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Les filles étaient déjà dans leur chambre, mais elles ne dormaient pas et on s'est toutes pelotonnées dans le lit de Sandra pendant que je leur racontais mon tête à tête avec Samuel.  On a discuté jusqu'à pas d'heure de cette soirée, se demandant si oui ou non, je lui plaisais.  Elles en sont arrivées à la conclusion que si je ne voyais rien, c'est parce que j'étais totalement dans le déni.  En prenant du recul, je dois avouer que je suis presque sûre qu'il a failli m'embrasser, avant que je ne lui fasse cette remarque sur la danse, mais ça fait tellement longtemps que je n'ai pas dragué — ou été draguée — que je ne suis plus sûre de rien.

— Mais est-ce qu'il te plait ? m'a demandé Pauline.

Bonne question.  Je le trouve drôle, gentil, bien élevé et il faut l'avouer, c'est un très, très bel homme.  Dire que je ne m'en étais pas rendue compte avant cette soirée...

— Le costume fait cet effet à beaucoup de femme, a ironisé Sandra, mais celui-là, même dans un sac de jute, je le croquerais bien.

Évidemment, la discussion a fini par dévier vers mon Ben.  Je le sais, dans le fond, qu'il ne voudrait pas que je reste seule toute ma vie, mais je me fais l'impression d'une traîtresse à chaque fois que j'y pense.  J'ai finis par le leur avouer.

Bien sûr, elles le savaient déjà.  Elles me connaissent, depuis le temps, et même si aucune d'entre elles n'a vécu ce que je vis, elles comprennent mes réticences, mes doutes, mes contradictions aussi, mais comme elles me le répètent sans cesse depuis le début : un pas à la fois.  J'ai le droit d'être heureuse à nouveau, et je dois accepter le fait que je ne vais pas finir ma vie seule à vingt-huit ans, mais pour le moment, j'ai besoin d'y réfléchir.

Finalement, cette semaine de congé tombe plutôt bien. Moi qui n'en voulais pas. Je n'aime plus avoir trop de temps pour moi, je le passe en général à ruminer et à déprimer, à regarder de vieilles photos ou des vidéos de l'époque où Benoit était vivant, mais là, j'en ai besoin.

J'ai eu l'impression de revivre hier soir, et le temps que ça a duré, je ne me suis pas sentie coupable. Mais maintenant, c'est une autre histoire.

Quand je rentre enfin chez moi, on est dimanche soir.  Mon corps est détendu de la journée au spa, mais mon esprit est en ébullition.  J'aimerais prendre contact avec Samuel, mais je n'ai pas son numéro de téléphone.  Et puis, ce n'est pas peut-être pas une mauvaise chose.  Je vais passer la semaine totalement déconnectée de tout ça.  Oui, ça me semble bien.

On a prévu une séance de shopping avec Camille demain après-midi.  En temps normal, je n'aime pas ça, mais bizarrement, cette fois, j'ai hâte d'y être.  C'est puéril, mais la vérité, c'est que j'ai envie de nouveaux vêtements pour une seul raison : Samuel.  J'ai envie qu'il me regarde la prochaine fois qu'on se verra comme il m'a regardée samedi au gala.  Bien sûr, je ne vais pas me pointer en robe de bal au boulot, mais je pourrais trouver de jolie robe d'été avec une nouvelle paire de chaussures...

Évidemment, pour une fois que j'ai envie d'aller faire les magasins, Camille me lâche.  Je ne peux pas lui en vouloir, elle a passé la nuit à vomir.  En même temps, je lui avais dit d'y aller molo sur le champagne hier.  Ce n'est pas parce que c'est gratuit que c'est une bonne idée.  Bref, elle a la gueule de bois, elle ne m'accompagnera pas.  Tant pis, on reporte ça à une prochaine fois.

Sauf que je suis chez moi occupée à faire les cents pas et je sens la déprime arriver à grands pas.  Oh, et puis merde, je prends mon sac et mes clés et je vais au centre commercial.  J'ai une excuse, après tout, mon téléphone a plein de problème de batterie, il faut que j'aille le faire réparer, et tant qu'à être sur place, je ferai un peu de shopping en solo.  Camille ne m'en voudra pas, et moi, il faut que je bouge.

J'arrive à l'Apple Store pour faire examiner mon téléphone, et j'y croise... Raphaël.  J'avais complètement oublié qu'il travaille là maintenant.  Directement, il dit à son collègue qu'il va s'occuper de moi.  On discute gentiment pendant qu'il regarde mon téléphone.  Il me confirme que c'est un problème de batterie et me dit qu'il va me le réparer dans la journée.

— Je croyais qu'il devait être renvoyé à la centrale pour ça... non ?

— Normalement, oui, mais bon, il faut juste changer la batterie, et j'ai ce qu'il faut ici.  Je te fais ça dès que j'ai un creux et tu peux le récupérer en fin de journée si ça te va ?

— OK, vers quelle heure je pourrais passer le prendre ?

— On ferme à dix-neuf heures.

— Je serai donc là à dix-neuf heures.

— Si tu n'as rien de prévu, on pourrait peut-être aller manger un morceau, qu'est-ce que tu en dis ?

J'accepte son offre, et je me mets en quête de nouveaux vêtements en attendant.  Naturellement, je ne mets pas longtemps à trouver ce que je cherche et attendre jusque dix-neuf heures, c'est trop long, je ne vais pas rester ici et tourner en rond.  Il est à peine quatorze heures quand j'ai fini de faire le tour des boutiques.  Je rentre donc chez moi.

Je vais manger avec Raphaël ce soir.  C'est une grande première.  Je sais qu'il m'a demandé ça comme ça, sans arrière-pensée, mais les habitudes ont la vie dure, et j'ai envie de l'épater.

Vous devez me prendre pour une fille frivole.  Samuel samedi, Raphaël lundi...  Mais là, c'est mon obsession de jeunesse.  Je sais très bien qu'entre Raphaël et moi, il n'y aura jamais rien, ça ne m'empêche pas de vouloir être jolie pour ce soir.

Je file donc prendre un bain, je me rase, je me coiffe (pour une fois, je lisse mes cheveux, adieux ma tignasse toute ébouriffée, bonjour longueur et brillance) et je mets une de mes nouvelles tenues : je n'opte pas pour une robe, ça serait trop flagrant, mais j'enfile un jeans ultra moulant que je viens d'acheter, noir, avec un débardeur rouge décolleté juste ce qu'il faut.  J'agrémente le tout avec un gilet noir et un châle, une paire de converse montante, et je repars pour être à l'heure.

Une seconde chance (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant