Chapitre 37 - Libre

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"Don't forget that even Lucifer was once an angel."

- Kaneki Ken -

Le cortège était singulier. Une dizaine de gardes armés jusqu'aux dents entourant une jeune femme menottée. Tous les regards étaient sur moi. J'avançais. Digne. Fière. Malgré moi, un léger sourire était sur mes lèvres. Mes cheveux flottaient derrière moi. Les menottes me sciaient les mains un peu plus à chaque pas.

J'allais être jugée pour des crimes abominables que j'avais effectivement commis. Toute la foule le savait, mes gardes le savait, le juge que j'allais rencontrer dans quelques minutes le savait aussi.

Plus personne ne parlait vraiment. Un silence épais recouvrait la place que je traversais. Les milliers de personnes qui essayait de m'apercevoir ne faisait qu'émettre un bruissement de murmure qui se confondait avec le vent.

J'avais l'impression de traverser un rêve. Les gens disaient me détester mais je savais très bien qu'ils m'admiraient. Enfants, parents, adolescents tous avaient une admiration divine pour moi. J'étais inatteignable, cruelle et si jeune.

J'étais la princesse du crime. Un mythe dont tout le monde avait entendu parler.

On arriva devant l'escalier du palais après une marche qui m'avait paru éternelle.

Je montais doucement savourant chaque pas.

En haut des marches les gardes s'arrêtèrent.

Je me retournais vers la foule.

Je vis tous ces visages retenant leur souffle, me dévisageant. Le silence était assourdissant.

Je parcourais la foule du regard. Je voyais les flashs des journalistes qui prenait la photo qui allait devenir la plus connue de la princesse du crime.

Je vis des gens que j'avais connu. Paolina s'accrochait au bras de son père qui m'avait démasqué il y a bien longtemps. Je repérai Sara, celle qui avait été ma seule amie. Je crois qu'elle pleurait.

Elle était visiblement venue avec beaucoup d'autre personnes de mon ancienne vie.

Je pris une grande inspiration.

Je fis un signe de tête aux gardes et je me retournais, vers mon destin.

Les témoins avaient défilé devant mes yeux pour décrire les horreurs que j'avais faites. Mon avocat se démenait pour tenter de plaider la folie et que j'eusse moins d'années de prison. Mais personne n'était crédule au point de croire que c'était une folle qui était devenue la criminelle la plus puissante du monde.

- Mais pourquoi avoir choisi une telle voie alors qu'une vie facile et heureuse vous attendait ?demanda le juge qui, à mesure que le procès avançait, comprenait de moins en moins mes décisions.

La question me heurta de plein fouet. Je fus déstabilisée malgré mon apparence sereine.

Oui, j'aurais pu avoir une vie merveilleuse.

Mais j'avais choisi de devenir un monstre de cruauté.

J'aurais pu me marier, même avoir des enfants, un bon métier. J'étais devenu la princesse du crime. Après tout Alejandro avait raison : cet univers m'avait fait ressentir des émotions que j'avais eu besoin de ressentir et l'ayant côtoyé je n'avais pas pu m'en détacher. Qui aurait pu croire que lorsque j'étais monté dans cette voiture cet après-midi de terminale ma vie allait être à ce point transformée.

J'avais perdu ma famille puis mes amis et enfin la personne que j'avais le plus aimé dans ce monde. J'avais tué Francesco. Je l'avais tué pour être plus puissante mais ça n'avait fait que détruire le peu d'humanité qu'il me restait.

Après ça plus rien n'aurait pu m'arrêter.

Après ce crime abominable, j'avais dû combler mon cœur d'autres meurtres, pour oublier celui-là. Celui qui avait tué Élise et fait naître la princesse du crime.

Tuer, faire souffrir... me permettait de faire semblant de guérir. Mais Francesco... revenait sans cesse dans ma tête. Il revenait me prouver qu'il ne méritait pas ce qui lui étais arrivé. Je le méritais tellement plus que lui. Il avait été gentil du début à la fin. Il m'avait aidée, soutenue, aimée. Je l'avais trahie et pourtant dans ces yeux, il n'y avait que de la déception lorsqu'il était tombé. Une déception immense.

Je méritais tellement de mourir, de souffrir d'être déçue comme je l'avais fait pour tant d'autre.

Là dans ce tribunal ma vie entière se révélait devant moi avec une clarté effrayante. Toutes mes émotions, mes sentiments se mélangeaient et les souvenirs resurgissaient dans ma tête.

Je pris une profonde inspiration et calma les battements de mon cœur.

- J'ai suivi un instinct inconnu et destructeur, répondis-je sereinement, cet instinct qui est apparu lors d'un simple incident. Celui qui a aspiré une adolescente de dix-sept ans à devenir une criminelle bien trop rapidement, dis-je au juge qui me fixait toujours

- Et me voilà maintenant à assumer des crimes atroces qui ne m'ont arraché aucune larme, dis-je en montrant mes mains menottées, je soupirais puis murmurais plus pour moi-même, et vous êtes tous là à essayer de me comprendre... mais les procès ce n'est qu'une façon d'assimiler l'horreur. 

Avant que quiconque ne réagisse la grande porte s'ouvrît derrière moi avec violence.

Toute la salle se tourna vers le nouveau venu. Je savais déjà qui c'était.

Alejandro.

Je me tournai doucement vers lui. Il était en costume, essoufflé, les habits froissés et les yeux injectés de haine.

Il sorti un pistolet de son dos. Dans la salle les gens se mirent à crier. Je n'entendais rien. Ce n'était que lui et moi.

Il s'avança le pistolet pointé vers moi. Le flux de mes pensées s'était arrêté. Debout, face à lui, je ne ressentais rien. Quand il fut à une dizaine de mètres de moi il s'arrêta, il me visa. Je m'arrêtais de respirer, les battements de mon cœur s'accélèrent.

- Adieu princesse, dit- il en m'observant, en observant la femme qui avait assassiné son père et détruit sa vie. Il appuya sur la détente.

Une intense douleur au ventre me fit m'effondrer sur le parquet du tribunal et je m'entendis crier. Je n'entendais plus rien.

Je vis Alejandro partir en courant vers la porte grande ouverte et disparaître. Je gémis de douleur.

Un dernier murmure m'échappa :

- Francesco... 

J'allais enfin le rejoindre....

Une dernière larme coula et mes yeux se fermèrent.

Mon cœur s'arrêta de battre et un triste sourire étirait mes lèvres. J'étais heureuse.

Je vis mon corps étendu dans le tribunal. Sans vie. Je vis les gens paniqués qui essayaient à tout prix de sortir. Je vis Alejandro essayant de se frayer un chemin à travers la foule. Je vis Paris, la ville lumière, s'obscurcir et disparaître.


FIN

La princesse du crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant