Another Flash.

737 41 7
                                    

Les filles étaient montées dans la chambre de Chrys. Elles m’avaient laissé la table à débarrasser, et la vaisselle à faire. Seul Bastard, le chien, me regardant avec ses grands yeux larmoyants était resté me tenir compagnie.

-Alors, t’es pépère, toi. Aucune corvée, pas d’horaire à tenir, tu dors dans le lit d’une fille tous les soirs, tu manges plus que tu ne dois...

Sous le grognement du chien, j’ajoutai :

-Si, je te jure, t’as de la graisse sur l’arrière train. Mais tiens, c’est pour toi.

Et je fis le geste qui avait du l’engraisser toute sa petite vie : je lui balançais un bout de viande qui était en reste dans l’assiette de Connie. Il le happa au vol, et l’avala sans même mâcher.

Je soupirai d’un air las, et mettais le tout dans le lave-vaisselle, puis je le mis en route.  Bastard vint se frotter le haut du crâne contre mes jambes. Je lui grattai la tête, puis sorti par la véranda, qui donnait accès à la piscine et à l’immense jardin.

Ma mère voulait un tel jardin, lorsque mon frère n’était pas encore plein aux as et célèbre dans le monde entier.

Je me souviens, lorsque je devais avoir 11 ans, ma mère venait me rejoindre sur le balcon de deux mètres sur un qu’elle avait essayé de décorer. Mon corps fin me permettait d’avoir beaucoup de place, même en étend étendu sur le béton. Je mettais une couverture sur les dalles, et je regardais ce que je pouvais apercevoir du ciel, cette étendue bleue nuit transpercée par les antennes télévisions qui trônaient sur le haut des tours de la cité.  

Ma mère me disait : « Cambia un poco, hijo, no veo lo que miras ».* Et je me décalais donc, de mauvaise fois, en marmonnant que tout le monde pouvait voir le ciel. Elle me tapotait l’épaule et m’attirait à elle ; même si j’étais ce qu’elle appelait un « grand garçon », je me laissais faire. Je me rappelle d’une nuit un peu particulière. Il faisait plus froid qu’à l’accoutumée, comme ce soir.

J’avais enroulé la couverture autour de mes épaules. Elle était arrivée tout doucement, sans bruit, car elle pensait me déranger. Elle me croyait comme mon frère, brute, avec un côté macho et irrespectueux. Je l’ai été. Mais jamais avec ma mère.

Pour le peu que je me souvienne, ma mère était magnifique. Sur certaines des photos qui trainaient sur le buffet, elle était radieuse, magnifique, les yeux rieurs et la bouche souriante. Elle aimait s’amuser, elle aimait faire plaisir, elle nous aimait, nous, ses fils qu’elle trouvait si beau et fort. Sur ces photos, elle était vraiment belle. A côté de moi, dans cette nuit fraiche et paisible, elle paraissait reposée, mais au coin de sa bouche se dessinaient des ridules semblables à celles qu’elle avait autour des yeux . Les années de souffrances s’abattait sur son corps fragile. Des années passées en hôpital l’avait rendu fébrile avant l’heure ; elle s’en voulait de s’être soignée, car cela nous avait couter cher. Mon père était parti, mon frère faisait littéralement le con. A 16 ans, il était l’homme de la maison, puisque ma mère était trop faible et que je n’étais qu’un gamin. Mais tout ce à quoi il pensait, c’était les filles, les motos et sa guitare, dans n’importe quel sens, cela n’avait pas d’importance. C’est tout juste s’il se souvenait de ma présence, lorsqu’il devait venir me chercher à l’école alors que notre mère agonisait sur un lit d’hôpital.

Je me souviens des phrases dures qu’il avait à propos de notre mère. Il disait que dans les poches de glucose qu’on lui administrait, c’était notre argent qui coulait ensuite dans ses veines. Il voulait m’inspirer la haine. Mais moi, la haine, c’est la seule chose que je hais vraiment.

Puis Jay s’était calmé. Enfin, Jay était son « nom de scène ». Mexicano, mais pas trop, c’était sa petite devise. En vérité, il s’appelle Miguél. Mais il dénigrait son prénom en justifiant que ça faisait gay.

Win or FallOù les histoires vivent. Découvrez maintenant