Chapitre 1 - Seule

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                        J'étais seule. Seule avec mes pensées. J'étais tellement vulnérable, naïve, innocente... J'y avais cru. J'y avait vraiment cru. Que cette histoire, cette aventure me rendrait heureuse qu'elle ferait ressortir le meilleur de moi-même et que ces gens ne souhaitaient que mon bien. Mais comme je m'étais trompée... Je n'étais rien pour eux sinon un objet utile pour des missions qui, ils le savaient, me détruiraient. Et voilà, ils avaient gagné, j'étais détruite. Mon corps, mon esprit, mon âme détruit par la cruauté des hommes. J'étais ressortie de l'enfer avec des séquelles si profondes qu'elles ne cicatriseraient probablement jamais. Imprimées dans ma chair, dans mon esprit, ces marques me rappelaient sans cesse le goût amer de ma faiblesse.

Le train filait à vive allure dans la nuit sombre. On ne distinguait rien à travers les fenêtres, sinon parfois les phares pâles d'une voiture, qui rappelait que l'humanité existait toujours. J'étais seule dans mon wagon mais je savais que cette solitude ne durerait pas, ils allaient me chercher. Ils allaient me chercher, me trouver et me ramener à l'institut. Mais je n'accepterais pas, je ne reviendrai pas, je ne retravaillerais pas pour eux.

Perdue dans mes pensées je ne sentis même pas le train s'immobiliser. C'est une voix féminine qui me sorti de ma torpeur. « Mesdames, messieurs, le TER 4958 a atteint son terminus. Vous êtes en gare de Strasbourg. Avant de descendre assurez-vous de n'avoir rien oublié dans le train. »

Je pris mon sac puis descendis du train. L'air chaud me surpris. On était en mai et l'été approchait, les températures de saison avaient été largement dépassées. Je marchai le long du quai puis descendit les escaliers pour me retrouver dans le hall central. Il fallait que je trouve un endroit où dormir, mais rappeler les personnes que je connaissais me paraissait compliqué étant donné qu'il aurait fallu que je leur explique ma situation...

Je décidai de me rendre sur une place que je connaissais bien et c'était mon seul but pour l'instant. Il était 2h du matin les rues étaient silencieuses et la chaleur épaisse de la canicule restait accrochée au béton. Je passai à côté d'un bar assez bruyant. Une bande de jeunes complétement bourrés riait devant en se faisant sortir par un homme. Je les entendis m'appeler et m'insulter comme je ne leur répondais pas. Je les dépassai rapidement et arrivai sur la place. Elle était faiblement éclairée par l'électricité et la lumière blafarde de la lune lui donnait un aspect mystérieux et fantomatique. J'avançai doucement, je me sentais bien, je humai l'air tiède et observais les alentours.

Je m'assis sur les bords de la statue immense au centre de la place et sorti le paquet de cigarette de la poche avant de mon sac. Le tabac passa dans mes poumons puis j'expirai la fumée doucement vers le ciel qui semblait emporter mes angoisses. Je restai comme ça pendant au moins un quart d'heure en enchainant les cigarettes qui me faisait un bien fou.

- Salut ma jolie.

Je sursautai et me tournai vers la voix. Un homme de d'une cinquantaine d'années était debout et me reluquai de haut en bas.

- Dégage, répondis-je en me reconcentrant sur ma cigarette

- C'est dangereux de traîner aussi tard dans les rues tu ne crois pas ...  me dit-il avec un sourire en coin en s'approchant de moi.

Son haleine empestait l'alcool. J'avais vraiment envie qu'il parte. Il avait gâché mon très rare moment de liberté. Je commençai à me lever quand soudain il m'attrapa la tête et m'embrassa. Ou plutôt m'enfonça sa langue dans la bouche. Je levai mon genou qui atterri violemment entre ces jambes puis je pivotai sur ma jambe gauche pour lui balancer mon pied dans la gueule. Il s'écrasa sur le sol en hurlant de douleur. Je crachai à côté de moi pour enlever le goût immonde qu'il m'avait laissé puis j'attrapai mon sac et parti sans me presser. Le combat avait duré à peine trois secondes.

Il était déjà trois heures et demi du matin. Je commençai à avoir faim et sommeil. Mais il fallait que je me trouve une quelconque sécurité contre les personnes qui me recherchaient avant de dormir sinon elles viendraient me cueillir simplement et me ramèneraient en enfer.

Je pris mon téléphone pour appeler Monsieur Sitry directeur de mon ancien lycée afin de lui demander de pouvoir réintégrer une classe de terminale en cette fin d'année. Monsieur Sitry m'acceptera surement parce qu'il était au courant de ma situation particulière. Après tout c'était lui qui avait géré tous mes problèmes lors de mon enlèvement au début de l'année au sein même de son école. C'était un ancien membre de la DGSE reconverti et était l'un des seul à savoir ou j'étais partie en novembre dernier.

Mais avant d'appuyer sur appeler je me ravisai parce qu'il était beaucoup trop tôt et en plus je préférai lui expliquer ma situation à l'oral pour éviter une quelconque intrusion dans notre conversation téléphonique.

Mais bon la situation n'avait pas changé. Il était 3h et demi passé. J'avais faim, j'étais fatiguée et je ne pourrai me rendre chez le directeur qu'au petit matin.

Je me retrouvai donc à marcher dans les rues de Strasbourg sans but, sans endroit où dormir. Mes pas me conduisirent sur la place de la cathédrale. Je levai les yeux au ciel pour contempler ce chef d'œuvre des hommes. Mon cœur se serra douloureusement et les larmes me montèrent aux yeux. La dernière fois que je l'avais contemplée je vivais ici, j'étais innocente, heureuse...

Le monument s'élançait vers le ciel comme s'il voulait le toucher et toutes les lumières autour me donner une sensation de vertige. Mes yeux se fermèrent et une larme roula sur ma joue. Je la laissais couler, se frayer un chemin et s'écraser sur le pavé.

J'étais triste. Terriblement et désespérément triste. La colère, la nostalgie, la mélancolie se livrait un combat dans ma poitrine et je ne pouvais rien y faire. Je m'assis face à Notre Dame et sorti une cigarette. Le gout m'écœurait mais c'était le seul moyen de m'évader pour une minute ou deux de mon existence infernale.

Je n'avais plus personne. Je n'avais pas de famille et j'avais grandie en foyer. Mes amis n'en étaient pas ou alors je les avais perdus de vue. J'étais seule.

La princesse du crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant