qu'ils ont partagé la veille.

Martin émerge de son sommeil avec difficulté et scrute Tristan quelques instants, les sourcils froncés. Lorsque la mémoire lui revient, il écarquille grand les yeux. Tristan sent son cœur se briser en voyant le blond s'écarter de lui honteusement, une expression de regret envahissant son visage.

Il se relève et passe sa main dans ses cheveux, mal à l'aise. Il se tourne vers Tristan comme pour lui dire quelque chose mais secoue sa tête et se ravise. Il passe à nouveau sa main dans ses cheveux.

Tristan est incapable de bouger, incapable de parler. Les secondes s'écoulent, et l'atmosphère s'alourdit. Martin finit par se racler la gorge avant de prendre la parole d'une voix rocailleuse.

- On va aller prendre le petit-déjeuner, si tu veux. »

Tristan ravale un ricanement. C'est comme ça qu'il veut se la jouer ? Faire comme si rien ne s'était passé ? Ne même pas en parler ? Pas d'excuses, pas d'explications ? Tristan se lève à son tour, et sort de la tente sans un regard pour Martin.

Il se dirige d'un pas assuré vers la maison et entre dans la cuisine où est déjà réunie une bonne dizaine de personnes. Il ignore tout le monde, attrape les premières choses qu'il voit – un pain au chocolat et une compote à boire – avant de ressortir dans le jardin. Il peut sentir le regard de Martin sur lui, mais il lui est impossible de rester à côté de lui maintenant et il va s'asseoir tout seul sur le muret.

Il n'est pas assis depuis une minute qu'il entend la voix d'Emma dans son dos, beaucoup trop joyeuse et réveillée pour cette heure matinale.

- Coucou Tristan ! Ça va ? Tu veux du café ? »

- Non c'est bon » répond-t-il, un peu plus brusquement que ce qu'il voulait. Ce n'est pas contre elle, mais il veut juste rester seul et ne penser à rien.

- Mal dormi ? » dit-t-elle, amusée.

- Martin fait la même tête que toi, qu'est-ce qu'il s'est passé ? » demande Simon d'un ton plus sérieux en s'approchant lui aussi.

Tristan laisse échapper un petit rire et lâche avec amertume :

- Il m'a embrassé. » En face de lui, Simon et Emma esquissent un grand sourire, qu'ils perdent très vite quand Tristan ajoute : « Et ce matin, il était clairement mal à l'aise et il a fait comme s'il ne s'était rien passé. »

- Quel con » souffle Simon.

Emma se tourne aussitôt vers ce dernier pour lui demander :

- Qu'est-ce qu'il t'a dit hier soir ? »

Mais Simon s'est déjà retourné et se dirige d'un pas ferme vers la maison. Tristan, comprenant qu'il a l'intention d'aller parler à Martin, se décompose et tente de le retenir, mais il n'ose pas le suivre quand il rentre à l'intérieur. Il en ressort quelques secondes plus tard, traînant Martin derrière lui. Tristan les regarde se disputer de loin, la honte le consumant. Il n'a pas besoin que Simon prenne sa défense, ce n'est pas à lui d'essayer d'arranger les choses. Il voit Martin parler avec de grands gestes, et Simon lève les yeux au ciel à plusieurs reprises.

Tristan ne pensait pas que la situation pouvait devenir pire, mais leurs mines sombres écrasent les derniers espoirs qu'il aurait pu avoir. Il tourne les talons, écœuré, et retourne dans la tente. Il commence à rassembler ses affaires, en tentant de ne pas trop regarder celles de Martin déjà pliées dans un coin.

- T'es prêt ? On va bientôt y aller » lui demande d'ailleurs celui-ci en ouvrant la porte de la tente.

Tristan ne le regarde même pas et continue de faire son sac sans lui accorder une once d'attention.

- On doit ramener une fille chez elle » ajoute Martin. Face au silence de Tristan, il continue : « Elle habite à seulement dix minutes de chez nous. »

Tristan est soulagé. Au moins il ne passera pas tout le trajet seul en sa compagnie. Il hoche la tête vaguement et sort de la tente, toujours sans adresser la parole à Martin. Il va se planter derrière sa voiture et après avoir jeté un rapide regard autour de lui pour vérifier que personne ne le regarde, il se laisse glisser contre le véhicule. Ses genoux s'écrasent contre le sol, l'arrière de sa tête se pose contre le capot froid.

Il a envie de pleurer, mais il se retient.

Après de longues minutes durant lesquelles il reste prostré dans cette position, sans penser à rien, Tristan entend derrière lui des voix s'approcher de la voiture. Il se relève alors, époussette son pantalon et accroche une expression neutre sur son visage. Il n'accorde pas un regard à la fille qui accompagne Martin et va s'asseoir sur le siège passager dès que les portières sont déverrouillées.

Le trajet semble durer une éternité. La fille essaye bien de faire la conversation, mais en vain. Martin semble ailleurs et n'écoute qu'à moitié, s'excusant auprès d'elle en prétextant une gueule de bois. Tristan, quant à lui, ne dit pas un mot et reste fixé sur le paysage défilant à toute vitesse derrière la fenêtre de la voiture.

Lorsqu'enfin Martin s'arrête devant la maison des grands-parents de Tristan, il coupe le moteur avant de se tourner vers lui pour le regarder. Une poignée de secondes s'écoule, avant qu'il ne demande de but en blanc :

- Est-ce que le mec qui te plaisait, c'est moi ? »

Tristan hoche la tête sans pouvoir le regarder dans les yeux. Il attrape son sac et sort de la voiture en prenant bien soin de claquer la portière.

Martin ne cherche pas à le rattraper. Il ne sort pas de sa voiture, il ne court pas sur le chemin, il ne vient pas le prendre dans ses bras pour le réconforter, et Tristan ferme les yeux en l'entendant redémarrer.

Ses jambes le portent toutes seules jusqu'à la maison. Il a l'impression d'être vidé, de ne plus ressentir aucune émotion. Il n'a pas vu ses parents depuis deux semaines, mais il passe devant eux sans leur accorder un regard. Silencieusement, il monte les escaliers et claque la porte de sa chambre. Il jette son sac au sol, se déshabille et va se glisser dans son lit.

Son père vient toquer à sa porte, mais Tristan ne répond pas et s'enfonce rapidement dans le sommeil.

Au beau milieu de nulle part [bxb]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant