PDV Chris

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« Mourir n’est pas ce qu’il y a de pire. J’aime ma mère, mais après la mort de mon père, elle a fermé son cœur petit à petit. Maintenant, elle n’éprouve rien.
Le cœur doit éprouver. Pour être fort, il doit saigner. On le ferme pour faire cesser la douleur. Alors, le sang à l’intérieur pourrit et se transforme en vase. Et le cœur flétrit, comme une vieille pomme. » Courtney Crumrin tome 4, de Ted Naifeh.

Cette fille va me rendre fou. Littéralement fou. Son regard cuisant de tout à l’heure n’a rien fait pour arranger les choses.

Je voulais l’éviter, l’ignorer, sans forcement la repousser. Elle s’est approchée, s’est brulée les ailes avec ce qu’elle voulait vraiment, et m’a repoussée.

Et je me rends maintenant que ça fait mal. Vraiment mal.

J’étais comme mon frère, avant cette fille. Je n’avais rien contre les histoires d’amour, tant que cela ne me concernait pas. Mes potes qui étaient en fusion constantes avec leurs copines me faisaient rire, sans pour autant me rebuter. Je devais les envier, quelque part.
Mais non, je suivais mon frère dans ses plans, filles d’un soir, au revoir, à la suivante, bonsoir. Ca ne me dérangeait pas plus que ça. J’avais dû avoir une courte histoire « d’amour » au collège.

J’aimais vraiment cette fille. Une certaine Leya. J’étais allé avec elle à toutes les fêtes possibles et imaginables. Je lui avais dévoilée certains de mes secrets. J’étais monté avec elle sur le toit de mon immeuble, alors que je préférais m’y retrouver seul.

Résultat, elle m’avait trompé avec un de mes amis, peu de temps après. Et avait voulu que l’on reste « ami ». Quelle bonne blague.

Second résultat, je n’étais jamais resté plus de deux mois avec une fille. Même si j’avais réellement besoin de quelqu’un.

Avec du recul, Chrys était pire que moi. D’après ce que m’avait raconté Ben, elle ne prenait même pas la peine de sortir avec quelqu’un. D’avoir une relation. Peut-être que c’était aussi la raison de son désir auquel elle ne pouvait résister. Un besoin trop fort, trop intense. Les murs qui l’enferment doivent être détruits, mais elle est son propre geôlier. Je ne peux rien faire. Même pas l’aimer en premier. Quand bien même ce serait le cas. C’est étrangement douloureux, cet amour flou. Est-ce que je peux parler d’amour, à ce stade ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Merci Chryssie.

Je soupire, et prends avec des gestes lents et lourds mon vieux walkman. Je n’ai rien contre les mp3, mais cet objet à une valeur sentimentale. J’y inserts un des CD de Gorillaz que j’ai toujours avec moi. La musique me calme ; je me détends confortablement sur le lit, laissant les paroles langoureuses de Clint Eastwood m’enlacer. Je ferme mes paupières douloureuses et tente de prendre une respiration calme et posée. Il faut que je me persuade d’arrêter de penser à ce qu’elle fait, à ce qu’elle pense, au pourquoi du comment. Je suis là, mais il faut que je me détache. D’elle.

Je soupire. La première chanson se finit. Je me tends soudainement. Cela ne sert à rien. Comme une musique que l’on passe un moment, et qui, lorsqu’elle s’arrête, nous délaisse. Et on se laisse envahir à nouveau. J’éteins mon walkman avant que la chanson suivante n’enchaine. Je passe une main dans mes cheveux qui partent dans tous les sens, pour tenter de les dompter. Au prix de longues minutes de lissage intensif du plat de la main, j’y parviens, et sors de la chambre. Je m’arrête devant celle de Chryssie. La porte est entrebâillée. Elle n’y est pas. Je descends les escaliers, légèrement anxieux. Ma mère est partie se reposer, Rosia est rentrée chez elle.

J’ouvre la baie vitrée à demi pour sortir. Le brouillard s’est dissipé, il n’en reste plus que des fines gouttes sur les brins d’herbe. Bastard joue à courir après une balle qu’il se lance lui-même. Je l’appelle ; il lève vers moi ses yeux rougis et accourt, la langue pendante, en poussant la balle devant lui. Je l’attrape et la soupèse, puis devant son air suppliant, je la lui lance. Elle part jusqu’au bosquet qui délimite le jardin, Bastard courant derrière elle avec des jappements fous. Je souris tristement lorsqu’il revient, essoufflé, pour poser la balle à mes pieds.

Soudain, il tourne la tête, et aboie en l’air, vers la tour où se trouve l’atelier de Chryssie. Une silhouette se dessine à la fenêtre. Elle pose une main sur le carreau bosselé, et son soupir floute le galbe de son corps. Je frissonne, comme si je pouvais la sentir là, tout près. Elle me fixe, les yeux perçants. Sa main se crispe, laissant une trainée humide sur la vitre. Mais elle reste là, à m’observer. A me scruter.

Un spectateur extérieur pourrait surement se demander ce que font là deux idiots, à se regarder, distant l’un de l’autre par de multiples barrières qu’ils se sont imposés seuls, comme des protections qui ne sont au final que des obstacles.

Je me le demande moi aussi. J’aimerais avoir une réponse, d’elle, si possible.

J’hésite, ne sais si je dois monter ou non. Sa tour, c’est son endroit. C’était le lieu hautement interdit.

Ce qui est interdit fait encore plus envie, tout le monde le sait. Et je ne suis pas un si « bon garçon ».

Je me trouve donc maintenant devant la porte en bois sculptée (par elle-même ?),  où des glyphes que je dirais elfiques s’entremêlent.

J’inspire profondément, et pose la main sur la poignée.  

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Voilà la fin de ce court chapitre ^^ Désolé pour la longueur qui laisse à désirer, mais c'est tout de même un chapitre important. J'espère que vous avez apprécié.

Merci à ceux qui commenteront, voteront et paetageront !

Une deuxième partie de ce chapitre arrivera prochainement, promis ^^

Kiss, lil frogz <3            

Win or FallOù les histoires vivent. Découvrez maintenant