Win or Fall

Home sweet home...

Après le cours laborieux de SVT, la fin des cours arriva enfin. 15h15. Impeccable, j'avais juste le temps pour passer acheter de nouvelles toiles, un nouveau fuseau et un nouveau pinceau à la boutique d'art.

Connie m'apostropha :

-Chrys ! On organise ce bizutage ensemble?

-Hum, j'avais prévue de le faire seule, en fait...et ce soir, mes parents invitent...des amis.

Pourquoi je me justifiais? Je n'avais pas de compte à lui rendre ! Je voulais juste passer une soirée tranquille, au calme, pour dessiner.

-Enfin, bref, je ne peux pas. 

-Bon, c'est pas grave, je vais y réfléchir de mon côté, je t'appellerais dans la soirée. Salut ! dit-elle en s'éloignant.

Ava me rejoignit peu après. Nous nous dirigeâmes vers ma moto. Je lui donnai un deuxième casque que je gardais toujours pour elle, puis nous enfourchâmes la Harvey rouge qu'on m'avait offert pour mes 16 ans, et je nous conduisis jusqu'au magasin d'art.

C'était un de mes magasins préférés. La vitrine était magnifique, pleine de plumes multicolores qui rejoignaient des pinceaux et des tubes de gouaches, jetant des couleurs sur les toiles et les carnets à dessin.

Nous entrâmes; un bruit de carillon se fit entendre. Je pris trois toiles de très bonnes qualités, deux pinceaux, un fusain, une tablette d'aquarelle et un carnet de croquis. Le prix dépassait bien 90$, car les toiles coûtaient chères, mais ma mère, d'une bonté généreuse (et surtout pour combler le vide qu'ils laissaient, mon père et elle), m'avait laissée une carte accréditée de 500 € par mois. Je payais donc, puis jetai un regard à Ava. Elle observait les dessins proposés par des artistes indépendants à la boutique. Ils étaient à vendre. 

-T'en veux un, Ava?

Elle sursauta, puis se retourna.

-Hum, non, je regardais, c'est tout. Et puis tu pourra m'en faire un mieux, sourit-elle.

-Mmmh, c'est vrai, dis-je en rejetant mes cheveux en arrière.

Nous sortîmes et rentrâmes chez moi. Je balançai mon sac dans l'entrée, pris juste le sac de la boutique d'art, et montai dans ma chambre en lançant à Ava :

-Bon, t'as l'habitude, fais comme chez toi ! T'as qu'à sortir des trucs à manger, j'ai envie de me faire une glace fourre tout.

La glace fourre tout était un délire entre nous. On prenait les parfums de glace que l'on préférait -cookies et crème de citron meringué pour moi, vanille caramel pour elle- et on mettait en garniture tout ce qui était sucré dans le placard -bonbons, vermicelles, chantilly, coulis, maltesers, fraises en sucre...- puis on mangeait ça devant Top Model Usa, en nous pâmant sur les photos de Tyra Banks et en insultant les poufs qui ne savaient pas poser.

-Avec plaisir, très chère !

J'entrai dans ma chambre, posai mes affaires puis redescendis au moment où Ava me criait "Téléphhone, Chrys !".

Je me ruai sur le fix, et découvris avec une joie contenue que c'était ma mère. Je décrochai prestement.

-Allo?

-Allo, Chryssie, c'est maman.

-Noooon, je n'avais pas deviné. (En voyant le regard désapprobateur d'Eva, je m'empressai d'ajouter :) Je connais ton numéro par cœur, tu le sais bien.

-Oui, oui...hum, c'était pour t'annoncer que nous rentrerons plus tôt que prévu, Jay Clark part en vacances avec assez de sécurité.

-Ah, d'accord...hum, c'est super ! Et vous rentrez quand, précisément?

-Dans deux jours à compter de demain, donc dimanche soir, mais...

Il y avait un mais. Comme toujours.

-Oui?

-Et bien, Jay a un frère, Chris, comme toi, hein, c'est amusant?

-Je ne vois pas le rapport avec moi.

-Et bien, il a le même âge que toi, et avec la célébrité de son frère et ses parents encore plus occupés que nous (Ah bon? Ça existait, ça?)  et bien, il doit être inscrit dans une nouvelle école, puisqu'on a découvert  qui il était.

-Et...?

-Et bien, on a proposé aux parents de l'inscrire dans ton lycée. 

-Bien ! C'est tellement intentionné.

Je n'avais pas pu m'empêcher d'être sarcastique. Ils ne me voyaient jamais, m'envoyaient quelques textos dans le mois, deux appels comme ça, et ils avaient même oublié l'anniversaire de mes 12 ans. Mais ils prenaient le soin d'inscrire dans mon lycée une autre personne qui n'était même pas de la famille. Génial.

-Ne sois pas si dure, Chryssie Jade (Oulaà, le Chryssie Jade n'était jamais bon...). Nous comptions sur toi pour qu'il puisse s'habituer à la vie en Californie...

-Pourquoi? 

-Il va habiter à la maison pendant ce temps là.

-Quoi?! m'insurgeai-je. Son frère n'est pas assez riche pour lui payer un hotel?

-Non Chrysie, pas pendant un an, tout de même !

-Comment ça, un an? Raaah, et les studios, ça existe.

-Chrys,je ne te demande pas ton avis (Bah, comme toujours). Il logera dans une des chambres d'amis qu'il pourra arranger à son aise, et tu l'aideras s'il a un problème.

-C'est ça. Compter sur moi. Mais si je dois être baby-sitter, je veux une paye. 

Bah, oui, si je pouvais me faire un peu d'argent...

-Rah, Chryssie, c'est un service.

-Non. Je vais faire de sa vie un enfer si je n'ai pas minimum 200 $ de plus par mois.

-200 $ ! Autant que ça?:

-Bah, un ado, et un mec de surcroît, ça bouffe beaucoup. Donc c'est que de la légitime défense.  

-Rah, Chrys, tu m'énerve...c'est bon, accordé.

-Merci maman, je t'aime !

-Attends Chrys, comment c'est passé ta rentrée?

-C'est bon, maman. Laisse tomber.

Sur ce, je raccrochai. La culpabilité qu'elle dégageait ne m'intéressait pas. 

Je rejoignis donc Eva, qui avait tout préparé. Je m'affalai dans le canapé, sans un mot. Eva n'insista pas, elle savait que je parlerais lorsque j'en aurai besoin.

Je pris donc la télécommande et zappais pour trouver notre émission, et nous partîmes pour un gros fou-rire en voyant une grande portoricaine se déhancher à s'en déboiter le bassin. 

Mais la glace avait un goût un peu fade, et ce n'était pas à cause d'Ava, qui était la meilleure pour préparer la glace fourre tout. Non, c'était à cause de ce garçon que je ne connaissais pas, qui allait débarquer bientôt et qui allait me coller au basque et me faire chier pendant un an entier.