Espoir...

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En ce matin d’octobre, j’étais anxieuse. Pour trois raisons. Premièrement, mon anniversaire approchait. D’accord, j’étais née le 31, mais tout de même. Je me devais de faire la meilleure fête possible ; j’y misais ma réputation. 

La deuxième raison était l’annonce de l’appel de ma mère, par ma mère. Rien que ça. Elle m’avait envoyée un message en pleine nuit, en oubliant le décalage horaire en même temps que les milliers de kilomètres qui nous séparaient, pour m’annoncer qu’elle m’appellerait aujourd’hui. Si elle prenait le temps de m’envoyer un texto entièrement rédigé (elle avait même écrit « Je t’aime » en entier au lieu de son « Luv u »), c’est que ce devait être important.

Et, pour finir, la mère de Chris arrivait cette après-midi. J’allais enfin la rencontrer. Ou peut-être la re-rencontrer, qui sait ?

D’après Chris, son état s’était amélioré, mais elle restait faible, et avait besoin de repos. Il m‘avait montrée une photo récente d’elle ; elle était pâle, mais souriante. Comme toujours, avait-il dit. Il avait les mêmes yeux rieurs et doux qu’elle, et la même bouche bien dessinée. Ses cheveux étaient cependant beaucoup plus sombres que ceux de sa mère : ils étaient noirs jais, contrant le brun clair de celle ci.

Alors, en attendant, j’étais dans mon atelier. Dehors, la rue était emplie de brume dense ; on ne voyait pas plus loin que le première arbre, en face de la fenêtre. Chris était parti faire un tour, avant d’aller chercher sa mère. Ni Moon, ni Eva, ni Connie, ni même Abbey ou Ben n’était pas disponible pour venir me voir.

Finalement, ce n’était pas si mal. Rosia me laissait toujours tranquille lorsque j’étais dans mon atelier. J’adorais cet endroit ;  annexé dans la tour en pierre qui était dans le jardin, j’avais demandé à la faire construire pour mes dix ans, lorsque je commençais à aimer la peinture et le dessin. Le lierre avait envahi les trous entre les pierres de la tour, mais n’atteignait pas la pièce située juste sous le toit. Les murs avaient été isolés, pour que l’humidité ne pénètre pas. Toutes mes tableaux étaient exposés ici, cachés aux yeux de tous. Même Connie ne les avait pas vus, ceux-là. Tout simplement car c’était des autoportraits.

Je mordillai mon pinceau. Je n’avais toujours pas rendu mon devoir d’art plastique, celui donné en début d’année. Mon prof n’insistait pas ; il devait se dire que je ne le rendrais jamais.

Je voulais le rendre, mais je n’avais pas d’idée. L’angoisse de la toile blanche me taraudait. Je posai mon pinceau en soupirant, puis me levai pour prendre un des cookies que Rosia avait tenus à faire, pour aller à la fenêtre. Je jetai un coup d’œil à la petite horloge-chat posée sur mon bureau. Elle indiquait 11h30. Chris devait bientôt arriver avec sa mère ; je me décidai à descendre.

Le froid me mordit la peau à travers les mailles de mon gilet de laine. Le brouillard persistait malgré l’heure. Je me hâtais à rejoindre la baie et l’ouvrai dans un mouvement brusque, en m’engouffrant à l’intérieur. Le temps de rejoindre l’entrée, j’entendis un déclic. J’avais donné son propre double à Chris, car je refusais toujours que l’on rentre et que l’on sorte du lycée ensemble. Je continuais à ne pas m’intéresser à ses affaires, et lui ne s’intéressait pas aux miennes (enfin, on se retenait). Je ne voulais pas y aller trop vite.

Rosia me rejoignit, et j’ouvrai la porte avant que Chris n’ai pu le faire. Il se tenait sur le perron, la main suspendue en l’air, et tenait sa mère par le bras. Cette dernière s’appuyait sur lui et sur la chose qui était relié à son cathéter. Elle était bien plus pâle que je ne l’aurais imaginé. Des rides lui striaient le coin de la bouche et des yeux, et ses yeux étaient fatigués -mais pas abattu- ; sa main tenant le porte-glucose était fine, avec une peau diaphane où l’on pouvait apercevoir les veines courant au dessous.

Win or FallOù les histoires vivent. Découvrez maintenant